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2e partie : les innovations/révolutions à l’horizon 2025/2030
La suite de l’analyse de ce consultant en stratégie. Dans le n° précédent (75, Déc.2020/Janv.2021), Adrien Book avait passé en revue 7 innovations désormais bien connues en nous livrant son sentiment argumenté sur leur importance… ou leur surestimation. Voici les autres tournants technologiques qui promettent de nous en mettre plein les yeux… à partir de 2025.
La suite de l’analyse de ce consultant en stratégie. Dans le n° précédent (75, Déc.2020/Janv.2021), Adrien Book avait passé en revue 7 innovations désormais bien connues en nous livrant son sentiment argumenté sur leur importance… ou leur surestimation. Voici les autres tournants technologiques qui promettent de nous en mettre plein les yeux… à partir de 2025.
2025 – Des progrès à portée… demain
8. Véhicules autonomes
2020 devait être l’année de la voiture autonome. Raté. Le « revers du coronavirus » ne va cependant pas refroidir le moral des grandes entreprises qui vont continuer à mettre à jour leurs algorithmes pour créer des voitures pouvant se passer de conducteurs.
Pour rappel, il est généralement admis qu’il existe 5 stades de conduite autonome : de « pas d’automatisation » à « automatisation complète ». Les stades 0 à 2 exigent une surveillance humaine attentive. Les stades 3 à 5 s’appuient sur des algorithmes pour surveiller l’environnement de conduite.
Les voitures autonomes les plus avancées sur le marché (Tesla) sont actuellement à cheval sur les stades 3 et 4. Les chercheurs et ingénieurs espèrent que nous pourrons passer au stade 5 (et à l’automatisation complète de la conduite) d’ici à 2025, si ce n’est plus tôt. Mais la route est encore longue ! Des dilemmes éthiques aux casse-tête statistiques, le ravin entre le stade 4 et 5 sera sans aucun doute le plus périlleux à traverser.
Même si le degré 5 est atteint, il est probable que nous ne remplacerons jamais vraiment les voitures telles que nous les connaissons. Nous créerons plutôt des routes et des espaces spéciaux pour les voitures autonomes. Car la voiture telle que nous la connaissons est si centrale dans nos vies quotidiennes que sa transformation en véhicule autonome signifierait reconstruire une grande partie de notre monde quotidien. Pour citer quelques exemples : le stationnement passerait au second plan (plus besoin de parking si la voiture se déplace en nous attendant), les limitations de vitesses seront adaptées (pour accommoder les algorithmes), le comportement des piétons sur des voies sécurisées ne serait plus du tout le même (plus besoin d’avoir peur d’être écrasé, donc plus besoin d’attendre le vert), etc.
9. L’informatique quantique
Petit rappel, les scientifiques annoncent l’arrivée de l’ordinateur quantique depuis… plus de 50 ans ! Mais cette fois-ci, c’est peut-être la bonne. En octobre 2019, Google a annoncé que ses chercheurs avaient atteint la « suprématie quantique » (supériorité d’un ordinateur quantique sur un ordinateur classique pour une tâche spécifique). Et pour cause : l’ordinateur quantique avait mené en trois minutes un calcul qui exigerait environ 10 000 ans sur un superordinateur classique ! IBM, pas d’accord, a néanmoins estimé qu’un programme informatique conventionnel aurait pu résoudre ce calcul en seulement 2,5 jours…
Dans les ordinateurs quantiques, les bits sont remplacés par des qubits à états superposables (un 0 peut aussi être un 1 en même temps). Ils se montrent en théorie beaucoup plus rapides et plus efficaces que les superordinateurs « classiques », mais ils ont tendance à souffrir de décohérence (perte d’informations). On pense pourtant que leur développement pour les sociétés pharmaceutiques, par exemple, pourrait théoriquement conduire à des percées majeures dans la création de médicaments. De vaccins, mêmes ? Plus intéressant encore, les ordinateurs quantiques pourraient facilement comprendre les mots de passe cryptés des chaînes de blocs (blockchains), ce qui mettrait à mal la pertinence de cette innovation (n’ai-je pas écrit dans le numéro précédent que la devise bitcoin était condamnée ?).
10. Prédictions génétiques
La puissance de calcul brute évoquée ci-dessus pourrait fort bien analyser votre génome et calculer la probabilité de contracter par exemple, des maladies cardiovasculaires, ou encore divers types de cancers. Vous vous souvenez de Bienvenue à Gattaca, ce monde futuriste où l’on choisit le génotype des enfants ? Eh bien nous y serions, croyez-le.
Les risques de discrimination génétique à part, les « prédictions » fondées sur l’ADN pourraient constituer le prochain grand bond en avant en matière de santé publique. Un exemple : des femmes statistiquement à haut risque de cancer du sein subiraient davantage de mammographies, celles à faible risque moins. Du coup, de tels examens détecteraient davantage de cancers réels, déclencheraient moins de fausses alertes, de quoi assurer un meilleur taux de traitement et des primes d’assurance moins élevées.
De quoi en outre aider à l’essor d’une médecine personnalisée – quoique la logistique d’un tel objectif soit probablement un désastre financier dans le climat politique actuel.
11. CRISPR, les ciseaux génétiques
Même si un avenir de type Bienvenue à Gattaca découle de prédictions génétiques, nous pourrions encore créer une situation similaire par le biais du génie génétique pur et simple. CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats) donne aux chercheurs le moyen de modifier facilement les séquences d’ADN et les fonctions des gènes. Parmi ses nombreuses applications potentielles : la correction de défauts génétiques, le traitement et la prévention de la propagation de maladies et l’amélioration des cultures.
La modification des germes pour en tirer de nouveaux virus ou un « Übermensch » (surhomme) reste cependant une perspective moins amusante, si cette technologie devait se retrouver entre des mains non éthiques. Quoi qu’il en soit, j’attends avec impatience le moment où chaque homme ressemblera à un mélange d’Omar Sy et d’Antoine Griezmann. Miam.
12. Augmentations/améliorations humaines
Heureusement, la génétique n’est pas la réponse à tout. Parfois, un peu d’imagination et de robotique suffit à dépasser nos limites. Lentement mais sûrement, nous voyons apparaître de plus en plus d’altérations naturelles, artificielles ou technologiques du corps humain afin d’améliorer les capacités physiques ou mentales, souvent sous la forme de membres bioniques. Alors que nous commençons à mieux comprendre comment le cerveau transmet les informations au corps, de plus en plus d’entreprises commencent à saisir l’intérêt d’améliorer la vie des gens (moyennant une forte rémunération) et à s’aventurer dans cet espace.
Il est très probable qu’au-delà des « augmentations » de bras et de jambes déjà implantés, lesdites « augmentations » intéresseront le dos et les yeux. Puis, lentement mais sûrement, les augmentations deviendront optionnelles, avec son lot d’implications éthiques intéressantes.
2030 – Des technologies vraiment passionnantes
13. Le graphène
Bien que le graphène ait été survendu pendant tant d’années, nous voyons enfin des cas d’utilisations utiles se développer. Si vous n’avez pas prêté attention au battage médiatique, sachez que le graphène est un sous-produit du graphite, lui-même le très proche cousin du carbone. Il s’agit d’un matériau extrêmement solide, mais tout aussi extrêmement fin, léger et flexible (plus solide que l’acier, plus fin que le papier). Et il conduit aussi très bien l’électricité.
Les applications sont nombreuses, en particulier pour l’électronique portable et les technologies spatiales, là où la résistance et le poids deviennent des éléments clés. Il faudra cependant encore attendre de nombreuses années pour arriver à un large éventail de cas d’utilisation. Nous avons construit le monde autour du silicium : il sera très difficile de remettre en question ce genre de technologie bien établie et mature.
14. Informatique en périphérie
Alors que la grande majorité du traitement des données pour les appareils connectés passe désormais par le nuage (le cloud), l’envoi constant de données dans les deux sens exige aujourd’hui beaucoup trop de temps (jusqu’à quelques secondes, parfois !). La 5G est une réponse temporaire, mais une solution plus simple pourrait se voir mise en œuvre : faire en sorte que les objets traitent les données eux-mêmes (à la « périphérie » de l’écosystème). À la clé, la résolution d’un monceau d’obstacles dans les secteurs de la fabrication, du transport et des soins de santé où les décisions prises en quelques microsecondes sont essentielles à toute une série de processus. Même la mode pourrait en profiter en créant des vêtements intelligents et autonomes.
Avec la prolifération des « objets intelligents », attendez-vous à un passage des objets autonomes à des essaims d’objets intelligents collaboratifs. Dans ce modèle, plusieurs dispositifs fonctionneraient ensemble, soit indépendamment, soit avec l’apport humain, en additionnant leurs puissances de calcul. La pointe de ce domaine est mise en œuvre par l’armée qui étudie l’utilisation d’essaims de drones pour attaquer ou défendre des cibles militaires. L’on pourrait probablement aller beaucoup plus loin avec des centaines d’utilisations civiles potentielles.
La technologie est presque disponible, mais comme pour d’autres développements, tant en amont qu’en aval, nous devons d’abord laisser l’innovation de matériaux rattraper leur retard avant de mettre ces idées en œuvre.
15. Micropuces/Biopuces
L’idée principale derrière les micropuces (fabriquées à partir d’un ensemble de capteurs moléculaires capables d’analyser des éléments biologiques et des produits chimiques) : suivre la biométrie humaine dans un contexte médical. On a également vu des cas d’utilisation émerger au sein de l’écosystème technologique de l’espace de travail intelligent.
La technologie des micropuces pourrait toutefois revêtir un attrait beaucoup plus large si les clients décident de lui faire confiance (comme dans le secteur bancaire – imaginez ne plus jamais avoir à prendre votre portefeuille en sortant de chez vous). Des cas d’utilisation émergent aussi dans l’écosystème de la technologie des espaces de travail intelligents : des puces implémentées sous la peau pour reconnaître les employés dans des espaces hautement sécurisés ou encore pour payer son café.
À moins que tout le monde n’accepte soudainement de faire contrôler sa tension artérielle quotidiennement au travail, ce type de suivi risque de rester très secondaire dans un avenir proche. On peut néanmoins imaginer que ces contrôles par biopuces deviennent assez courants dans les hôpitaux.
16. Nanorobotique
Encore plus avancés que les micropuces… je vous présente les nanorobots. Actuellement en phase de R&D dans les laboratoires du monde entier, les nanorobots sont essentiellement de très, très petits capteurs à la puissance de traitement très limitée.
Les premières applications utiles de ces nanomachines viseront sans doute la nanomédecine. Par exemple, des machines biologiques pourraient identifier et détruire les cellules cancéreuses ou administrer des médicaments. Une autre application potentielle est la détection de produits chimiques toxiques et la mesure de leurs concentrations dans divers environnements.
17. Tatouages intelligents
Croyez-moi ou pas : les tatouages capables d’envoyer des signaux par le toucher pour interagir avec le monde qui nous entoure ont beaucoup de sens. Ils sont par nature portables, ce qui assure une plus grande liberté de mouvement. Ils touchent à la question des déchets, rarement évoqués lorsque l’on imagine l’avenir de la technologie. Enfin, ils sont personnalisables, une finalité technologique vers laquelle nous nous dirigeons depuis 15 ans maintenant.
Sous leur forme actuelle, ils seraient temporaires sur la peau. Mais ils pourraient durer beaucoup plus longtemps sur les prothèses. Avec l’avantage de leur faible coût par rapport à bon nombre de matériels disponibles sur le marché.
18. Technologies vertes
Voulez-vous que vos arrière-petits-enfants sachent ce que c’est que de ne pas mépriser le soleil ? Alors oubliez tout ce qui précède et concentrez-vous sur la green tech : la science qui garde le monde vivable. C’est un domaine qui regorge de mille avancées, je me contenterai donc de citer les grands domaines : les générateurs d’électricité à partir d’eaux usées, la fission à base de thorium, le biomimétisme, les matériaux d’exploitation de l’énergie, la capture de carbone, le stockage de l’énergie des sels fondus, la photosynthèse artificielle…
En théorie, toutes ces nouvelles technologies/produits sont au point. Mais leur coût d’adoption est incroyablement élevé à cause de la complexité du changement des infrastructures existantes. Elles devraient déjà se révéler opérationnelles pour notre survie au long terme, mais la route est encore longue.
19. Piles à combustible à hydrogène
Dans une pile à combustible, l’hydrogène se combine avec l’oxygène de l’air pour produire de l’électricité et ne rejette que de l’eau. En soi, ce n’est pas nouveau – le principe a été découvert en 1839. Mais le concept n’était jusqu’aujourd’hui pas suffisamment rentable à grande échelle.
Cette technologie connaît d’ailleurs encore quelques limites : il est facile de stocker une petite quantité d’énergie (d’où son utilisation dans l’industrie de l’exploration spatiale), mais incroyablement difficile de l’envisager à plus grande échelle. Rendez-vous en 2030 pour savoir si nous aurons surmonté ces obstacles.
20. Viande sans viande
Je l’ai essayé : la viande fabriquée en laboratoire sent comme, ressemble à et retrouve le même goût que la viande (au-delà d’un goût qui sort de la « vallée de l’étrange »). Les seules choses qui changent : une alimentation plus saine, pas d’antibiotiques, pas d’hormones de croissance, moins d’émissions de gaz à effet de serre et pas de souffrance animale.
Surtout, c’est un marché gigantesque qui aiguise les appétits des industriels. Après avoir ciblé les végétariens, ils ont compris qu’il est beaucoup plus facile et gratifiant de commercialiser ces produits auprès des flexitariens (à l’époque, on les appelait encore les omnivores).
D’ici à 2030, 10 % de la viande consommée dans le monde ne proviendront plus d’un animal (du moins le suppose-t-on). Le principe est là, la technologie fonctionne… il ne reste plus qu’à vérifier si elle sera largement adoptée.