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Moi & mon double
Plus qu’une hybridation des compétences, les écoles à deux visages promettent aux recruteurs de créer des profils polyvalents, agiles et (intra-) entrepreneuriaux.
Pour former aux métiers d’avenir, certaines écoles choisissent la niche. Classiquement, ces écoles étaient réservées aux métiers de bouche et du luxe, voire ceux de la logistique et des métiers techniques. Mais depuis quelques années, de nouveaux secteurs et créneaux voient émerger de nouvelles abbayes de Thélème de la formation supérieure : l’école 42 dans le code, le Moda Domani Institute dans la mode et le design, l’EAJF pour former les futurs agents sportifs… Hors ces pépites de l’enseignement, le discours est tout autre. L’idée cultivée par bon nombre d’acteurs de la formation supérieure mêle élargissement et approfondissement. Sans renier leur ADN parfois centenaire, les business schools font les yeux doux à de nouvelles expertises. Aucun manager ne saurait en 2017 s’épargner d’apprendre ce qu’est un algorithme. Et inversement, le profil tech a aujourd’hui l’impérieuse nécessité de sortir de sa tour d’ivoire. Si la double compétence devient stratégique pour les entreprises, certaines écoles vont encore plus loin en la cultivant dès la première année, voire dès le jour de la rentrée pour créer des profils à tout faire.
Graine de managers agiles ou d’entrepreneurs
Amis recruteurs, la double spécialisation est d’abord question de posture. « Nous voulons que nos étudiants et pros soient “future ready”, qu’ils aient 25 ou 50 ans. Nous les formons et leur offrons non seulement une vision technologique avec par exemple la transformation digitale mais aussi des clés managériales, avec de nouvelles méthodes motivantes tels que happy scrum ou le design thinking. Tout passe par des méthodes pédagogiques variées qui les rend acteurs », explique Valérie Pham-Trong, directrice de Ionis School of Technology and Management (Ionis-STM) (cf. Encadré).
Certaines écoles font ainsi autrement le pari de mixer ingénieurs et apprentis managers au sein de dispositifs pédagogiques : « Pour nos étudiants de master, nous avons créé un projet de consulting et d’innovation avec le groupement d’écoles d’ingénieurs Yncréa (HEI, ISEN, ISA). 80 entreprises nous confient des projets chaque année : Materne sur la valorisation des déchets de pomme, Boulanger sur des produits électroménagers innovants… », complète Caroline Roussel, directrice académique de l’Iéseg Business School.
Vous l’aurez compris. La double compétence concerne directement les savoir-être. Et François Galloin, directeur du programme Mastère ESSEC-Centrale Entrepreneur d’ajouter : « Imaginez ce type de profil en entreprise. Quand on a eu la possibilité de se projeter sur une posture de dirigeant avec une vision à 360°, cela donne une posture extrêmement utile quel que soit le fonctionnement. D’autant que les entreprises souffrent d’un problème de cloisonnement, faute de comprendre d’autres fonctions, d’autres expertises ou de communication sur la vision globale » .
Pas qu’une posture, une double expertise au service de profils polyvalents
Force est de constater que l’essentiel des rapprochements entre écoles est géographique : Centrale Nantes et Audencia BS, l’Enac et Toulouse Business School, Vet’Agro et IAE de Lyon, ESC Troyes, UPF et UTT… Mais ces derniers se légitiment surtout par un besoin fort des entreprises.
Caroline Roussel complète : « La double compétence est un sujet d’actualité qui a émergé chez nous il y a 3-4 ans. Pour revoir notre vision d’ici 2025, nous avons brainstormé avec les enseignants, les anciens, les entreprises, les étudiants. L’interdisciplinarité et la double compétences ont été deux des thèmes forts à ressortir ». C’est ce qui explique par exemple la création d’une verticale droit et management avec la faculté catholique de droit de Lille afin de faire dialoguer juristes et managers et de former des étudiants prêts à candidater pour des postes transversaux dans les divisions RH ou juridique des entreprises.
Il y a mieux même, sur le sujet de l’entrepreneuriat. Jean-François Galloin, précise : « Nos deux écoles cultivent des visions très complémentaires. Si on vulgarise, généralement, l’ingénieur a eu une idée et le diplômé de la business school veut créer son activité. Concilier ces deux points de vue permet ensuite de se poser la question du secteur, quelle proposition de valeur, quelle association pour aboutir à de beaux projets » (Cf. Le monde de demain vu par les étudiants).
Cas d’école
Dans les coulisses de la double compétence
Entretien avec Valérie Pham-Trong, directrice de Ionis School of Technology and Management (Ionis-STM), école de la double compétence de IONIS Education Group.
Quelles sont les actualités de Ionis-STM ?
Ionis-STM, pionnière de la double compétence, célèbrera prochainement ses 15 ans au Grand Palais. Aujourd’hui, l’école est durablement inscrite dans le paysage de la formation, tant il est devenu indispensable aux managers de développer cette compétence digitale, tandis que parallèlement chez les ingénieurs savoir manager est devenu essentiel. D’ailleurs les chiffres le prouvent : notre école possède un taux de placement de 95%, six mois après le diplôme.
Dans ce monde qui évolue vite, l’agilité des entreprises et des collaborateurs est indispensable. Chaque année des professionnels nous rejoignent pour se former, mus par leur ambition de progresser, de passer un cap : acquérir une double compétence, suivre un coaching et se former aux enjeux de demain sont les atouts clé de nos MBA. Alors en cette rentrée, nous lançons quatre Executive MBA dédiés à la transition digitale, pour accompagner les cadres à se former à la transformation digitale, à la cybersécurité, au Big Data, à l’entrepreneuriat et à l’innovation.
Quelle est votre culture pédagogique ? Qu’est-ce qui vous distingue sur la scène de la formation ?
Cet ADN « double compétence » propre à Ionis-STM se conjugue avec une dimension proactive qui rend nos étudiants acteurs. Notre pédagogie s’appuie sur une dynamique d’entreprise : des intervenants professionnels, des évaluations basées sur des projets concrets menés en équipe. Nous capitalisons sur l’humain et la diversité de nos étudiants que ce soit en âge, en background ou en choix de MBA : chacun apporte sa richesse, apprend à s’adapter rapidement et se révèle. Tout est décloisonné pour que des profils et des caractères différents se rencontrent, se complètent avec leurs compétences propres, apprennent à penser différemment, à l’image des besoins d’une équipe transverse en entreprise. Car nous avons des étudiants d’une vingtaine d’années qui poursuivent leurs études comme des seniors qui se forment pour acquérir cette double compétence. Un terreau plus que favorable au co-apprentissage entre pairs et aux pédagogies innovantes de partage telles que le reverse mentoring.
Geoffroy Framery