L’avenir du métier d’ingénieur vu par les grandes écoles

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Les défis permanents du métier d’ingénieur

Témoignage d’une poignée d’acteurs majeurs de l’enseignement supérieur sur le devenir du métier d’ingénieur.

«L’ingénieur joue un rôle clé pour innover et donner aux technologies des applications qui bénéficient à la société. L’ingénieur s’assure que ses créations sont utilisées pour le bien collectif et sont insérées sur le marché de façon rentable », introduit François Lureau, président de la fédération Ingénieurs et scientifiques de France (IESF). Le monde se complexifiant de plus en plus, le métier doit sans cesse répondre à de nouvelles questions et à de nouveaux défis. L’ingénieur devra traiter, par exemple, les questions d’eau, d’agriculture, de déplacements de populations, de réoccupation de certains territoires. Il faudra également qu’il prenne en compte la révolution numérique et ses nombreuses implications, de l’éducation à la cybersécurité. De manière générale, l’ingénieur devra s’engager dans des grands projets d’aménagement planétaire. Pour François Lureau, l’ingénieur est le seul qui peut répondre aux problématiques contemporaines : « C’est celui qui sait gérer les transitions, qui a une vue d’ensemble. Il sait comment valider les nouvelles technologies et gère les aspects économiques ainsi que les impacts environnementaux. » Pour s’adapter au mieux, les formations existantes accordent une place centrale à l’international. « La connaissance d’autres cultures, d’autres coutumes, d’autres pays et manières de penser, d’autres contextes est fondamentale, insiste Jean-Eric Aubert, vice-président de la Fondation 2100, sous égide de la Fondation ParisTech. L’idéal serait de suivre un tiers de la formation à l’étranger, y compris dans les pays les plus pauvres, avec des ONG. C’est capital pour pouvoir être en accord avec les autres cultures. »

Verbatim de dirigeants d’écoles sur la mue du métier d’ingénieur

Vanessa Proux  directrice déléguée de Sup’Biotech

« Répondre à des besoins non pourvus »

« Les biotechnologies consistent en la valorisation du vivant à des fins utiles à l’Homme. La thérapie génique, la médecine personnalisée ou encore la synthèse d’une peau par impression 3D dans le secteur des cosmétiques sont autant d’applications liées à ce secteur d’avenir. Les biotechnologies dépassent le cadre scientifique pour pénétrer l’ensemble de la société. Leur pouvoir transformateur n’a jamais été si grand et elles permettent de s’affranchir du temps de l’évolution. Elles proposent des solutions à de nombreux défis (médicaux, environnementaux, agricoles, etc.), en offrant de nouveaux possibles : la capacité de comprendre, de prévoir, de transformer et de créer. La mission de l’ingénieur est de valoriser tous les travaux de la recherche dans les sciences du vivant pour répondre à des besoins non pourvus. On attend également des bio-ingénieurs qu’ils aient de fortes compétences en termes d’éthique. Par ailleurs, nos profils formés chez Sup’Biotech parviennent à bien se positionner sur le marché de l’emploi, notamment dans le secteur de la bio-production, des nouvelles thérapie et des dispositifs médicaux. »

Dieudonné Aboud  directeur de l’Isep

« La nécessité d’un travail collaboratif »

L’Isep est une école du numérique au sens large qui a toujours été dans une démarche innovante depuis sa création en 1955, sept ans après l’invention du transistor, lequel est à la base de toute la révolution numérique. Depuis nous formons des ingénieurs innovants pour toutes les industries. En 2000 nous nous sommes lancés dans la recherche et dans le développement de l’international et nous entendons maintenant ajouter de plus en plus la dimension innovation comme notre troisième pilier après la formation et la recherche. « La pénurie prévue par la Commission européenne est de 910 000 emplois en Europe dans le numérique à l’horizon 2025. Notre école, qui a doublé ses effectifs en l’espace de six ans, tente de répondre à cette demande accrue en formant des ingénieurs qui soient rodés sur les technologies nouvelles. Parce qu’il transforme les entreprises, parce qu’il est un acteur perturbant, l’ingénieur numérique doit d’autant plus savoir accompagner et humaniser le changement en montrant tous les apports du numérique. C’est pour cela que, d’entrée de jeu, nous mettons nos étudiants en confrontation avec la nécessité d’un travail collaboratif. »

Joël Courtois  directeur général de l’Epita

« Le défi de la transformation digitale »

« L’Epita, créée en 1984, est une grande école d’ingénieur CTI, dédiée à l’informatique et au numérique. Elle compte aujourd’hui près de 2 500 élèves et apprentis, français et étrangers, avec plus de 8 000 anciens présents dans une quarantaine de pays. L’école couvre tous les domaines du numérique avec des spécialités telles que cybersécurité, intelligence artificielle, robotique et embarqué, IoT, télécommunications, multimédia, finance, systèmes d’information… Le métier d’ingénieur fait partie de ces métiers en forte demande de talents depuis des années et cela dans le monde entier. Particulièrement recherchés : les ingénieurs «à la Française», formés à la science, les technologies et le business. Une école comme Epita forme actuellement moins de 300 étudiants par an et reçoit plus de 6 000 offres d’emploi en France. Chaque année, 25 à 30 % des diplômés prennent leur premier poste à l’étranger, symbole de cette excellence française. Le métier d’ingénieur offre d’innombrables variantes, en termes de domaines d’application, et tout autant de possibilités de carrières passionnantes à l’international. Les grands défis de l’ingénieur dans les prochaines années se situent dans la transformation digitale de la société, la cybersécurité, les nanotechnologies, le changement climatique, les transports, l’énergie, la chimie, les biotechnologies, l’agriculture et la faim dans le monde… »

Opal Fritz-Nicholls  directrice de programmes de l’Ecole polytechnique

« Former une nouvelle génération d’ingénieurs »

Le modèle stratégique de Polytechnique repose sur trois piliers : enseignement, recherche, développement économique. Son modèle de formation, fondé sur des enseignements poussés dans plusieurs disciplines scientifiques et ouvert sur les humanités, a toujours été en adéquation avec les besoins de la société. Opal Fritz-Nicholls, directrice de programmes : « Dans un monde en constante mutation, la mission de l’École polytechnique est de former par la recherche et au contact des entreprises une nouvelle génération d’ingénieurs, d’entrepreneurs, d’innovateurs et de scientifiques. C’est pourquoi l’X a développé des programmes sélectifs de haut niveau qui répondent aux enjeux stratégiques auxquels se trouveront confrontés les ingénieurs du futur. Elle forme aujourd’hui les ingénieurs qui inventeront demain de nouvelles solutions face aux défis de la transition énergétique, de l’intelligence artificielle, de la ville intelligente, de la régulation financière, de la santé et de la cybersécurité. »

Philippe Courtier  directeur de l’UTC

« Les problématiques industrielles ont évolué »

Crée en 1972, l’Université de technologie de Compiègne (UTC) est au service de la compétitivité des entreprises. L’UTC compte 4 400 étudiants principalement en formation ingénieur, master et doctorat. Ces formations sont adossées à une recherche technologique d’excellence. L’UTC se situe dans les 15 premières écoles d’ingénieurs du pays et dans les deux premières qui recrutent post-bac. « Les problématiques industrielles ont évolué, atteste le directeur Philippe Courtier. Les entreprises ne cherchent plus seulement des fournisseurs d’expertises scientifiques et techniques, mais des partenaires pour accompagner les mutations industrielles, conceptuelles et cognitives de leur métier. L’ingénieur doit maîtriser l’entrelacement irréductible entre fait technique ou technologique et monde socio-économique, entre situations de travail et responsabilité éthique et politique à dimension sociétale et citoyenne. »

Francis Pollet  directeur général de l’Ipsa

« Les plus jeunes cherchent moins que les anciens »

Installée à Paris et à Toulouse, l’IPSA est, depuis 2011, la quatrième école d›ingénieurs aéronautiques du pays derrière l’Isae-Supaero, l’Enac et l’Ecole de l›air. Son directeur est lui-même général de l’armée de l’air. « L’aéronautique est un domaine normé et robuste mais qui exige pour son développement et sa pérennité de l’innovation et des nouvelles technologies. L’ingénieur d’aujourd’hui est comme celui d’hier, à l’exception qu’il est ultra-connecté, en permanence. Avant tout, l’ingénieur est un manager qui doit gérer des choses de plus en plus compliquées et des systèmes de plus en plus transverses. Il faut continuer à faire en sorte que nos ingénieurs aient de l’ouverture d’esprit en allant chercher l’information là où elle se trouve. L’interconnexion permet de mettre beaucoup de gens ensemble. Un constat s’impose : les plus jeunes cherchent moins que les anciens. L’ingénieur est avant tout un manager. Il doit savoir utiliser son intelligence, l’intelligence artificielle et tous les systèmes dont il dispose ».

Véronique Bonnet  directrice générale déléguée de l’ESME Sudria

« S’adapter et sentir les tendances »

Présente à Paris, Lille, Lyon et Bordeaux, l’ESME Sudria est une école d’ingénieurs généraliste fondée en 1905 qui s’est développée avec l’essor de l’électricité « Aujourd’hui, l’électronique, l’informatique, le numérique et l’énergie font partie de nos domaines clés », assure Véronique Bonnet, directrice générale déléguée. Qui poursuit : « L’ingénieur a vocation à construire les produits et services de demain. Pour cela, il doit forcément s’adapter, sentir les tendances, avoir une bonne compréhension des enjeux et ne pas avoir peur du changement. Aujourd’hui, on voit également que les ingénieurs tendent de plus en plus à devenir des managers, Désormais, la partie technique s’efface petit à petit dans sa carrière professionnelle et laisse place à la gestion, à la stratégie, etc. » Quid des débouchés ? « L’employabilité est plus qu’assurée. Nous recevons dix offres d’emploi par diplômé dans le secteur de la robotique, du numérique, de l’informatique, de la télécommunication… »

David Hill  directeur adjoint de l’Isima

« L’éthique, un vrai enjeu »

« Nous formons des ingénieurs en développement logiciel avec des spécialités en calcul scientifique, informatique embarquée, réseau, sécurité, aide à la décision… Nous cherchons à former des ingénieurs qui en plus d’un savoir-être nécessaire, et de la capacité à travailler à l’international, soient aussi de vrais professionnels de l’informatique ; capables de concevoir des projets, d’innover, de développer des systèmes ou des services informatiques fiables qui nécessitent souvent la mise en œuvre de techniques complexes. A l’époque de la convergence des nanotechnologies, de l’intelligence artificielle et de la bio-informatique, l’éthique est aussi un enjeu pour le métier d’ingénieur en informatique. Cette discipline fera partie de la formation de nos futurs ingénieurs. Fournir assez d’informaticiens de bon niveau pour répondre aux attentes des entreprises est un réel défi. La sécurité informatique est aussi l’une de nos priorités pour accroître la confiance dans le numérique. »

Jonathan Nahmany

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