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Ce week-end, la rébellion des troupes Wagner marque un nouveau tournant dans la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine. Le tsar a vacillé. L’ex-officier du KGB n’est plus le seul à détenir le monopole de la violence légitime en Russie.
Il nous avait promis une « blitzkrieg » (guerre éclair) le 24 février 2022. Et voilà plus de seize mois que Vladimir Poutine piétine dans une guerre d’usure qui sonne déjà comme une défaite pour la Russie, et ce peu importe l’issue. Pire, parti « dénazifier » Kiev, le dictateur russe a semé le vent en Ukraine pour finalement récolter la tempête dans son propre pays.
Car oui, la milice Wagner s’est rebellée contre Moscou. Prigojine s’est retourné contre Poutine, son ami. Pourquoi ? le groupe paramilitaire accuse l’armée russe d’avoir mené des frappes meurtrières sur des camps de ses combattants. Et remet en cause les raisons pour lesquelles l’intervention militaire a été lancée : « La guerre était nécessaire pour qu’un groupe de salauds soit promu », a-t-il fustigé, accusant aussi « les oligarques » russes qui « avaient besoin de la guerre », alors que Kiev était selon lui « prêt à n’importe quel accord ».
Mais pour Alain Bauer, si Evguéni Prigojine se rebelle, c’est « parce qu’il savait que ses jours étaient comptés. Il se préparait, d’après ce qu’on me dit du côté de Moscou, une opération visant à le démettre d’une partie de ses responsabilités, en tout cas en Russie, et de le renvoyer uniquement sur des opérations africaines. Sentant ce moment de disgrâce venu, il a joué le tout pour le tout en attaquant Rostov », explique pour Europe 1 le professeur de criminologie.
Dit autrement, Poutine a créé un « golem » qui veut désormais le dépasser. « Dès qu’on crée un individu de toutes pièces, marqué plutôt par sa carrière criminelle et sa volonté de pouvoir, il y a un moment où il tente de se rebeller », poursuit Alain Bauer.
Peu importe le motif de la rébellion, Wagner a révélé au monde entier les faiblesses internes russes. Un « coup de poignard dans le dos » pour Poutine. Une humiliation, surtout. Puisque cette rébellion, même avortée – via la médiation du président biélorusse Alexandre Loukachenko – démontre que Poutine n’est plus le seul à détenir le monopole de la violence légitime dans son pays. « On a vu quand même des hommes armés, n’appartenant pas formellement au ministère de la Défense et aux organes de sécurité, progresser de manière relativement libre à travers tout le sud de la Fédération de Russie et prendre le contrôle d’installations militaires de premier plan, sans qu’il n’y ait de coups de feu ou de véritable résistance armée », s’étonne Nicolas Gosset, chercheur expert de la Russie.
L’autorité du pouvoir russe s’est effritée, puisque le chef au crâne rasé de Wagner pourrait s’en sortir sans représailles, a priori parti se réfugier en Biélorussie. « Personne ne persécutera [les combattants, ndlr], compte tenu de leurs mérites au front », a précisé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Une mutinerie tolérée en dit long sur l’état de santé d’un pouvoir autoritaire.
Et que dire de cette frange du peuple russe, une partie des habitants de Rostov-sur-le-Don, venue applaudir Evguéni Progojine, et crier « Wagner, Wagner ! » ? Une scène qui a de quoi agiter le spectre d’une guerre civile.
Cette parenthèse Wagner profite évidemment à l’Ukraine. Son président, Volodymyr Zelensky n’a pas manqué de réagir : celui qui « choisit le chemin du mal s’autodétruit », « la faiblesse de la Russie est évidente. Une faiblesse totale », a-t-il affirmé. Oui Vladimir Poutine a perdu. Mais la guerre en Ukraine, elle, sévit depuis presque un an et demi, et balaie des populations civiles par milliers. Oui, Poutine vient d’être humilié. Mais cela veut-il dire que la boucherie cessera enfin ?