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Va, crée et deviens…
Plus mature, l’essaimage technologique, consistant à mettre le pied à l’étrier à des cadres dans des domaines proches de l’entreprise, fait son chemin.
«Le salarié vient nous voir avec son idée et son projet, puis nous l’aidons à formaliser et mettre en place le tout », telle est la définition première de l’essaimage par Pierre Dubar, directeur régional de Développement Economique et de Schneider Initiatives Entrepreneurs. Bonne nouvelle, les grands groupes et même les ETI recherchent désormais les velléitaires de la création d’entreprise dans leurs rangs. Pierre Dubar est aussi vice-président de Diese, l’association du Développement de l’initiative et de l’entrepreneuriat chez les salariés des entreprises, qui regroupe les cellules d’essaimage d’EDF, EADS, Sanofi, Air France, Total, SNCF… Tous se réunissent pour formaliser les procédures et échanger sur les bonnes pratiques, qui évoluent à vitesse grand V.
Prendre un salarié par la main
Dans l’essaimage traditionnel, le salarié travaille sur son projet en dehors des heures de travail, et peut éventuellement disposer d’un temps partiel abondé. « Il trouve un soutien dans la gestation projet, la vérification de viabilité, l’adoption des codes marketing. Après l’élaboration du prévisionnel financier et l’étude de marché, il nous arrive de le diriger vers d’autres structures comme les CCI, chambres des métiers, Réseau Entreprendre… », décrit Dominique Petit, délégué Schneider Electric Initiative Entrepreneurs sur le sud-est de la France qui suit encore les entreprises trois ans après la création. « Le taux de réussite à l’issue de cette durée, de 85%, surpasse le niveau national » », se réjouit Pierre Dubar, alors que Schneider Electric accompagne 50 à 70 créations par an, dans un essaimage « à froid », en dehors de toute restructuration.
Instrument RH de premier ordre
Les syndicats voient d’un bon œil cet outil de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, qui permet justement d’anticiper les restructurations et les reclassements non désirés. Au jour le jour, il permet de fluidifier les effectifs, de faire partir ceux à qui le fonctionnement d’un grand groupe ne convient plus. C’est aussi une solution pour ceux qui sont confrontés au plafond de verre, à cause par exemple de leur incapacité à être mobiles. Fuite des talents organisée ? « Mieux vaut prévenir que guérir, et éviter de réagir en catastrophe au départ d’un collaborateur, qui de toute manière aurait quitté l’entreprise », argumente Dominique Petit, dont la cellule est intégrée au département développement durable de l’entreprise. La culture entrepreneuriale fait son chemin dans les grands groupes qui paraissent ainsi plus modernes et soucieux du bien-être de leurs effectifs. Les jeunes diplômés savent qu’ils ne rentrent pas dans un monde cloisonné, que leurs problématiques d’emploi et de mobilité seront prises en compte. En outre, « nous nous inscrivons dans le développement économique du territoire où nous nous trouvons », ponctue Dominique Petit.
Un nouvel état d’esprit
Alors que les entreprises sont créées dans n’importe quel secteur d’activité, les acteurs de Diese échangent de plus en plus sur le fait de valoriser des brevets dormants ou des projets abandonnés car hors du cœur de business, en les transmettant à des salariés. Les groupes ne souhaitent surtout pas les voir tomber dans l’escarcelle de la concurrence. Le « spin off » apparaît alors comme une solution arrangeante pour tout le monde. « Plutôt que d’externaliser totalement une activité devenue non stratégique, nous nous arrangeons pour qu’un cadre, accompagné par les banques, reprenne l’activité. Nous avons enregistré six exemples en moins d’un an », illustre Dominique Petit. Dans ce dispositif Pass-Innovation, le salarié passe une partie de son temps à travailler sur son projet alors qu’il est salarié de Schneider, après que le comité d’essaimage a donné son aval. « Le CEA – qui est un adepte de cet essaimage technologique, avec une dizaine d’exemples par an dans lesquels il prend une part au capital –, nous a inspirés », évoque Dominique Petit. Schneider Electric s’efforce d’émettre dès le début son intention stratégique dans cette affaire : valoriser un brevet et faire naître un partenaire, développer un produit plus rapidement et s’équiper d’un fournisseur… « Tout le monde doit comprendre le but, pour aller plus vite », insiste-t-il. Airbus ou Sanofi se sont aussi mis de la partie. Les nouvelles technologies contribuent à un raccourcissement incessant des cycles de vie des produits, et les grands groupes doivent donc toujours parfaire leur innovation. La solution de l’écosystème poussée à l’extrême par General Electric ou Cisco, avec de petits acteurs qui gravitent autour de la société mère, semble s’imposer. Ce type d’essaimage participe au phénomène, permettant aux grands acteurs de fonctionner en système ouvert et de capter toujours plus de ruptures.
Julien Tarby