Temps de lecture estimé : 7 minutes

Libérer les Français de la banque

Donner un coup de pied dans la fourmilière. Avec Yomoni, société de gestion nouvelle génération, Sébastien d’Ornano entend bien donner un nouveau souffle à la gestion de l’épargne en France. L’entrepreneur, passé sur les bancs de Neoma Business School a voulu, en 2015, en finir avec ce modèle universel de la banque où votre conseiller bancaire vous accompagne dans tous les services financiers possibles et imaginables. À peu près bon en tout mais spécialiste en rien, et adepte du « pas de vague », donc de l’orientation vers des placements peu risqués. Face à un système ronronnant, car bien en place et pas trop inquiet, l’alternative existe : des conseillers spécialisés en épargne à côté de votre banque du quotidien. Et surtout des conseillers joignables rapidement, à distance, et moins frileux. Voilà, entre autres, ce que propose l’équipe de Yomoni. Avant cela pour Sébastien d’Ornano, un passage dès 1999 dans le conseil pour le compte de Deloitte. « Là-bas, je conseillais des grands établissements financiers, notamment sur des problématiques d’organisation et d’optimisation […] En réalité, étant très peu sensible aux grandes structures, je m’ennuyais terriblement », nous confie Sébastien d’Ornano. Place alors à une nouvelle opportunité, une mission bien plus stimulante à La Financière de l’Échiquier, société de gestion plutôt modeste à l’époque. En 2004, notre futur entrepreneur devient à 29 ans directeur des opérations et membre du comité de direction de La Financière de l’Échiquier. Un lieu où Sébastien d’Ornano touche du doigt l’entrepreneuriat puisqu’il participe directement au développement de la société, structure son organisation, et assure l’extension des classes d’actifs gérées et la diversité croissante des clients. Douze ans plus tard La Financière de l’Échiquier passe de 30 à 100 collaborateurs, et surtout de 2,5 milliards à 10 milliards d’euros d’encours sous gestion. La suite, on la connaît : l’envie de construire « sa propre aventure ».
Sa propre histoire.

 

LES 8 ERREURS À NE PAS COMMETTRE POUR CONSTRUIRE
SON ÉPARGNE, SELON YOMONI
→ Choisir un placement qui
dévalorise son épargne
→ Investir l’intégralité de
son argent dans des
placements à risque
→ Investir dans une seule
catégorie d’actifs
→ Avoir peur d’investir
en Bourse
→ Retirer son capital dès
la première baisse
→ Ne pas définir sa
stratégie sur son
horizon de temps
→ Payer trop de frais
→ Vouloir faire du trading

Lorsque l’on est jeune, j’imagine qu’on ne pense pas spontanément à créer une entreprise dans la gestion d’actifs ?

Vous avez raison. Quand on est jeune on pense plutôt à être médecin, pour suivre les traces familiales. Mon cercle proche n’avait pas de culture financière, davantage scientifique. Mais quoi de mieux que de créer son propre domaine ? Se diriger là où personne de votre entourage n’est encore allé ? Ma famille m’a laissé faire.

Je me suis inscrit dans cette vague d’intérêt pour l’investissement qu’ont eu nombre de Français à la fin des années 1980 et dans les années 1990, période marquée par de fortes privatisations. On a connu une frénésie autour de ces sujets financiers, tout le monde a voulu commencer à jouer en Bourse. Ce moment où ceux qui ont suivi une formation scientifique ne rejoignent non plus seulement les usines d’ingénieurs et les industries mais aussi les salles de marchés.

Comment apprend-on à se familiariser avec le secteur quand on n’a pas forcément les codes ?

On lit beaucoup. Et on fait semblant de comprendre ce que disent les analystes financiers, les experts. Ce qui compte c’est de s’imprégner. Je discutais aussi à l’époque au sein du club de Bourse local, très formateur. Au départ, c’est une passion qui reste très artisanale. Puis, l’intérêt se précise au fur et à mesure. J’ai suivi des études à l’école de commerce Néoma Business School, et ai réalisé mon premier stage au CCF (Crédit commercial de France, ndlr).

Les Français ont
le sentiment qu’investir
sur les marchés financiers
rapporte peu, en réalité
les retombées sont
simplement rongées
par les frais bancaires

Vous connaissez d’abord les grandes structures avant de vous lancer dans l’entrepreneuriat ?

Après mes études je rentre chez Deloitte en 1999. J’y suis consultant. Mon rôle ? Accompagner les grands établissements financiers dans leurs problématiques d’organisation et d’optimisation. Je m’ennuie terriblement. Les grandes structures ne sont pas faites pour moi, je n’y suis pas sensible. Arrive alors une opportunité au sein de la société de gestion La Financière de l’Échiquier : une mission de huit mois au cours de laquelle les fondateurs (Didier Le Menestrel et Christian Gueugnier, ndlr) me disent de créer une belle organisation. La finance et l’humain, voilà ce qui me plaît. Je me prends au jeu, quitte à ce que mon choix laisse perplexes mes camarades de promotion. En 2004, à 29 ans, je deviens directeur des opérations et membre du comité de direction de La Financière de l’Échiquier. L’aventure durera douze ans.

Pourquoi êtes-vous parti ?

Je suis fier de ce que j’ai accompli à la Financière de l’Échiquier, puisque nous sommes passés de 30 à 100 collaborateurs et de 2,5 à plus de 10 milliards d’euros d’encours sous gestion. Mais cette aventure, aussi belle soit-elle, n’était pas la mienne. Ce n’était pas ma propre histoire. Cette expérience m’a confirmé dans mon aspiration à entreprendre, monter une entreprise. C’est ce que j’ai fait avec Yomoni, en 2015, juste après La Financière de l’Échiquier. Pas de break, j’étais trop impatient… je le regrette un peu aujourd’hui, j’aurais dû faire une pause.

Comment parvenez-vous à faire exister Yomoni dans un secteur difficile à bousculer ?

Je parle de mon projet aux deux fondateurs de la Financière de l’Échiquier, pour qu’ils puissent m’accompagner financièrement. Je me rapproche du Crédit Mutuel Arkea pour bâtir un partenariat industriel sur la partie assurance-vie. Mais ce qui compte le plus pour se construire rapidement une légitimité : obtenir l’agrément « société de gestion de portefeuille » de l’AMF, que j’obtiens dès la première année. De quoi conférer à Yomoni le statut de première société de gestion de portefeuille 100 % en ligne. Mon équipe de départ : Laurent Girard, Asad-Syed Mourtaza, et moi-même. Yomoni a vu le jour à la suite de deux vagues entamées peu après les années 2000 : une bulle digitale qui permet la simplification et la démocratisation des produits d’épargne ; une vague de gestion indicielle jusqu’ici quasiment inexistante en France alors qu’elle représente plus de 50 % du patrimoine des particuliers américains.

Nous avons atteint 1,2 milliard d’euros sous gestion, et nous visons les 3 milliards d’euros pour
fin 2025-début 2026

Pourquoi vouloir dépoussiérer le monde de la banque ?

On a un modèle particulier en France : son caractère universel ! Dans leur banque, les Français ont un conseiller, qui va les orienter vers des solutions de placement et d’investissement très hétérogènes, et surtout en plus de toute la gestion liée au compte courant. Je ne crois pas que l’on puisse être spécialiste de tout. En sachant que vous avez un service du quotidien presque gratuit auprès de votre banque, le modèle, s’il veut tenir, n’a pas d’autre choix que de se rattraper sur autre chose : l’épargne. Avec des frais particulièrement élevés, ce qui obère la performance sur le long terme. Et ce qui explique une désaffection des Français pour la Bourse, les marchés financiers : ils ont le sentiment que ce type d’investissement leur rapporte peu, en réalité il est simplement rongé par les frais bancaires.

Avec Yomoni, on vise à libérer les Français de la banque car ils entretiennent un rapport délicat avec leur banquier : tantôt de la défiance, tantôt cette propension à vouloir lui faire
plaisir. C’est un rapport asymétrique, personne n’a intérêt à se fâcher avec son banquier. L’objectif est donc de casser ce déséquilibre, pour renouer avec la confiance, indispensable
dès lors que l’on parle d’argent.

Est-ce le modèle bancaire traditionnel qui a influencé le comportement d’investissement des Français ?

Il est en effet toujours plus simple de vous proposer des investissements indolores, comprenez sans risques. Un moyen d’éviter les mécontentements pour les banques traditionnelles. Problème : pas de risque, pas de performance ! Je le redis aussi, les frais pratiqués dans ces établissements bancaires découragent les Français à s’aventurer sur les marchés financiers, à boursicoter. On dit souvent que les Français manquent de culture financière, c’est vrai pour les marchés financiers. C’est moins le cas sur le levier de la fiscalité qui, lui, a davantage été investi.

L’appétence pour la chose « financière » évolue progressivement. Nous l’avons vu pendant la période covid ?

La crise covid, c’est une période particulière. Ceux qui jouaient aux paris sportifs en ligne ne pouvaient plus le faire, alors il fallait trouver autre chose. Je crois que ce qui compte beaucoup, dans l’éveil d’une curiosité financière, notamment des jeunes Français, c’est l’incertitude vis-à-vis du système de retraite. L’État ne pourra pas tout, alors essentiel d’anticiper. Les jeunes pensent qu’ils n’auront pas de retraite alors ils préparent et assurent leur avenir, et pour ce faire ils s’intéressent aux placements de long terme.

Les jeunes, ce sont vos clients principaux à Yomoni ?

Nous avons deux types de clients. D’abord, le trentenaire qui, par exemple, vient souscrire un contrat d’assurance-vie pour la première fois. Ces jeunes maîtrisent les bases de la gestion indicielle, mais ont peu d’expérience sur les marchés financiers. Notre solution 100 % en ligne les attire, ils veulent des réponses rapides, claires et à distance.

On retrouve également des clients un peu plus âgés, entre 40 et 50 ans, souvent déçus par l’offre proposée par les établissements bancaires traditionnels. Ils ont entendu parler de cette nouvelle forme de gestion d’actifs, et veulent essayer. D’abord avec une partie marginale de leur épargne, et progressivement, en raison de nos performances, ils nous confient une plus grande part de leur épargne. Globalement, nous accueillons sans surprise des CSP+, puisqu’à peine 40 à 50 % de la population générale est en mesure d’épargner sur le long terme.

Yomoni en chiffres
→ 1,2 milliard d’euros
sous gestion
→ 80 collaborateurs à Paris
→ 75 % des clients suivent
les recommandations
de Yomoni
→ 97 % d’appels
décrochés en moins
de 2 minutes et 100 %
des clients rappelés
dans les 48 heures.
→ 45 % des clients ont fait
confiance à Yomoni grâce
au bouche-à-oreille

 

LE COUP DE COM’
L’objectif de cette
publicité ? Montrer aux
futurs épargnants qu’il
n’est jamais trop tôt
pour bien s’occuper de
son épargne et qu’une
mauvaise gestion de ses
finances, même dans le
cas d’une personne très
fortunée, peut avoir de
grandes conséquences…

Remarquez-vous ces dernières années une tendance vers les investissements verts ?

Les produits dits « ESG » (pour désigner les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance, ndlr), représentent 36 % de notre collecte. Nous ne déployons pas une logique militante, mais de transition. Proposer sans forcer, les clients recherchent la performance avant les critères ESG, nos conseillers sélectionnent les meilleurs ETF sur le sujet pour lier croissance et durabilité. La finance verte existe, j’y crois, surtout elle est indispensable.

Quels sont les objectifs de Yomoni pour l’avenir ?

Nous avons atteint 1,2 milliard d’euros sous gestion, et nous visons les 3 milliards d’euros pour fin 2025-début 2026. Soit le double. Allons chercher, de plus en plus, les clients aux patrimoines plus conséquents, ce qui suppose de toujours renforcer nos équipes et offres de services. À l’avenir, nous préférons consolider le marché français, plutôt que de se développer à l’international… Il y a encore tout à faire sur nos terres ! Nous allons poursuivre notre effort de visibilité et notoriété. La légitimité, nous l’avons acquise… alors maintenant faisons-nous davantage connaître ! Cela passe notamment par des campagnes de communication originales, comme celle qui met en scène Michel Polnareff, avec pour slogan : « S’il avait mieux géré son épargne, Michel Polnareff n’aurait pas besoin de faire la pub de nos solutions d’épargne ». Avec cette publicité, on a multiplié par deux voire trois notre notoriété.

À côté de Yomoni, vous êtes engagé au sein du club Neo Founders ? En quoi consiste-t-il ?

C’est un groupe créé par des anciens de Neoma Business School. Nous sommes aujourd’hui 25 membres à nous réunir régulièrement pour partager nos expériences et contribuer à aider des projets d’entrepreneurs (au départ exclusivement issus de la communauté Neoma avant de s’élargir à tout entrepreneur, ndlr), y compris financièrement. Ce sont de bons conseils, honnêtes et constructifs pour les entrepreneurs. Deux personnes de Neo Founders étudient les dossiers pour nous, les sélectionnent, avant d’arbitrer collectivement. C’est une manière, à notre échelle, de faciliter le parcours des jeunes Français qui désirent entreprendre, monter leur entreprise.

Justement, quel conseil donneriez-vous à un entrepreneur qui hésite à se lancer ?

Ne pas vouloir tout faire tout seul, et donc bien savoir s’entourer. Je crois qu’il faut aussi ne pas trop réfléchir quand on veut se lancer, sinon on procrastine et on n’avance pas. Les obstacles il y en aura toujours… Le succès vient de l’expérience et les échecs constituent cette expérience.

Sans compter qu’aujourd’hui l’information est disponible partout. Même si l’École pourrait encore mieux faire sur l’éducation économique et financière des jeunes générations, Internet et les réseaux sociaux rendent accessible une grande information autour de ces sujets. Il existe un réel travail de vulgarisation, d’évangélisation, fait par nombre d’influenceurs, dans le bon sens du terme.

Entreprendre ? oui, à condition de bien savoir s’entourer

Et quand vous ne travaillez pas, comment occupez-vous votre temps libre ?

Sébastien d’Ornano, puisqu’il est très investi dans son entreprise… c’est quelqu’un qui, hélas, fait bien trop peu de sport ! Ma priorité quand je ne travaille pas : mes proches, mes amis. Bien avant la lecture ou le sport.

PROPOS RECUEILLIS PAR GEOFFREY WETZEL ET JEAN-BAPTISTE LEPRINCE

 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

J’accepte les conditions et la politique de confidentialité

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.