Pays-de-la-Loire : le bon élève

Belem, quai de la fosse, Nantes
Belem, quai de la fosse, Nantes

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Si elle n’a pas besoin d’une autre pour briller, la région aurait tout de même vu d’un bon œil une fusion avec la voisine bretonne.

Tel le peuple d’irréductibles Gaulois imaginé par le célèbre dessinateur Albert Uderzo, la Bretagne résiste au mouvement de fusion des régions qui s’empare de la France. Au grand dam des voisins ligériens, nombreux à percevoir un éventuel rapprochement comme une opportunité et une chance de prendre une dimension supplémentaire. Le président de la CCI régionale des Pays-de-la-Loire Bruno Hug de Larauze rêvait même de voir renaître l’Armorique d’antan : « Il se trouve que reconfigurer la région actuelle en se basant sur ce territoire historique a plus que jamais un sens dans l’économie du 21e siècle ». Il n’en sera rien.

Les Pays-de-la-Loire ont de quoi se consoler. Ils jouissent d’une forte attractivité. La population croît de 1% par an depuis dix ans. Le département de Loire-Atlantique est l’un des premiers en termes de création d’entreprises. Selon un sondage publié par l’institut Think en 2015, Nantes figure à la cinquième place des villes françaises où il fait bon entreprendre. Plusieurs pôles sont identifiés comme des terres d’avenir en transformation numérique, agroalimentaire, aéronautique, automobile, navale, sans compter les énergies marines. A cela s’ajoute un taux de chômage parmi les moins élevés du pays qui parachève l’étiquette de bon élève de la région. .

Réforme territoriale, un rendez-vous manqué avec les Bretons

La fusion de régions n’a de sens que si une cohérence économique la justifie. En ces temps de rapprochement des territoires, l’argument prend des allures de vieille rengaine entonnée aux quatre coins de l’Hexagone par ceux qui regardent leurs voisins du coin de l’œil. « C’est pourtant justement ce qui caractérise la Bretagne et les Pays-de-la-Loire. La liste des forces communes et des collaborations déjà en place est longue », affirme Bruno Hug de Larauze pour qui le maintien de la configuration territoriale actuelle masque « clairement un rendez-vous manqué ». Alors, pourquoi les deux régions continuent-elles à faire cavaliers seuls ? « Les raisons sont purement politiques. Nous sommes scandalisés par le refus de la Bretagne de faire alliance. C’est regrettable, d’autant que la responsabilité de ce choix incombe en réalité à peu de personnes », tempête Jean-François Gendron.

Des développements de services informatiques à ceux de l’agroalimentaire en passant par les projets relatifs aux énergies marines renouvelables, force est de constater que bon nombre d’atouts cultivés par les deux régions sont étrangement similaires. « Que dire du pôle de compétitivité Végépolys, par le biais duquel de nombreux acteurs ligériens et bretons travaillent, main dans la main, sur des projets relatifs à la recherche agronomique, au fonctionnement des génomes ? », illustre Bruno Hug de Larauze. Parmi les collaborations concrètes, on peut aussi citer ADN’Ouest, l’association des décideurs du numérique, dont le rayonnement des activités d’échanges et de partages de savoir-faire et d’expériences couvre le territoire breton et ligérien.

Un développement tiré par des géants industriels

Si la région bombe le torse quant aux chiffres séduisants de l’emploi ou de l’attractivité, c’est en grande partie en raison du succès des mastodontes industriels locaux et de leurs plans de développement qui font bien des jaloux. Le fleuron Airbus, qui rassemble quelque 5000 salariés répartis entre Nantes et St-Nazaire, ne cesse d’embaucher. « Le groupe prévoit 285 millions d’euros d’investissements dans les cinq ans », se réjouit Jean-François Gendron, président de la CCI de Nantes St-Nazaire. L’assemblage du tronçon de fuselages avant et centraux des avions est l’une des activités phares. Dans le sillage du géant de l’aéronautique, environ 500 sous-traitants et fournisseurs profitent de l’horizon radieux du secteur, à l’image du spécialiste de la chaudronnerie aéronautique Halgand et du fabricant de sous-ensembles composites techniques Duqueine qui viennent tous deux d’étendre considérablement la superficie de leurs sites. D’autres grandes entreprises comme Daher, dans la Sarthe, ou Mecachrome, en Loire-Atlantique, figurent parmi les locomotives régionales.

Dans le domaine naval, STX n’est pas en reste. Le constructeur de paquebots retrouve la santé et a l’intention d’investir 100 millions d’euros dans les cinq années à venir. Le développement industriel du site de St-Nazaire a le sourire, grâce aux commandes qui emmènent les projets jusqu’en 2023. « Le point le plus important reste que les chantiers ont su faire évoluer leurs activités. Ils se spécialisent dans les énergies marines renouvelables avec la production d’éléments pour des éoliennes, des stations électriques. C’est devenu un acteur maritime global », indique Bruno Hug de Larauze.

Cap sur l’industrie du futur

Le dispositif Dinamic Entreprises, lancé depuis 2007, incarne la volonté de la région de se projeter pleinement dans les enjeux économiques à venir. Piloté par le Conseil régional des Pays-de-la-Loire, l’Etat et les CCI, il propose de donner aux entreprises les moyens de renforcer leur compétitivité par un suivi de neuf mois pendant lesquels une équipe d’experts ainsi que des objectifs concrets et mesurables sont déployés. Un millier d’entreprises ont déjà bénéficié de ce programme. « Il s’agit de proposer aux sociétés une vision à 360 degrés de leur activité, afin par exemple d’aider les industriels à s’ancrer dans les défis de l’Usine du Futur », décrit Bruno Hug de Laurauze. La Plateforme régionale d’innovation (PRI) Proxinnov, dont le rôle est notamment de permettre à chaque entreprise d’intégrer une démarche d’innovation en matière de robotique, est également au cœur de cette dynamique. La France compte deux fois moins de robots industriels que l’Italie et quatre fois moins que l’Allemagne. Un retard que le tissu industriel ligérien a pour but de rattraper en partie. Le territoire de La Roche-sur-Yon Agglomération doit jouer un rôle central sur ce plan. Dans le sillage de deux importants constructeurs de robots industriels déjà implantés (Sepro et Yaskawa), une vingtaine d’intégrateurs et de fabricants de composants se développent à grande vitesse. La plateforme Proxinnov se charge de la sensibilisation à la robotique, de son développement dans l’industrie régionale, du soutien au montage de projets R&D et de l’accompagnement des PME ligériennes dans leurs projets de robotisation.

L’ère du large

Situation géographique oblige, les richesses issues de la mer sont à portée de main. Et la région semble mettre tout en œuvre pour ne pas manquer le virage de l’innovation en la matière. En témoigne la décision d’Alstom Renewable Power de choisir Nantes pour y implanter son nouveau centre de R&D qui mobilisera à terme quelque 250 personnes. « C’est l’une des filières d’excellence de la région, au même titre que la mécanique ou la robotique. De nombreux projets dépendent des technologies marines », rappelle Bernard Le Falher, chargé de mission au sein de la technopole Atlanpole. L’un des derniers grands symboles de ces développements est matérialisé par GEPS Techno, une entreprise innovante à l’origine d’une éolienne flottante capable de produire de l’électricité par quatre ressources écologiques différentes : le vent, les courants, la houle, le soleil.

D’importants développements concernent également l’exploitation des micro-algues qui trouvent des applications dans les carburants de troisième génération, la cosmétique, ou encore en matière de dépollution des effluents. « Nous collaborons étroitement sur ce plan avec la Bretagne, notamment avec le pôle de compétitivité Mer Bretagne Atlantique », souligne Jean-François Gendron. Il ne manque pas de préciser qu’il s’agit là « d’un des nombreux volets qui auraient vu d’un bon œil une fusion réussie entre les Pays-de-la-Loire et la Bretagne ». Un point de vue soutenu par le pôle de compétitivité qui, sur son site Internet, mentionne sur ce plan « un territoire clairement identifié autour d’une grande région Bretagne-Pays de la Loire ».

La ruée vers le numérique

Les chiffres en témoignent, l’avenir des Pays-de-la-Loire n’ira pas sans une filière numérique omniprésente. Selon l’Association des décideurs du numérique de l’ouest (ADN’Ouest), quelque 35000 emplois directs en dépendent sur le Grand Ouest. « Les technologies de l’information et de la communication représentent 20000 emplois uniquement dans la région nantaise », confirme Jean-François Gendron. En moyenne, ce sont 3500 emplois qui sont créés chaque année depuis 2010 dans le secteur. Les 3000 entreprises ligériennes du domaine réalisent un chiffre d’affaires annuel de huit milliards d’euros. Là encore, les besoins industriels sont à l’origine de bon nombre d’innovations et de développements, à l’image du Centre industriel de réalité virtuelle (CIRV), consacré aux technologies 3D interactives. Il vise à accueillir les projets de recherche de l’aéronautique, de la construction navale, des énergies nouvelles par exemple dans un but de modélisation 3D des produits et process pour procéder à des tests physiques et techniques. Outre une optimisation des productions, la solution permet la formation des personnels en amont ou encore l’expérimentation de situations dangereuses.

De façon générale, la transformation numérique touche tous les secteurs. « C’est devenu le cœur de notre événement, constate Nicolas Douchement, directeur du salon des entrepreneurs de Nantes Grand-Ouest. L’un de nos deux programmes majeurs cette année est consacré aux équipements en outils numériques pour gérer les différents volets des activités quotidiennes. Toutes les TPE et PME sont potentiellement concernées. On ne compte plus les petites sociétés qui se dotent de logiciels de gestion ou qui se lancent dans le déploiement d’une plateforme de commerce en ligne pour étendre leur clientèle. »

Un écosystème propice aux collaborations mais méconnu

A l’image de Proxinnov dans le domaine de la robotique, les Plateformes régionales d’innovation (PRI) se sont multipliées depuis quelques années en Pays-de-la-Loire. La PRI Cap Aliment a vu le jour pour offrir aux acteurs de l’agroalimentaire des moyens supplémentaires en R&D. Quant à la PRI Gérontopôle Autonomie Longévité, elle se penche sur les enjeux du vieillissement et de la Silver Economy. « Nous travaillons globalement à la “clusterisation” des centres de recherche, des industries, des sous-traitants. Le but est d’aider les ETI et PME à faire des sauts qualitatifs grâce aux écosystèmes favorables », explique Bruno Hug de Larauze. L’IRT Jules Verne joue un rôle central en matière de solutions de prototypage, d’élaboration de démonstrateurs pour les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique, ou encore de l’énergie. Les TIC ne manquent pas non plus de solutions pour mener à bien des projets collaboratifs. La Cantine numérique de Nantes ou encore le cluster des entreprises du web Atlantic 2.0 ont vocation à propulser les jeunes pousses de la filière vers les sommets.

Mais le foisonnement de tremplins pour un développement accéléré a sa part d’ombre. « Si les PME utilisaient effectivement tout ce qui existe pour leur mettre le pied à l’étrier, ce serait formidable. Mais nous en sommes loin. Le Centre industriel de réalité virtuelle de Saint-Nazaire est largement sous-exploité. Les entreprises sont noyées pas un trop plein d’informations qui fait en sorte qu’elles ne sont pas toujours conscientes du type d’intérêt apporté par tel ou tel dispositif en place », regrette Bernard Le Falher. « Plutôt que de proposer des financements, il serait intéressant d’apporter du conseil par le biais d’un expert qui analyserait les besoins des PME pour ensuite les orienter vers l’acteur le plus approprié, en expliquant en quoi celui-ci représente une valeur ajoutée », suggère-t-il.

Mathieu Neu

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