Énergies françaises, transition engagée

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La France veut réduire ses émissions de gaz à effet de serre et ses capacités nucléaires pour développer les énergies renouvelables et accroître l’indépendance et l’efficacité énergétique française sur le long terme. Une chose est sûre : le parc énergétique français est en perpétuelle évolution et le temps de la domination sans partage des énergies fossiles puis de l’énergie nucléaire est révolu. Pour l’heure, le nucléaire et le pétrole restent prépondérants. Mais l’essor des énergies renouvelables s’annonce spectaculaire.

L’année 2021 marquera le sixième anniversaire des Accords de Paris et de leur objectif de maintenir en dessous de 2 °C la hausse des températures mondiales d’ici à 2100. Autant le dire, c’est mal parti. Mais les grandes puissances réaffirment tour à tour leurs ambitions. Pour la France, l’objectif est de réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Et les moyens doivent suivre : le projet de loi de finances 2021 prévoit 37 milliards d’euros de dépenses favorables au climat. Pour satisfaire ces ambitions d’un genre nouveau, le secteur de l’énergie – qui pèse 2 % de la valeur ajoutée en France, 44 milliards d’euros dans le déficit commercial – doit accélérer sa transition. Depuis la mise en place du programme de centrales atomiques dans les années 1970, le paysage énergétique français est dominé par l’énergie nucléaire. En moins de 50 ans, la production française d’énergie primaire a triplé : de 44 Mtep [mégatonne équivalent carbone, unité d’énergie qui correspond à un million de tonnes d’équivalent carbone] en 1973 (dont 9 % de nucléaire) à 134 Mtep en 2019 (dont 77 % de nucléaire). La production énergétique se résume donc à près de 80 % d’énergie nucléaire, loin devant les énergies renouvelables et l’hydraulique, le gaz naturel et le charbon. En termes de répartition de la consommation d’énergie en revanche, la donne est différente. Légèrement. Le nucléaire domine toujours et représente 40,3 % des 245 Mtep de consommation d’énergie en 2019. Viennent ensuite le pétrole (29,1 %), le gaz naturel (15,2 %), puis les énergies renouvelables (11,6 %) et le charbon (3 %). Depuis 1990, l’évolution est limpide : les consommations de charbon et de pétrole sont en baisse constante, au profit de celles de nucléaire et de gaz naturel. Pendant que la consommation des énergies renouvelables a presque doublé.

Énergies fossiles, déclin confirmé

Jusque dans les années 1920, le charbon faisait office de source d’énergie prédominante, dans le droit fil des révolutions industrielles du siècle précédent. Puis est venu le temps de la domination de l’autre grande énergie fossile, le roi pétrole. Pendant des décennies, jusqu’au premier choc pétrolier de 1973 qui a vu le prix du baril quadrupler, l’exploitation et les consommations de pétrole ont atteint des sommets. Depuis 1973, la donne est tout autre, et les énergies fossiles déclinent toujours plus. Entre 1973 et 2015, la consommation française de pétrole a chuté de 35 %. Depuis 1990, elle a baissé de 17 %. Dans le même temps, la consommation de charbon est en chute libre : – 63 % en trente ans.
En revanche, toutes les énergies fossiles ne connaissent pas le même sort. À mesure que sa consommation de pétrole baisse, la France consomme de plus en plus de gaz naturel. Si elle en produit depuis 1957, elle en importe surtout depuis les années 1980, depuis la Russie, l’Algérie ou la Norvège. À tel point que la consommation de gaz naturel a triplé en France entre 1973 et 2015 et progressé de 28 % depuis 1990.

Malgré tout, le pétrole reste une source d’énergie très utile. Il pèse 30 % de la consommation énergétique annuelle en France. Dans certains secteurs, comme celui des transports qui rassemble près de 33 % de la consommation énergétique en France, le liquide issu des profondeurs reste indispensable et, pour l’heure, irremplaçable à grande échelle. Si le gaz naturel n’est pas en déclin, l’ère des énergies fossiles est bel et bien révolue : leur part dans la consommation d’énergie primaire en France est passée de 90 à moins de 50 % aujourd’hui. Et la dynamique est appelée à se poursuivre : la France s’est fixé un objectif de réduction de 30 % de sa consommation d’énergie primaire d’origine fossile entre 2012 et 2030. Un déclin du fossile qui, depuis près de cinquante ans, s’opère au rythme des progrès de la première source d’énergie française : le nucléaire.

Énergie nucléaire, la fin d’une ère

Le lancement du programme de nucléaire civil français trouve son origine dans les incertitudes sur les approvisionnements pétroliers du Moyen-Orient, induites par les chocs pétroliers des années 1970 et la volonté d’un certain Général de veiller à la souveraineté du pays sur son énergie. En parallèle de l’arrêt complet de la production charbonnière, le parc nucléaire français s’est déployé jusqu’à atteindre 58 réacteurs. De quoi assurer aujourd’hui plus des trois quarts (77 %) de la production électrique. Laquelle a, grâce à l’apport du nucléaire, été multipliée par quatre entre 1970 et 2015. Aujourd’hui, le parc nucléaire de l’hexagone se compose de 56 réacteurs à eau pressurisée répartis entre 18 centrales, depuis la fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en février et juin 2020. Avec une capacité de près de 61,4 GW (gigawatts) et une production électrique de 379,5 TWh (térawatt-heure), il s’agit du second parc le plus important au monde en termes de puissance, derrière celui des États-Unis. Les réacteurs qui composent le parc nucléaire actuel sont dits de « deuxième génération » (14 réacteurs de première génération ont déjà été arrêtés depuis les débuts du programme nucléaire). Depuis plusieurs années, l’âge de certains réacteurs, dont certains dépassent leur 40e année d’exploitation, devient critique. L’allongement de la durée d’exploitation des réacteurs est devenu avec le temps un enjeu économique majeur, soumis à une autorisation d’exploitation délivrée tous les dix ans par l’Autorité de sûreté nucléaire. Mais le vieillissement des centrales reste source d’inquiétude.

Après son âge d’or, le nucléaire est appelé à reculer pour laisser place à de nouvelles sources d’énergies. La loi Énergie-climat de 2019 a fixé comme objectif de porter à 50 % la part de l’énergie nucléaire dans le mix de production électrique et énergétique français à l’horizon 2035. Le temps presse déjà. Dans cette perspective, il est prévu d’arrêter 14 réacteurs en quinze ans, en incluant ceux de Fessenheim déjà à l’arrêt. Il ne faudra pas tarder : le démantèlement d’un réacteur nucléaire arrêté est très délicat et se prolonge sur une période de plus de dix ans. L’ASN conseille donc une stratégie de démantèlement immédiat dès la mise à l’arrêt d’un réacteur. Limite : la décroissance radioactive des matériaux irradiés prend, elle aussi, du temps. Une chose est sûre, la fin du tout nucléaire est en marche. Pour que les énergies renouvelables deviennent une véritable alternative durable.

Énergies renouvelables, essor programmé

Le renouvelable progresse. Mieux, il connaît un essor exponentiel depuis une quinzaine d’années. Depuis 2005, la production d’énergies renouvelables (ENR) a progressé de 70 %, pour atteindre les 320 TWh produits par an. Les ENR représentent aujourd’hui 11,6 % de la consommation énergétique du pays. Dans le détail, la consommation d’ENR est dominée par la filière bois, elle représente la quasi-totalité de la biomasse solide qui assure 35,8 % de la production totale. Elle est suivie par l’hydraulique (18 %), l’éolien (10,8 %), les pompes à chaleur (9,9 %), les biocarburants (9,6 %) et les déchets renouvelables (5 %). La palme de la plus belle progression revient à l’éolien, aux pompes à chaleur et aux biocarburants, qui représentaient 6 % de la production d’ENR en 2005 et en produisent 30 % aujourd’hui. Les filières bois et hydraulique sont, elles, plutôt en baisse. Même si l’hydraulique demeure la première des énergies électriques de source renouvelable avec plus de 25,7 GW installés en France. En termes de puissance installée et de production énergétique, c’est l’hydraulique (25,7 GW), l’éolien (17,2 GW) et le solaire qui dominent (10,2 GW). Mention particulière aux filières éolienne et solaire, elles contribuent à hauteur de 98,4 % à la croissance des énergies renouvelables électriques sur le troisième trimestre 2020 !

Objectifs (trop) hauts…

Pour autant, si les progrès du renouvelable sont notables, ils ne sont pas encore satisfaisants. En 2015, la France s’était fixé comme objectif une part de 23 % des ENR dans la consommation énergétique en 2020, et de 32 % en 2030. Raté pour 2020, donc. Prochain horizon, 2030, avec également l’objectif de 40 % de production d’électricité de source renouvelable. On estime pour l’instant que les objectifs pour le premier examen de passage en 2023 sont atteints à 73 %. Pour satisfaire les ambitions, les grandes manœuvres sont lancées. Avec notamment le développement du parc éolien en mer et la croissance exponentielle du photovoltaïque en 2020 (+ 56 %), boosté par l’intérêt grandissant des Français·es à produire leur propre consommation d’électricité. Surtout, pour atteindre ses objectifs, le gouvernement s’est doté d’un nouvel outil appelé « programmation pluriannuelle de l’énergie » (PPE), qui fixe des objectifs quantitatifs pour chaque filière du renouvelable sur une période de dix ans, exception faite de la première période qui couvre la période 2016-2023. La PPE est revue tous les cinq ans. La première révision de 2018 a abouti à l’orientation 2019-2028 qui prévoit d’entamer la décrue du nucléaire et de mettre le paquet sur le solaire et l’éolien. Mais en pleine crise sanitaire, la France ne respecte déjà pas sa feuille de route. Pour tenir le cap de la PPE, le solaire – aujourd’hui 2,5 % de la production électrique – doit avoir quadruplé d’ici à 2028 : impossible, selon Réseau de transport d’électricité (RTE), le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité haute tension. Objectif similaire pour l’éolien qui doit doubler ses capacités pour arriver à plus de 33 GW installés. Autant dire que les ambitions sont aujourd’hui supérieures aux moyens déployés. Mais la transition est désormais bien engagée. Motif de satisfaction : sur le troisième trimestre 2020, l’électricité renouvelable a couvert 24,2 % de l’électricité consommée. C’est certain, la balance énergétique française va tanguer dans les prochaines années. Pour, peut-être, basculer.

Adam Belghiti Alaoui

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