La place de la formation continue dans le réseau IAE

La double compétence demeure un des fers de lance des IAE.
La double compétence demeure un des fers de lance des IAE.

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De l’art de capitaliser sur ses qualités intrinsèques

Quelles méthodes pour innover pédagogiquement sur le plan de la formation continue ? Les IAE précisent leur positionnement et leurs ambitions. Analyse.

Jerôme Rive, président du réseau IAE France, directeur général de l’IAE Lyon depuis 2008, met en perspective : « La formation continue est au cœur des politiques de développement RH. En tant qu’écoles publiques, la formation continue est une de nos missions sociétales. Et ce pour de multiples raisons : les IAE ont été fondées il y a 60 ans, avant la loi Delors de 1971 relative à la formation. Gaston Bergé, philosophe et chef d’entreprise, a alors décidé d’intégrer la formation du management dans les universités tout en développant les premiers INSA. »

La formation continue : un développement au cœur du réacteur des IAE

Historiquement, cela s’est donc matérialisé avec le développement du diplôme C2AE, de la double compétence qui est devenue ensuite le Master Management des entreprises.

« Notre métier de base c’est de former à la double compétence. A nos débuts, il s’agissait d’un cycle complémentaire. Nous étions sur des programmes qui nous ont permis de toucher des publics déjà en poste, dans le but de les former à l’action collective », continue Jérôme Rive. On dit d’ailleurs que ce diplôme est le MBA à la française car l’influence des travaux américains sur les méthodes pédagogiques ainsi que les allers-retours des enseignants-chercheurs chez l’Oncle Sam ont participé à la coloration du premier diplôme des IAE.

Dans les esprits français, encore aujourd’hui, le diplôme, en tant que sésame, joue pour beaucoup dans l’accès à certains postes dans certaines entreprises. Il n’y a qu’à constater les recrutements à poste et expériences équivalents avec une grille de salaires variant en fonction du classement et de la réputation de votre école.

En développant l’ensemble des formats de sa formation continue, le réseau IAE va profiter de ce biais culturel français en matière de recrutement. « L’IAE de Lyon a développé ses premiers programmes de formation continue à partir des années 1960. La formation diplômante va rapidement être une activité lucrative qui va permettre le développement des IAE côté  formation initiale. Cette politique atteindra son apogée durant les années 1980-1990. Le modèle économique revient donc à utiliser les revenus des programmes de formation continue pour notamment permettre aux bacheliers d’entrer à moindre frais dans l’école », précise Jérôme Rive.

Globalement les IAE vont longtemps se satisfaire de cette optique car les publics étaient friands de ces diplômes d’Etat. Depuis dix ans cela dit, les IAE développent à nouveau de la formation courte et non diplômante. Hervé Penan, directeur de TSM (Toulouse School of Management, anciennement IAE de Toulouse) illustre : « Nous proposons aujourd’hui des formations courtes de plusieurs jours sur plusieurs sujets spécifiques : fiscalité des entreprises, droit social, rémunération des dirigeants… Le positionnement, ici, est de viser les cadres supérieurs et les dirigeants et de leur proposer de faire un point qualitatif sur l’actualité du management. »

D’un point de vue sociétal, les IAE font même mieux. Pour ses 60 ans, le réseau a tenu à comprendre finement son marché, avec une grande enquête – la première du genre pour cette composante universitaire. « L’attractivité ne cesse de progresser. Avec une progression de 13 % du nombre de candidats à l’entrée, quel que soit le niveau », témoigne Sarah Lempereur, directrice exécutive d’IAE France. Les raisons de ce succès ? Un rapport qualité/prix en IAE qui défie toute concurrence. « Les frais d’inscription à un master d’une business school oscillent entre 10 000 euros et 12 000 euros par an, contre 350 euros – à la louche – dans nos établissements », note Nadine Tournois, qui pilote l’IAE de Nice. « La différence ? La subvention de l’Etat. Pour prendre une image qui fait sens, on retrouve la même distinction entre une clinique et un hôpital public, sauf qu’il n’y a pas ici de carte vitale, mais une carte étudiant ! » Résultat : le brassage social est une caractéristique de ces écoles de commerce. « Nos établissements remplissent réellement un rôle d’élévateur social », explique Virginie de Barnier, directrice de l’IAE d’Aix. « Quand la Conférence des grandes écoles affiche un taux de boursiers de 18 %, nous sommes à 45 % ! Nos étudiants ne sont pas issus du même milieu. Il n’y a qu’à regarder les voitures sur les parkings pour mieux s’en convaincre… » Sans compter les développements de la VAE et de l’alternance pour toujours un peu plus démocratiser ces enseignements de qualité. De belles trajectoires professionnelles sont ce faisant au rendez-vous. 62 % des diplômés sont insérés sitôt leur stage de fin d’études, 84 % à six mois. 15 % d’entre eux le font aussi à l’étranger, avec un salaire brut moyen à l’embauche estimé à 28 237 euros.

Innovations conditionnées par les marchés locaux

Difficile qu’une moyenne nationale rende objectivement compte d’une réalité tant les chiffres sont disparates. Pour l’IAE de Grenoble, 300 étudiants sont en formation continue sur les 1 500 inscrits. Pour celui de Paris, qui s’est spécialisé dans la formation continue, les ratios sont presque inversés avec 2 000 inscrits dont 500 en formation initiale. « Cela dit, trois cinquièmes des effectifs nationaux sont en formation continue, c’est une tendance qui se renforce avec la différenciation des supports et des programmes de formation selon les données des marchés locaux », synthétise Jérôme Rive, président de France IAE et DG de l’IAE de Lyon. Premier exemple avec Caen qui a très tôt opté pour de la formation à distance en raison d’un marché local réduit.

Aujourd’hui, certains des acteurs du réseau ont également accéléré leur offre digitale pour délivrer des MOOCs et autres SPOCs de qualité. Le MOOC sur les techniques de commercialisation de l’IAE de Lyon a ainsi été élu Meilleur MOOC de l’année dans sa catégorie. « Nous avons développé ce produit en partenariat avec la fédération des agents commerciaux de France. Et pour toucher d’autres publics, nous avons travaillé sur une nouvelle version avec la fédération des commerces de gros. De fil en aiguille, nous avons abouti à la création d’un autre média. Très souvent, c’est par ces logiques de partenariats qu’on est amenés à faire des parcours innovants, élargir et approfondir nos contenus », analyse Jérôme Rive. Les exemples sont légions et demeurent toujours dans l’esprit de développer la double compétence : formation avec la cartographie d’emploi avec le rectorat de Lyon, programme avec Agro’Sup l’école vétérinaire pour apprendre les bases du management, partenariat avec l’Ecole d’application de l’Etat d’inspection vétérinaire pour appréhender la transformation du métier, la gestion managériale et les partenariats publics /privés, de même avec les métiers de l’industrie pharmaceutique ou encore ceux de la chimie… Hervé Penant dessine la même dynamique dans le Sud-Ouest : « Avec Airbus, nous avons développé un programme court intra-entreprises pour les cadres dirigeants de la fonction financière. Sur quatre jours, nous présentons aux participants les éléments les plus importants sur la gestion financière et les challengeons en mettant en face d’eux des enseignants-chercheurs qui ont publié des travaux de référence sur le sujet. »

Création de formats diplômants uniques en France

Eric Lamarque, directeur de l’IAE de Paris, commente au sujet de l’école de commerce parisienne : « Nous gardons l’ADN de la double compétence d’autant que 60 % de nos étudiants toute formations confondues n’ont jamais fait de gestion, qu’il s’agisse du secteur du droit, de la santé ou de l’ingénierie. Outre la double compétence, nous avons développé une offre comprenant des mastères spécialisés et des parcours diplômants de niveau master ou de niveau doctorat. »

Ici une des spécificités fortes de l’IAE de Paris est à mettre en exergue. Spécificité qui n’est pas sans rappeler ce qui se passe outre-Atlantique. D’abord parce que le diplôme historique des IAE, hors MBA en tant que tel, a souvent été considéré comme un MBA en tant que programme généraliste destiné à des profils en exercice sans formation managériale… Ensuite parce que l’IAE fait partie d’un des rares établissements français à prendre le parti des docteurs en France, profils pourtant recherchés à l’étranger et aux Etats-Unis essentiellement. Enfin, la formation doctorale de qualité est permise grâce à l’adossement de ces écoles de commerce à une université qui regorge d’expertises. « Ils ont un MBA, ils ont été DRH, directeur… mais désirent continuer avec un très haut niveau de réflexion. Nous avons développé des doctorats dans toutes les disciplines de gestion. C’est en quelque sorte un Executive Phd coloré fortement par une volonté de professionnaliser le contenu et les profils », précise Eric Lamarque.

Open innovation pour mieux construire les programmes

Le monde de la formation continue est un univers mouvant. Il n’y a qu’à regarder le turnover et la naissance de nouveaux MS au sein de la CGE. Les IAE n’échappent pas à la règle et vont même jusqu’à exhumer certains programmes.

Bien que tombé dans l’oubli suite à la réforme de l’enseignement supérieur (avec le fameux consensus de Bologne pour segmenter le supérieur en 3/5/8 ans d’études), l’IAE de Lyon a relancé le Master 1 Management et administration des entreprises qui peut ensuite se poursuivre avec un M2 de spécialisation. Dans les faits, cette ancienne maîtrise est prisée par les profils managériaux en exercice mais qui n’avaient pas de formation, ni de background managérial.

« La remise au goût du jour de ce programme nous interpelle sur nos métiers pédagogiques. Nous avons réalisé un hackhaton avec les participants du M1 pour travailler sur les pontages à créer entre connaissances pragmatiques et connaissances académiques et trouver des passerelles avec ses profils en activité. Cela nous a questionnés sur la manière dont les compétences s’actionnent. Une réflexion complémentaire à celle que nous avons menée dans le cadre de la VAE dans l’effort de formaliser les diplômes en compétences. Autant de questions qui nous permettent d’être innovants », résume Jérôme Rive.

L’internationalisation, de la suite dans les idées ?

Si l’internationalisation n’est pas le point fort des IAE au regard des business schools privées concurrentes en France, les actions à l’étranger se multiplient et l’on peut attendre des ambitions de plus en plus affirmées de la part des acteurs publics à l’égard des marchés internationaux.

Christian Defélix, directeur de l’IAE Grenoble, circonscrit : « Cette tendance à l’internationalisation des programmes et aux doubles diplômes est déjà développée à Lyon, Aix, Rennes, Paris. Ce n’est pas atypique car en tant qu’école universitaire nous avons un corpus d’enseignants internationaux en conséquence. Les partenariats de formation se nouent et accouchent de nouvelles formations. » Plus précisément à Grenoble, la moitié des inscrits se trouve être en activité en France, tandis que l’autre moitié est à l’étranger : « Au Brésil, en Chine, en Indonésie, au Maroc, en Iran, au Liban, toujours dans une logique de double partenariat. L’idée est d’aider nos partenaires à l’étranger à renforcer l’expertise de leurs étudiants en ayant un diplôme national français », complète Christian Defélix.

Geoffroy Framery

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