Elian Alluin, inventeur de la cyclo-plomberie

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Depuis septembre 2014, Elian Alluin sillonne les rues de Paris en danseuse pour siphonner les éviers.

En six mois, Elian Alluin a parcouru 3600 kilomètres à vélo. Certes, les cols qu’il gravit sont un peu moins pentus que le Tourmalet et l’Alpe d’Huez, mais leurs simples noms font tout de même trembler et rêver les amateurs de Vélib’ : rue de Crimée, Place des Fêtes, Ménilmontant… De vrais casse-pattes intramuros. Si ce Breton sillonne ainsi les rues de Paris sur son vélo porteur Gitane de 2008, avec un coup de pédale soyeux, ce n’est pas dans l’espoir de rouler sur les traces de Bernard Hinault, le dernier vainqueur Français – et lui aussi Armoricain – du Tour de France, mais pour voler au secours d’éviers bouchés, de robinets en fuite et de conduites rouillées.

 

Luigi

En septembre 2014, l’entrepreneur de 36 ans a en effet créé sa société de plomberie, Le Cyclo Plombier, en faisant le choix original de la petite reine comme moyen de locomotion, plutôt que la traditionnelle fourgonnette. Malgré des cuisses douloureuses, il ne le regrette pas : « Travailler à vélo est un plaisir ! Je voyage sans stress, avec plus d’autonomie et de flexibilité ». Les tours de pâtés de maisons pour trouver une place et les pauses interminables dans les bouchons qui affectent la ponctualité de ses confrères lui sont inconnus. D’ailleurs, l’un des plaisirs quotidiens de ce riverain du canal de l’Ourcq consiste à « doubler les voitures bloquées à l’heure de pointe » en slalomant entre les engins. C’est aussi une économie non négligeable pour la petite entreprise : entre l’assurance, l’amortissement du véhicule et l’essence, deux roues de plus auraient alourdi chaque mois ses charges de 750 à 1000 euros. Un avantage compétitif qui permet au jeune artisan d’alléger la facture de ses clients. La formule est un succès : « Les demandes affluent car il y a un besoin fort pour nos métiers, et parce que les clients sont sensibles à cette démarche respectueuse de l’environnement ». Le plombier, plus vert que Luigi, se réjouit de pédaler d’un client à l’autre sans brûler la moindre goutte de carburant ni émettre de particules de carbone. La seule nuisance sonore qu’il s’autorise est le tintement de sa sonnette. Et pour lutter contre l’obsolescence programmée, ce père d’un garçon de six ans et dont la femme attend un heureux événement, privilégie la réparation, quand elle est possible, au remplacement.

 

Course d’étapes

L’artisan sur deux-roues a pourtant commencé sa carrière loin des tuyaux et des chalumeaux. Après un BTS en commerce international décroché en 2002, il s’est mis en selle comme vendeur dans la téléphonie mobile puis le commerce d’objets design, notamment pour BHV. En 2009, ce fils d’électricien devenu paysagiste a voulu retrouver l’usage de ses mains : « J’étais passionné par les objets industriels, j’aimais l’idée de leur donner une nouvelle vie ». Pour apprendre les gestes du métier, il décroche un poste d’assistant pédagogique dans un lycée professionnel. La soudure à l’arc et au chalumeau, le cintrage des tubes et des métaux n’ont bientôt plus de secret pour lui. Grâce à ses nouvelles compétences, le bricoleur retape des meubles de tri postal, de vieilles lampes de garage, d’anciens projecteurs de théâtre et de cinéma… Au contact des professeurs, il découvre surtout la plomberie, pour laquelle il se prend de passion : « J’ai découvert une ambiance si positive dans les ateliers que je n’ai pas compris pourquoi cette profession était si dévaluée et malaimée. Il y aussi une grande satisfaction personnelle à arriver en sauveur chez les clients ! » L’artisanat présente aussi « un futur plus réalisable, moins utopique que la création ». En 2014, Elian Alluin passe donc un CAP en installation sanitaire et dépose les statuts de son entreprise.

 

Rolls

Le néo-plombier veut désormais passer le braquet supérieur, en troquant sa bicyclette pour la Rolls des deux-roues utilitaires : un vélo-cargo à assistance électrique plus adapté à son activité en croissance : « Il me permettra de me déplacer plus loin et plus rapidement ». L’ancien commercial a déjà repéré le biporteur de ses rêves : une beauté noir et acier fabriquée aux Pays-Bas par l’atelier Urban Arrows. Contrairement aux triporteurs, plus courants dans le transport de charges lourdes, ses deux roues lui permettent de se faufiler dans la jungle urbaine. Mais il n’est pas donné : 4500 euros pour le modèle de base, 5500 pour l’équipement complet avec freins à disque, supplément de batterie et pneus anti-crevaison. Mais comme beaucoup de projets de cet ordre, celui d’Elian Alluin n’entre pas dans les critères des banquiers : « Aujourd’hui, ils ne se laissent pas facilement convaincre par un jeune entrepreneur ». Pragmatique, il a donc préféré se tourner vers la solution de financement en vogue : le crowdfunding. Son objectif ? Réunir 4500 euros avant le 27 février sur la plateforme Ulule. Mi-février, il en avait déjà récolté plus de la moitié. Outre l’aspect financier, l’ancien commercial y a vu « l’opportunité de construire une communauté autour de la société et de faire connaître (sa) démarche. Par son aspect éco-citoyen, elle rencontre un écho chez beaucoup de monde. C’est agréable d’échanger et de partager mon projet avec des gens que je ne connais pas, et qui m’écrivent pour m’encourager ». Telle cette Hollandaise, de père plombier, qui a tellement aimé l’initiative qu’elle lui a apporté un soutien de 200 euros. Car on ne parle pas ici de prêt, mais d’un don, en échange de contreparties croissantes : stickers (à partir de 10 euros), magnets, éclairage vélo (25 euros), klaxon trompette (50 euros), t-shirts, bouteille de champagne… A partir de 1000 euros, en plus de toutes les contreparties précédentes, Le Cyclo Plombier vous offre un chantier de deux jours et vous initie à la plomberie (façonnage du cuivre, gestes qui sauvent, sensibilisation aux économies d’eau). S’il est plus ludique que le financement bancaire, le financement participatif ne demande pas moins d’efforts : « Il a fallu beaucoup travailler pour présenter le projet, réaliser une vidéo, un site internet, faire faire le logo par un illustrateur et le faire connaître à nos proches et sur les réseaux sociaux, souffle Elian Alluin. Et la collecte n’est pas encore terminée. » Le plombier n’est pas près de lever la tête du guidon..

 

Article réalisé par Aymeric Marolleau

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