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MS & MSc
A l’occasion du QS World Grad Tour qui se tiendra le 25 mars prochain à Paris, EcoRéseau Business vous propose de revenir sur l’imbroglio des appellations de la formation professionnelle. D’autant que derrière les sigles se cache une volonté des écoles de favoriser l’insertion professionnelle et de s’ouvrir à l’international. Décryptage.
Pas facile de s’y retrouver dans les diplômes obtenus lors de formations supérieures ! Si le milieu professionnel parle de Master dès qu’il s’agit d’un Bac+5, la réalité est plus complexe. Depuis début 2014, date d’entrée en vigueur de la loi ESR de 2013, les établissements privés ne peuvent plus délivrer le diplôme de Master, réservé aux Etablissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) ainsi qu’aux Etablissements publics administratifs (EPA). Écoles de commerce ou d’ingénieur privées sont alors obligées de s’associer à un EPSCP si elles souhaitent continuer à délivrer le Saint Graal. De nombreuses écoles proposent cependant des formations dont le diplôme de sortie équivaut au grade de master, à défaut d’en être un. Parmi les formations proposées, deux sont reconnues pour leur excellence par la Conférence des grandes écoles (CGE) : les Masters spécialisés (MS) et les Masters of science (MSc). L’association étudie les formations proposées avant d’apposer le précieux label, gage de qualité vis-à-vis de leur cible. Le MS propose des formations très spécialisées et pour des secteurs précis, là où le MSc est destiné aux cursus internationaux. A ce jour, il existe 593 formations labellisées par la Conférence des grandes écoles. L’institution en a même labellisé 43 de plus rien que sur l’année 2016-2017. Sur la même année, 7 900 élèves ont suivi une formation en Master spécialisé et 3 500 en MSc.
Le Master of Science pour l’international
Le MSc a été créé pour répondre à une demande de formation internationale. « C’est une formation à destination des étudiants étrangers ou des étudiants français désireux de s’expatrier », explique Christophe Digne, président de la commission des accréditations de la CGE. « Au moins la moitié des cours est dispensée dans une langue étrangère. » Créé en 2002, le MSC est aussi un moyen pour les écoles d’accroître leur rayonnement international. « Il y a un vrai engouement pour les carrières internationales chez nos étudiants », explique Julien Manteau, directeur de la stratégie et du développement d’HEC Paris. « Dans un contexte de globalisation, proposer des formations en anglais nous permet d’attirer les meilleurs professeurs sans barrière de la langue », précise-t-il. Un facilité à double sens puisqu’elle permet aussi d’accroître la renommée de l’école auprès des étudiants internationaux. « Il y a trente ans, lorsque vous étiez numéro un dans votre pays, vous étiez connu à l’international. Aujourd’hui c’est l’inverse, il faut être reconnu à l’international pour attirer les étudiants français. » Selon la CGE, les étudiants étrangers représentent 70 % des étudiants en MSc.
Le Master spécialisé pour l’insertion professionnelle
En ce qui concerne le MS, la spécificité de sa formation lui permet de correspondre aux attentes des entreprises sur des postes ou des métiers très précis. Au sein de NEOMA Business School, les choix de création de Master sont faits suite à leurs échanges avec les entreprises partenaires. « Nous créons un nouveau Master en anticipant la création des marchés », explique Odille Letrillart, directrice de l’Executive Education des MS part-time de NEOMA. « Nous avons des liens très forts avec les entreprises, mais nous travaillons aussi avec des comités de perfectionnement afin d’anticiper les besoins de compétences de demain. Cela nous permet de monter rapidement des formations en adéquation avec les attentes des entreprises. » Des attentes aujourd’hui tournées majoritairement vers le numérique. Au sein des écoles de commerce, la data est par exemple un enjeu, mais côté usages. « Au sein de notre MSc Datascience for business nous essayons d’apporter un enseignement technique avec un point de vue stratégique », détaille Julien Manteau. Ce dernier concède également que si les échanges avec les entreprises sont le premier facteur de création de Master, la création d’un MSc peut aussi intervenir car la demande des étudiants se fait de plus en plus forte. A Neoma les Masters spécialisés en formation continue sont parfois même pensés avec les entreprises : « Notre MSc International Luxe est en partenariat avec Taittinger et Gucci depuis de longues années », détaille Anne-Sophie Courtier, directrice des MS et MSc full-time de l’école.
Une approche plus individuelle
Si les entreprises pèsent beaucoup dans la création des Masters spécialisés, le modèle où l’entreprise finance une formation à ses ouailles prometteuses tend à perdre du terrain. « Nous constatons que les individus financent de plus en plus leur formation eux-mêmes », explique Jean-François Fiorina, directeur général adjoint de Grenoble Ecole de Management. Une tendance qui pourrait s’expliquer par une conception plus individuelle des carrières et des changements de postes plus nombreux. Selon la CGE, 62 % des élèves en Master spécialisés sont dans des programmes de formation continue ou mixte formation initiale/continue. Cependant, à NEOMA, les MS part-time concernent essentiellement des étudiants en formation initiale qui réalisent une alternance en entreprise.
Au-delà de l’insertion professionnelle, les MS et MSc sont aussi un moyen pour les écoles d’afficher leurs différences. « Au sein de NEOMA, nous avons décidé de mettre l’accent sur trois pôles d’excellence : Supply Chain Mobility, Entrepreneuriat et Luxe, explique Anne-Sophie Courtier. Il est donc évident que les créations de MS ou MSc dans les années à venir vont s’inscrire dans cette logique. » Une façon de se différencier résumée par Jean-François Fiorina : « Les MS et MSc sont un des éléments de valorisation de la marque d’une école, ils permettent de diffuser son expertise. »
RNCP
Vers un découpage en blocs de compétences
Le RNCP, qui tient à jour les informations concernant les diplômes, titres ou certifications des formations reconnues par l’État, a vu ses prérogatives évoluer. « Depuis 2014, les certifications qui sont enregistrées dans le RNCP peuvent être déclinées en blocs de compétences, explique Georges Asseraf, président de la CNCP. Dans la lignée de la création du Compte personnel de formation qui avait une cible de 150 heures, il a fallu découper les formations professionnelles qui comptabilisaient 500 heures, ou plus, en blocs de compétences pour que les titulaires du CPF puissent bénéficier des formations. » Les organismes de formation tentent depuis d’adapter leurs formations en blocs, même si la démarche complexe rend le processus lent. « Si l’on veut être cohérent, c’est lors de la construction de la certification qu’il faut penser le découpage en blocs, explique Georges Asseraf. Cela prend du temps mais nous devrions recevoir beaucoup plus de formations en blocs dans les mois qui viennent. »
Nicolas Pagniez