Il y a 500 ans, la mystérieuse pandémie covidienne…

Temps de lecture estimé : 7 minutes

CoviDay, une dystopitrerie, un documentaire de 2069…

À la façon dont commence une nouvelle de science-fiction, nous sommes en 2520. Sous la forme qu’il vous reste à imaginer, un présentateur androïde, virtuel ou quasiment humain, Miguel Drucker, plonge dans les archives du passé en présentant ce jour-là, quelque part sur la planète, un très, très vieux document daté de 2069. À cette époque, les protagonistes de la saynète ont enregistré le curieux rite qui les réunit, à une époque où l’épidémie coronavirienne sévit encore : on se confine traditionnellement tous les ans, sans plus trop savoir pourquoi… Un extrait de la nouvelle imaginée par Thibault Magnan, acteur amateur et désormais scénariste qui, dans son intégralité, exigerait 3 pages de magazine.

À la façon dont commence une nouvelle de science-fiction, nous sommes en 2520. Sous la forme qu’il vous reste à imaginer, un présentateur androïde, virtuel ou quasiment humain, Miguel Drucker, plonge dans les archives du passé en présentant ce jour-là, quelque part sur la planète, un très, très vieux document daté de 2069. À cette époque, les protagonistes de la saynète ont enregistré le curieux rite qui les réunit, à une époque où l’épidémie coronavirienne sévit encore : on se confine traditionnellement tous les ans, sans plus trop savoir pourquoi… Un extrait de la nouvelle imaginée par Thibault Magnan, acteur amateur et désormais scénariste qui, dans son intégralité, exigerait 3 pages de magazine.

Introduction.

Plateau TV « archives d’histoires »

Miguel Drucker, journaliste

Chers téléspectateurs, bonsoir. Je suis Miguel Drucker, bienvenue dans ce nouveau numéro d’Archives d’Histoire. C’est un document exceptionnel que nous allons vous présenter ce soir, exhumé par notre équipe de cyberhistoriens : un voyage 500 ans en arrière.

Quelques éléments de contexte. Nous sommes sur terre en 2069 et voilà un demi-siècle que les pandémies covidiennes font rage tous les ans, faute de traitement efficace. La quasi-totalité de l’humanité a pris l’habitude de se confiner annuellement depuis 2019. Le xxie siècle respire une fois sur deux. Au premier soir de chaque confinement, la tradition veut qu’on se retrouve entre proches derrière des écrans pour une visioconférence afin de célébrer le CoviDay.

C’est une de ces « visioconfi » que vous allez découvrir. Un document exceptionnel de par son état de conservation et la richesse du témoignage historique qu’il représente : le CoviDay 2069 sera le dernier avant le Grand Effondrement de 2070 et la troisième guerre mondiale qui en découlera, en précipitant la fin de l’ère terrienne de l’humanité…

CoviDay, un document exclusif d’Orbital Prod pour Archives d’Histoires.

Séquence 1.

Visioconférence entre amis. Les protagonistes apparaissent progressivement au gré des connexions. Salutations au fur et à mesure, formules de politesse, banalités. Puis l’un d’eux prend la parole formellement. Tous portent un masque qui leur recouvre le bas du visage. À leur gauche, un rouleau de papier hygiénique.

William : Les amis ! Ça va ? Tout le monde m’entend ? Tout le monde va bien ? Bon il est… 19 h 59… Vous êtes prêts ?

Tous : Oui !

William : Allez, comme tous les ans : main gauche sur le rouleau, main droite sur l’élastique s’il vous plaît… et à mon décompte : 10… 9… 8… 7… 6… (à 5, les autres décomptent en chœur) 5… 4… 3… 2… 1… Je déclare la 50e visioconfi officiellement ouverte !

Tous enlèvent d’un seul geste leurs masques et jettent le rouleau de papier hygiénique derrière eux.

Joyeux CoviDay ! Bon confi !

Cris de joie, sifflements, vœux de bonheur, de bonne santé, réussite, un peu pêle-mêle. Puis l’agitation retombe progressivement.

Alex : Bon… on ne sait toujours pas le pourquoi du papier toilette ? C’est quand même spécial, ce rituel !

Jeanne : Aucune idée précise ! J’imagine que ça a un rapport avec les grandes pénuries primo-covidiennes… En tout cas, ça fait plaisir de voir vos bouches, les copains ! Ça faisait longtemps…

Camille : Un an…

Camille : C’est fou comme ça passe, hein ?

Alex : En parlant de bouches… je suis tombé sur un vieux bouquin chez moi, sûrement à mon grand-père… Je ne vous mens pas… plein de photos de gens dans la rue, mais sans masques ! On voit leurs bouches et tout ! Et ils se promènent, tranquilles l’air de rien !

Réactions multiples de dégoût amusé.

Marie-Jo : Non mais tu n’es pas sérieux… c’est sale ! C’était genre au xviiie siècle ou dans les années euh mitextiles ?

Jeanne : Au xviiie, Marie-Jo, on était plus pinceaux que photos !

Marie-Jo : Ah oui ! Le style Rococo Siffredi tout ça… Ils sont loin les cours d’histoire du lard !

Alex s’absentant du champ de la caméra on l’entend en off Non mais attendez, je vais vous le trouver !

Raoult : Si c’est vrai c’est vraiment immonde, des sauvages. En pleine rue… quel incivisme ! Heureux de ne pas avoir connu cette époque… Franchement, j’aurais pas supporté…

Maïeul Empathique : Toujours hypocondriaque, Raoult ?

Raoult : Un peu…

Alex Revient face caméra, un livre à la main, l’ouvre et montre à la caméra : Le baiser de l’Hôtel de Ville de Doisneau.

Ah ah ! Quand je vous disais que c’était dingue !

Réactions de dégoût, vraiment sincère cette fois. Offuscation générale.

Marie-Jo : C’est juste immonde ! Seigneur Marie-Joséphine ! (Elle se signe)

Terez : Dégueulasse !

[…]

C’est pas jeune ça… plus d’un siècle ! Tiens, d’ailleurs, c’était sous quel président ça ? Camille, Tu sais ?

Camille : Qui ? Moi ?

Terez : Non, l’autre !

Camille : Bonne question… C’était pas… Sarkozy ?

Camille : N’importe quoi… Sarkozy…

Mais c’est beaucoup plus tard ma pauvre ! Sarkozy, c’est celui qui a légalisé le mariage pour tous…

Jeanne : Je ne crois pas, Camille… Pour moi, le mariage pour tous, c’est antérieur. J’aurais dit… Pompidou !

Alex : Pompidou ! C’est drôle comme nom ! Mais lui, c’était pas l’abolition de la peine de mort ?

William : Vieux souvenirs d’école virtuelle, mais il me semble que la Première abolition, c’était sous François Hollande, à vérifier… Par contre, qui d’entre vous se souvient qui était à l’Élysée pour le premier confi… covid-19 ?

Silence. Moues dubitatives.

William : Tu ne sais pas, Camille ?

Camille : Qui ? Moi ?

William : Non ! L’autre !

Séquence 2.

FONDU AU NOIR/TRANSITION

Jeanne : Bon et sinon… qui a du saisonnier avec lui pour le confi ? Pour ma part : rien. Comme j’ai travaillé sous covid-68 cette année, je préfère rester seul avec mon chat et sa liberté !

Terez : Toujours aussi poète ! Eh bien écoutez, ça faisait longtemps que je voulais le faire, mais cette année je me suis lancée… Je suis passée par une agence humanitaire et j’ai fait venir une petite d’un bidonville du 16e arrondissement…

Marie-Jo : Oh c’est beau et très charitable ce que tu fais, bravo !

Terez : Ce n’est pas grand-chose. Je me sens si seule pendant les confis…

Maïeul : Parle-nous d’elle !

Terez : Mignonne comme tout… 20 ans. Elle est arrivée à Montreuil il y a cinq jours. Je l’ai fait venir avant, exprès. Première fois qu’elle passait le périphérique. Si vous aviez vu ses yeux… Émerveillée !

Jeanne : J’imagine… Passer du 16e au 93, ça doit être un choc !

Terez : Dans la favela où elle survit avec sa famille – rue de Passy –, il n’y pas beaucoup de distractions… à part regarder les ouvriers démanteler la Tour Eiffel, se raconter des histoires sur le Grand Paris… Alors quand elle a débarqué ici… en larmes, petite mère. On s’est offert la tournée des grands-ducs ! Le Stade de France, le Village Olympique qui n’a jamais servi, la Basilique de Saint-Denis… […] J’aimerais qu’elle retourne dans le Un-Six avec des projets. Sa famille a failli tenter la traversée de la Méditerranée l’an dernier. Mais ils n’avaient pas assez de pangos pour payer les passeurs.

Maïeul : C’est un mal pour un bien, malheureusement… Hier encore, 23 Italiens et 18 Français qui sont morts en tentant la traversée… Les États-Unis d’Afrique font rêver, mais ils défendent leurs frontières avec tellement de zèle… sans parler des passeurs corrompus… Pauvres gens…

Raoult : Moi aussi, j’y ai songé… Pensez… le seul continent qui a toujours su résister à l’épidémie… Tous les ans… Et puis quand tu compares les cours du pango et du dollar africain, forcément ça donne envie… Mais bon, ils ont claquemuré leurs portes et jeté les clés à la mer…

[…]

Jeanne : Bon et vous autres ? Seuls ? Accompagnés ?

Raoult : Pour moi c’est comme tous les ans… Confiné avec le professeur Didier et sa femme infirmière. Ça me rassure, rapport à ma frêle constitution. On n’est jamais trop prudent.

Alex : Tous ces gens chez toi ?

Marie-Jo : Tu m’étonnes, ça fait du monde au postillon !

Raoult : Je leur laisse ma chambre, je vais dormir dans le cabinet aménagé. Comme ça, au cas où, je suis sur place et y’a tout ce qu’il faut. Eux, ils ont leur intimité, et moi l’odeur de l’antiseptique m’apaise.

Camille : Mais t’es un grand malade !

Raoult : J’espère que non ! En tout cas, sur la table d’examen, je dors comme un bébé vacciné !

Jeanne : Les journées vont être longues non ?

Raoult : Oh non ! Check-up du matin, test covid toutes les deux heures, check-up de fin de journée et soirées séries médicales sur Medflix. C’est divertissant et ça m’apaise quand ce sont les autres qui sont malades. D’ailleurs… tout le monde est en forme ?

Murmures d’approbation, acquiescements.

Raoult Soupir : Dommage.

Maïeul Empathique : À y repenser, ma hanche fait des siennes.

Raoult Rasséréné : Tu devrais consulter, à tous les coups c’est une tumeur au cerveau qui migre !

Maïeul : C’est sûrement ça ! Il lui fait un clin d’œil.

Raoult : Oh là là… Moi, si on me dit « tumeur », je meurs.

[…]

William : Bon… il se fait tard, je crois que les esprits s’échauffent… Il est peut-être temps de mettre un terme à cette 50e Visioconfi, les amis ? En tout cas, moi, je vais vous laisser. Encore un excellent CoviDay à toutes et tous… Joyeux confinement ! Je vous aime. Tâchez de faire de même… Allez, je clos officiellement la séance avec la devise rituelle que je vous demanderai de reprendre « en chœur et avec cœur » conformément à l’article 15 alinéa 13 du Code-Vide. La session restera ouverte après mon départ afin que vous puissiez vous dire au revoir !

Il dit la devise rituelle seul une première fois, solennel, puis tout le monde la répète.

« Il y avait assez de masques pour tous Des tests à foison – Prenez soin de vous Restez à la maison » 

NOIR/RETOUR PLATEAU ARCHIVES D’HISTOIRE

Miguel Drucker, journaliste

Merci d’avoir suivi ce numéro d’Archives d’Histoire. Tout de suite, votre soirée découvertes continue avec Envoyé Spatial. C’était Miguel Drucker, en direct de l’orbite martienne. Portez-vous bien.

Le scénario complet est en ligne. Mise en scène par les Amis du  Théâtre Berthelot-Jean Guerrin, Montreuil-sous-Bois

 

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