Le design thinking appliqué aux RH

Mon manager me demande mes attentes… Changer de manager ?
Mon manager me demande mes attentes… Changer de manager ?

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La chasse aux talents est de plus en plus effrénée. La dernière arme dégainée par les directions des ressources humaines tant pour séduire en interne que pour attirer de nouveaux collaborateurs se nomme design thinking. Effet de mode ou véritable révolution ?

Encore un anglicisme qui fait florès chez les recruteurs. Né aux Etats-Unis dans les années 2000, petit frère du brainstorming, le design thinking a germé dans le monde du… design. Peu à peu, il conquiert tous les pans de l’activité d’une entreprise, tous secteurs confondus. Depuis un an, c’est au tour des directions des ressources humaines de succomber. Mais, qu’est-ce donc que le design thinking ? « Une méthode structurée de recherche de solutions créatives, tournée vers les besoins du client – en l’occurrence ici le collaborateur », répond Fabrice Mauléon, consultant de New world skills (NWS), société de conseils. « Un problème est identifié ? Un concept trouvé. On le teste sur le terrain. Si besoin, on le fait évoluer, voire on l’abandonne. Un processus d’itération. En période de crise, les entreprises sont pressées. La logique qui prévaut ici est celle des temps courts. Depuis douze mois, je vois émerger des besoins de ces fonctions supports que sont les directions des ressources humaines. Elles se repensent. »

La foire aux idées

« Schmidt fait bouger les lignes » ? La signature du cuisiniste alsacien donne le ton de ce qui se passe depuis deux ans dans le service de Patrice Casenave, directrice de la relation humaine et de la transformation pour l’entreprise étendue. C’est « design thinking » à tous les étages » ! Opérateurs, responsables de magasins – on en compte 700 au total –, managers, Comex… tous sont dans le même mouvement du « DT des RH ». Née d’une séance collaborative de recherche d’innovation, l’évaluation des managers par leurs N+1 et N-1 fait un tabac. Démarche volontaire, 130 sur 300 managers s’y sont déjà collés. Il y a même une liste d’attente…

Et Philippe Burger, associé chez Deloitte, spécialiste en capital humain, de lister quelques questions qui doivent guider la démarche de design thinking. « Comment fonctionnent les salariés ? Quelles sont leurs attentes ? Quels sont les besoins d’interactions inter-services ? Qu’est-ce qui peut les aider à se sentir bien dans leur environnement professionnel ? Comment l’entreprise peut-elle prendre en compte ce besoin de personnalisation ? » Dans les sociétés adeptes, le design thinking débride la créativité. Quelques exemples en vrac : nouveau mobilier, développement du télétravail, connaissance des métiers de la maison mère ou des filiales, célébration des succès, reverse mentoring (ou comment un salarié de la Génération Y coache un cadre expérimenté), financement d’un projet personnel du salarié – comme chez HomeServe, société de services pour la maison… D’annuel, l’entretien individuel peut devenir continu – comme pour le baccalauréat –, avec une base de données ou un cahier de doléances en ligne accessibles en permanence pour les salariés.

« Mais toutes les idées ne sont pas bonnes, commente Patrice Casenave de Schmidt groupe. Pour preuve, le réseau social interne a été testé et abandonné. Cet outil servait plus pour les loisirs… Laisser aller les collaborateurs, susciter l’envie est important, mais toujours au service du projet d’entreprise. Le cadre est là. » Chez La coopérative Wellcoop, qui œuvre dans le secteur de la pharmacie, le réseau social Yammer a été un succès. A chaque terreau ses réussites et ses échecs. Mais, dans tous les cas, être à l’écoute ne veut pas dire oui à tout, non plus.

La revanche des RH ?

Pourquoi le monde feutré des ressources humaines commence à s’en emparer ? Est-ce (encore) un coup de la (fameuse) génération Y ou… Z ? « J’en ai ras-le-bol de ce discours », s’agace Charles-Henri Besseyre des Horts, président de l’Association francophone de gestion des ressources humaines (AGRH). « Toutes les générations sont allergiques à la hiérarchie, aux strates. Que faisaient les jeunes en mai 68 sinon s’insurger aussi ? Le mouvement est peut-être un peu plus marqué avec la dernière… » La question fait débat dans le microcosme. Parfois perçues comme une tour d’ivoire, un département figé, les ressources humaines ont là l’occasion de reprendre la main, de revenir au centre du jeu.

50 salariés et +

Leroy Merlin, Coca-Cola, Pepsi Cola, Canal +, Veolia… le design thinking fait tache d’huile avant tout dans les grands groupes. S’il n’y a pas de millefeuilles, de strates, de relations top down… point besoin de cette nouvelle recette managériale. « Dès qu’une petite et moyenne entreprise (PME) dépasse les 50 salariés, précise Fabrice Mauléon, dès qu’elle se dote d’une direction des ressources humaines, le DT est un outil utile. »

Pas de raz-de-marée pour autant. Aucun colloque ou publication sur le sujet du côté de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). Toutefois, le phénomène devrait prendre un peu plus d’ampleur dans les mois à venir en raison de l’amélioration de la conjoncture économique. La pression change de camp. « Aujourd’hui, dans les grandes structures, démissionner et être recruté par une tierce entreprise est plus facile que de se faire entendre de «son» entreprise. Mais, un ETP (équivalent temps-plein) en RH gère grosso modo 50 parcours professionnels », souligne Pierre Antoine Roy, cofondateur de Crafty, plateforme d’échange de compétences Tech (développeurs, data scientists, UI et UX designers …).

Aux sociétés de convaincre les futurs collaborateurs de venir et de retenir les salariés en poste. Design thinking et marque employeur vont dans le même sens. C’est dans la même veine. Des collaborateurs heureux sont des salariés productifs et peu enclins au turn-over. « Dans le secteur des IT, le marché est tellement pénurique que les entreprises n’ont plus le choix ! », explique Stéphanie Lagand, associée d’un cabinet de recrutement spécialisé. « Aujourd’hui, le message est clair : rien ne sert de recruter si les DRH n’effectuent pas un travail sur elles-mêmes. »

Murielle Wolski

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