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Fin de règne.

Un vertige traverse Emmanuel Macron. Celui de la politique française. Préférer les promesses aux actes ; la conquête du pouvoir à son exercice. Jusqu’à se contenter « d’inaugurer les chrysanthèmes » ?  

« Tic-tac ». L’Élysée est un palais du silence, où la politique prend des airs ouatés. On entend tintinnabuler les horloges. Elles sont comme le rappel qu’ici aussi, sous ces moulures grand-siècle, à l’abri des affres du monde, le temps s’écoule et s’égare. Rares sont les locataires à y effectuer deux mandats. De Gaulle fut le premier, regrettant sans cesse son grand âge, arguant qu’il « [lui] faudrait dix ans de moins pour faire tout ce [qu’il] voudrait ». François Mitterrand, plus tard, y souffrira énormément. La faute à son cancer, cette araignée perverse qui le ronge peu-à-peu, jusqu’à atteindre sa faculté à gouverner – même s’il donnera le change.

Chirac enfin, affaibli par son AVC de 2005, vivra ses deux dernières années au pouvoir avec la crainte de l’après. Lui, qui pendant des décennies ne vécut que dans l’antre protectrice des palais de la République (Matignon ; Hôtel-de-Ville ; Élysée) angoissait à l’idée à redevenir « un citoyen presque comme les autres ». La peur aussi de cette page blanche dans l’agenda qui le renverrait à lui-même.

Les prétendants s’élancent mezzo voce

En 2027, Emmanuel Macron quittera le pouvoir suprême à l’âge où beaucoup commencent seulement à le conquérir. Délivré de l’angoisse de l’au-delà, il doit toutefois avancer sans réelles perspectives, se sachant condamner à faire autre chose dans quatre ans. Le bal des ambitions, triste signal d’une fin de course, s’ouvre pour l’heure à bas-bruit. Depuis Le Havre, son ancien Premier ministre Édouard Philippe, assez ingrat, rêve de le supplanter en pariant sur une stratégie très simple : « Macron ? Connais pas ». En bref, torpiller celui sans lequel il ne serait resté qu’un élu local de seconde zone. L’homme à la barbe blanche rêve, pour le pays, d’un programme qui n’a rien à voir avec celui du père Noël…  Seul élément tangible : la retraite à 67 ans.

François Bayrou s’installe en concurrent très sérieux. Sage, digne, le haut-commissaire au Plan incarne un pôle de responsabilité au moment où le débat sur les retraites secoue le pays. Partisan d’un discours de vérité, profondément réformiste, il rêve aussi de plus de justice sociale. Une posture de candidat du bon-sens. Suffisant pour convaincre des Français qui lui ont déjà dit non par trois fois ? Ce ne serait jamais qu’une tentative de plus que Mitterrand et Chirac. S’il le faut, entre patience et constance…

 Il y a aussi Bruno Le Maire, qui depuis Bercy ne rêve qu’à s’élancer, fort du momentum médiatique que lui offre la crise inflationniste. Mais celui qui fit seulement 2,4 % à la primaire de la droite et du centre en 2017 peut-il vraiment rêver d’un retour gagnant ? Ensuite, il y a Gérald Darmanin, qui rêve de rejouer la partition de Nicolas Sarkozy, Yaël Braun-Pivet, qui s’espère en recours républicain… Certains prêtent même à Élisabeth Borne l’envie de changer de palais – ce que l’intéressée dément pour l’heure catégoriquement… Les Français avec elle.

Un président qui va mal ?

Ainsi va le rythme présidentiel. Il faut tenir, tenir encore, tenir toujours. Parce qu’une fois qu’on a lâché le fil, il est très difficile de le rattraper. Emmanuel Macron a su le faire, de manière périlleuse, après les Gilets jaunes. Et maintenant ? Après une campagne sans ferveur (certes très contrainte par le virus chinois et le blast ukrainien), Emmanuel Macron a « célébré » sa nouvelle victoire face à Marine Le Pen depuis un Champ-de-Mars à moitié désert, en pleine nuit noire. On était loin de la beauté des images du Louvre, il y a cinq ans. Comme si l’envie, l’exaltation, s’était éteinte en lui.

Ne confiait-il pas, au jeune journaliste sportif Mohamed Bouhafsi, sa grande désillusion ? Dans l’avion présidentiel, au retour des États-Unis, il s’était livré. Dévoilé ? « Il y a deux semaines, j’étais dans une dépression très grave. Il y a un mois, j’étais en train de faire le travail de tous les ministres et du Premier ministre. »

Quels actes forts a-t-il posé depuis le début de ce grand semestre de président-réélu ? Rien ou si peu. Aux prises avec une majorité qui reste à inventer, ses initiatives se cognent souvent contre le mur du réel, si bien qu’il envisage désormais une dissolution dans les deux ans à venir, en partisan des « midterms à la française » (sic). Un choix sans doute périlleux, à contre-emploi du calendrier institutionnel…

Au Château, on s’interroge. La réforme des retraites pourra-t-elle passer ? C’est incertain. Et après, quels grands projets pour les quatre ans à venir ? Nul ne le sait.


Les Indiscrets d’ERB…

Marine 2027 : ce qu’elle prépare • Pour l’heure, la candidate Le Pen garde le silence. Peu prolixe face à la réforme des retraites, la cheffe de l’opposition veut croire que son image est en train de changer structurellement. Les journalistes de L’Express s’en inquiètent cette semaine en publiant un article à charge contre Emmanuel Macron, accusé « d’être le marchepied de l’extrême-droite ». Un certain Antoine Foucher, ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, estime que la députée d’Hénin-Beaumont peut faire basculer « les juste au-dessus » en s’appuyant sur la colère sociale née de la réforme des retraites. Sans compter la déroute de l’ordre public et le délitement du lien social dans les campagnes. Citons L’Express : « La très impopulaire réforme des retraites Fornero, adoptée fin 2011, […] a permis l’accession au pouvoir des formations d’extrême droite (Lega) et populiste (Mouvement 5 étoiles), sept ans plus tard. »

Anne Hidalgo, couleur café ? • Pas de doute, la campagne « HidalGO ! 2022 » (pour reprendre le slogan) ne fut pas une partie de plaisir. L’épluchage des comptes de campagne prouve à quel point cette aventure fut un fiasco : une facture de 1 600 euros de café a été relevée ! On imagine les nuits blanches et les matins difficiles. Cette note de frais s’est vue retoquée par la vibrionnante CNCCFP – Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.  Non, décidément, ce n’est pas le contribuable qui offrira le café.

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