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Aymeric Masson et Benoit Germanos, marchands de sable des temps modernes, facilitent le sommeil en entreprise. Et ça marche ! Un rêve éveillé qui a suscité tout l’intérêt d’EcoRéseau.
Consultants en somnolence en milieu professionnel… Il fallait oser. Les deux fondateurs de Someo à Lyon n’ont rien de doux rêveurs ou de facétieux agitateurs. Mais plutôt de prestataires en rodage, qui ont la ferme conviction, preuves à l’appui, que la sieste est un vecteur d’amélioration de la performance. « En 100 ans, nous avons perdu 90 minutes de sommeil par jour, soit l’équivalent d’un cycle de sommeil », argumentent les audacieux entrepreneurs. Or une pause régénératrice de 20 minutes augmenterait la vigilance de 54% et la performance de 34%, selon une étude réalisée par la NASA en 1995. Les associés ont donc mis au point des dispositifs de pauses régénératrices opérationnels et institutionnalisés, des formations adaptées et un accompagnement pour faciliter ces rendez-vous avec Morphée, afin de réduire à la portion congrue accidents du travail, baisse de productivité, absentéisme, risques psychosociaux et turn-over élevé.
L’oreiller honni au bureau
Leur but ? Que le salarié se sente mieux physiologiquement. Les deux entrepreneurs se diversifient ainsi sur le bien-être en général, avec un coach sportif qui aide à se positionner devant l’ordinateur, ou des spécialistes alimentaires. Mais leur axe d’intervention principal reste la sieste. « L’idéal serait 20 à 25 minutes de sommeil dans la journée, deux à trois fois par semaine dans un lieu dédié », proclame Aymeric Masson. Un scénario peu probable compte tenu des modes de vie modernes. « Nous travaillons donc sur les micro-siestes, en créant un environnement propice à ces petites tranches de repos prises sans se coucher. » Des sessions de 8 ou 20 minutes sont proposées. « Celle de 8 minutes est davantage une pause régénératrice qui va permettre un regain d’énergie pour les deux à trois heures qui suivent. Elle est adaptée avant une importante échéance par exemple. Celle de 20 minutes constitue une vraie phase de récupération », distingue Benoit Germanos. Someo accompagne les salariés pour les aider à identifier leurs pics de somnolence – 20% d’entre eux reconnaissent somnoler au travail – et met à disposition des outils pour atteindre plus vite les phases de sommeil. Au programme, dans une pièce spécifique, des effets olfactifs (parfums), visuels (jeux de lumières particuliers) mais surtout sonores, avec des bruits de la nature et des voix, inspirés des techniques d’hypnose, de yoga, et de sophrologie. « Ce guidage verbal est censé ralentir l’activité cérébrale », explique Aymeric Masson, qui révèle que Someo teste en ce moment des outils sonores à destination des salariés en travail de nuit. L’accompagnement se révèle en revanche nécessaire, parce qu’ « en Occident le sommeil est tabou. Contrairement aux pratiques en vigueur en Chine, au Japon ou en Afrique, celui qui part dormir en entreprise est considéré comme un paresseux. La salle de sommeil ne suffit pas, il faut y ajouter des ateliers pédagogiques et une communication de la direction. Sinon c’est très simple, les gens n’y vont pas », révèle Aymeric Masson.
Rencontre fortuite et fructueuse
Le concept atypique Someo est né d’une rencontre amicale dans un club d’Aïkido. Aymeric Masson et Benoit Germanos sont issus d’univers bien distincts, mais ont en commun cette appétence pour plusieurs domaines. Le premier est un ingénieur de 38 ans, sorti de l’Ensimag à Grenoble. Attiré par la médecine, Aymeric Masson a obtenu en parallèle un DEA en médecine et biologie à Grenoble. « Je gardais à l’esprit la thérapie, malgré une carrière de consultant en informatique. En 2011 j’ai franchi le pas et me suis lancé dans une reconversion vers l’hypnothérapie, suivant les cours de l’Institut français d’hypnose Ericksonienne à Paris, sur mes congés au début, totalisant au final 100 jours de formation. » Le second est un ingénieur du son de 29 ans, passionné par « l’influence du son sur l’état d’esprit des gens ». Un BTS obtenu à Cannes puis une licence en audiovisuel et cinéma décrochée à l’université Lumière Lyon 2, Benoit Germanos a travaillé dans un studio indépendant durant plusieurs années, mais a vite souhaité s’éloigner de cette voie : « le savoir-faire accumulé était surtout utilisé à des fins de communication sonore et de marketing ». Les deux hommes n’avaient pas pour objectif de s’associer et de créer une entreprise. « Nous avons accompli un travail « one shot » avec un designer de lumière qui voulait installer des dispositifs éphémères pour une entreprise. Perfectionnistes, nous avons passé beaucoup de temps à tout peaufiner. Nous nous sommes alors dit qu’il serait dommage de ne pas capitaliser sur les efforts fournis et les résultats obtenus », résument pragmatiquement les deux complices.
Le sommeil, univers infini
Signe que dormir devient un enjeu de bien-être au travail, trois jeunes diplômés de l’Insa viennent de mettre au point leur cabine de sommeil, Napiz, reprenant l’expression anglo-saxonne de « power-nap », ou « sieste énergisante ». « Nous avons pu y diffuser nos scénarii sonores lors de la journée du sommeil en mars 2012 », se souvient Aymeric Masson, selon qui la concurrence est pour l’heure faible : « Seuls Sixta, qui installe des salles de sieste, ou Zen – Le bar à sieste, font parler d’eux, ce qui laisse quand même du champ libre ». En avant toute pour Someo donc, qui bénéficie depuis avril 2012 de l’expertise de la couveuse d’activités Cap Services à Lyon, organisée sous forme de coopérative. « Nos clients, qui sont au nombre d’une dizaine, peuvent être des collectivités, de grands groupes industriels comme des start-up de trois personnes. L’élément déclencheur reste la prise de conscience du chef d’entreprise », affirment les deux entrepreneurs, qui procèdent par étapes, débutant par des ateliers, des conférences de sensibilisation, puis seulement des salles spécifiques. « Nous équipons un service, puis si les dispositifs plaisent ils sont diffusés. Notre porte d’entrée ? La médecine du travail, le CHSTC, les RH, les dirigeants et parfois le CE », résument les maîtres du sommeil qui signent enfin des contrats. « Les choses mettent beaucoup plus de temps que prévu à se mettre en place ». Le monde de l’entreprise n’est pas un conte à dormir débout…
Matthieu Camozzi