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Jean-Michel Rallet : chez lui, le rebond est seconde nature, et plutôt joyeux. Vers le rire d’un financier reconverti.
Il est de ces entrepreneurs au parcours en apparence classique mais qui se mue en apothéose de la transformation. Diplômé de l’EM Lyon en 1989, il s’oriente vers la finance. Mais l’étudiant sérieux commence par une orientation originale : au lieu de choisir la voie royale de la banque et l’audit, il se tourne vers cette spécialisation audacieuse d’initiative & finance à une époque où le private equity ne parlait pas à grand monde. En 2002 Rallet crée sa première entreprise, MBO Partenaires, avec quatre associés. Une aventure qu’il qualifie de superbe. Elle concilie la prise d’indépendance, l’adrénaline du métier, allie passion, plaisir et performance. À la tête du bureau de Lyon, il participe aux investissements dans près de 100 entreprises aux côtés d’entrepreneurs souvent exceptionnels. 2016, terminus en gare de Lyon Perrache : des divergences stratégiques, comme l’on dit, surgissent entre ses associés. L’aventure s’arrête.
Rebond 1 : capital-risque et sport de haut niveau
L’homme est créatif, jamais à court d’idée, nouvelle idée, Champions Capital. Il s’agit de fédérer des champions du sport pour investir dans des PME. Il a vu le modèle aux États-Unis, il est convaincu de la pertinence du concept. Mais la mayonnaise ne prend pas. Malgré son engagement et ses connexions avec le monde du sport de haut niveau, en particulier dans le basket, le projet ne marque pas. Panier. A posteriori, il évoque plusieurs raisons : la sous-estimation du rôle et de la place des agents dans les décisions. Lancement du projet avec un associé défaillant. Et : avoir voulu « mettre du sens » là où les investisseurs voulaient surtout du rendement !
Petit à petit, le téléphone cesse de sonner, ses contacts s’évanouissent. Il comprend que c’est la « marque » d’une entreprise qui suscite l’intérêt pour l’individu – et moins l’individu en lui-même. Que son désir d’authenticité n’est plus soluble dans le monde de la finance.
Rebond 2 : écrire des histoires
Alors Jean-Michel commence à faire le tri dans ses relations. Il relativise. En bonne santé, dans une famille unie, il a un toit et de quoi voir venir. Mais la blessure est quand même là. Alors quand Champions Capital révèle des faiblesses, il réactive ce qui le faisait vibrer jeune : sa fibre artistique de conteur que ses proches et amis connaissent bien. Il les fait rire, il les fascine. Et Jean-Michel se met à écrire, sans trop savoir vraiment à quoi ça va servir, petit à petit, puis toute la journée avant ses nuits. Il y met sa tête, surtout son cœur et en tire…
… un spectacle !
Titre : Changement de vie (in) volontaire. Comme une forme de reconstruction thérapeutique. Mais Jean-Michel Rallet n’est jamais monté sur scène. La prise de parole en public ? Pas vraiment un style où il se sent à l’aise. Il lui faut un sparring partner.
Nous sommes à la fin de 2018. L’apprenti du one man show va voir Thierry Buenafuente, le fondateur du café-théâtre lyonnais Le Nombril du Monde qu’il connaît depuis ses années d’étudiant. Est-il partant pour l’aider à finaliser son projet ? Les deux amis vont se prendre un an à travailler le show. Le 19 octobre 2019, JMR, gonflé à bloc et mort de trac, raconte ses histoires devant 80 personnes. Révélation : lui y prend énormément de plaisir et surtout le public, touché, rit aux bons moments…
Le chef d’entreprise a trouvé sa voie. Il consacre 80 % de son temps à se bâtir en artiste humoriste. Au fil des mois, le spectacle prend forme. Avant le 1er confinement de mars 2020, sa dernière représentation devient « un moment délicieux ».
Face à la covid…
Privé de scène, Jean-Michel Rallet cisèle, apure, peaufine son spectacle, l’écriture comme le jeu – comme le sportif qui travaille sa condition physique.
C’est aussi le temps de nouveaux projets : il crée une série de podcasts au fil desquels il interviewe des gens – connus ou pas – qui ont changé de vie (in)volontairement. Il écrit un docufiction et teste un format conférence pour les entreprises. Et surtout, il prépare la saison 2021-2022 de son spectacle.
Il le jouera en France, en Belgique et en Suisse.
Le rebondisseur s’est aligné avec ce qu’il est, un homme à vies multiples. Vie artistique, vie d’investisseur-entrepreneur (il est toujours au board de quelques entreprises), activités philanthropiques (notamment en faveur de l’intégration par le sport ou l’art). Il a changé d’horizon : désormais, il se fixe des objectifs à moyen terme, sans griller les étapes. À méditer.
Claire Flin