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C’est la surprise du chef. Rachida Dati arrive rue de Valois. Quels seront les grands défis de cette nouvelle aventure politique ? Tour d’horizon d’un ministère crucial pour la France.
Voilà une nomination qui éclipsa évidemment toutes les autres. Emmanuel Macron a négocié en direct avec Rachida Dati afin que celle-ci devienne sa cinquième ministre de la Culture depuis 2017. Gabriel Attal, pourtant proche de la sarkozyste, n’a été prévenu qu’au dernier moment.
L’opposante numéro un à Anne Hidalgo accepta à une seule condition. Être la candidate d’un large rassemblement, allant des macronistes aux LR, lors des prochaines municipales de 2026. Cela ne fait aucun doute. Rachida Dati pourra poursuivre son duel à distance avec Anne Hidalgo dans ses nouvelles fonctions, notamment en ce qui concerne le patrimoine de la capitale.
Rachida Dati, bien qu’élue à Paris, sait qu’il faut développer plus que jamais la Culture dans les villages, les quartiers, en Outre-mer. Et que même si la Culture ne se résumera jamais à une suite de chiffres dans un tableur Excel, elle constitue aussi une richesse inestimable pour l’économie française, pas seulement pour le tourisme. « Ma grande arme est la combativité, je vais la mettre au service de la culture. (…) Ce n’est que le début », a déclaré l’impétrante, beau visage de l’intégration réussie.
La culture est un écosystème et une économie
Anne Hidalgo a bien compris le risque que représente pour elle la nomination de sa pire ennemie, puisqu’elle s’est empressé de fustiger la nouvelle ministre avant même sa nomination. « Je souhaite bon courage aux acteurs du monde de la culture compte tenu des épreuves qu’ils vont traverser ». La socialiste, qui rêve d’un troisième mandat historique en 2026, sait qu’il lui faudra batailler face à cette nouvelle alliance qui ressemble à un front « Tout sauf Hidalgo ».
Rachida Dati trouvera rue de Valois nombre de défis. D’abord, il lui faudra convaincre ce qu’en France l’on nomme pudiquement les « milieux culturels » ou moins gentiment « les cultureux ». Volontiers rebelles de tempérament, ceux-là ne manqueront pas de venir « renifler » cette nouvelle ministre venue de la droite… Ainsi, l’actrice Anna Mouglalis, interrogée par TF1 en marge d’une manifestation, est apparue stupéfaite à l’annonce du nom de Rachida Dati : « Naaan… ».
Défendre l’exception culturelle
Toutefois, il serait un peu facile de railler d’emblée cette nomination… Certes, Rachida Dati n’a peut-être pas lu les œuvres complètes de Modiano (et ce n’est pas bien grave) mais son volontarisme à toute épreuve s’illustre déjà dans son cher VIIe arrondissement, où elle invite très régulièrement romanciers et artistes à animer des conférences devant un public ravi.
Rachida Dati possède un autre atout clef dans ce ministère : la notoriété. Contrairement à nombre de ses prédécesseurs tombés dans l’oubli, elle pourra défendre les sujets culturels dans les médias. Sans oublier la bataille du terrain, notamment auprès des jeunes. Son énergie inépuisable sera utile pour gagner le point à l’automne et sauvegarder le budget du ministère. Ce dernier est aujourd’hui fixé à 4,46 milliards d’euros (hors audiovisuel public). En hausse de 6 % en 2024, il ne paraît pas menacé, mais il faudra confirmer voire amplifier l’ambition. Et se mobiliser, comme elle le fait déjà dans le VIIe arrondissement, pour l’éducation artistique et culturelle (EAC). L’essentiel : mieux connecter la Culture à son ministère frère, l’Éducation nationale. Et bâtir, comme le propose Rachida Dati, « une nouvelle culture populaire pour tous ».
Faire le ménage dans l’audiovisuel public ?
Rachida Dati est également en charge de l’audiovisuel public. Si France Inter et France 2, les navires amiraux de Radio France et de France Télévisions, ont des audiences au beau fixe, il conviendra d’ouvrir le grand chantier d’une meilleure représentativité des antennes. Emmanuel Macron lui-même, devant les députés de la commission des Affaires culturelles, qualifia l’audiovisuel public de « honte de la République » en décembre 2017.
Enfin, Rachida Dati devra également surveiller ses arrières. Ses anciens amis des Républicains ne manqueront probablement pas de la fustiger à l’Assemblée, rappelant certaines de ses phrases chocs. Du genre : « En Marche ! c’est un parti de quoi ? (…) C’est des traîtres de gauche et des traîtres de droite. (…) C’est pas dur, c’est la réalité ! ». Cela laisse pantois ! Rachida Dati est également mise en examen pour « corruption et trafic d’influences » dans l’enquête sur ses prestations de conseil en tant qu’avocate auprès du consortium Renault-Nissan. Elle est présumée innocente.
Attention aux pièges tendus par l’adversaire
Comme l’a indiqué Gabriel Attal, Rachida Dati « ne laisse personne indifférent ». Seulement, si elle bénéficie d’une belle surface médiatique et d’une popularité au beau-fixe, son image de batailleuse fait qu’elle n’a pas que des amis. Mais comme l’indique le mantra : « Beaucoup d’ennemis, beaucoup d’honneurs ».
Citons enfin ce témoignage de Fleur Pellerin, qui fut ministre de la Culture de François Hollande. La femme d’entreprise revenait il y a quelques mois sur cette expérience dans ÉcoRéseau Business. « Le ministère de la Culture en France est très respecté mais il demeure compliqué car assez conservateur, difficile à réformer, c’est un milieu habitué au subventionnement public […] Je trouve dommage que ce ministère ne bénéficie pas d’une gouvernance dans la durée : la rotation trop rapide des ministres rend difficile la mise en œuvre d’une véritable vision de politique culturelle ». Voilà finalement le plus difficile pour Rachida Dati : tenir sur le temps long. Au moins jusqu’en 2026, date des municipales !