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C’est une néobanque, traduisez une start-up qui surfe sur les retards et impasses des « paléobanques », ces enseignes impératrices que leur taille et leurs pratiques rendent difficiles à mobiliser. Pourtant, le service que rend Qonto s’imposait depuis belle lurette : offrir un site simple, immédiatement opérationnel, à travers lequel toutes les entreprises ou les indépendants, quelle que soit leur taille, ouvrent un compte, obtiennent une ou plusieurs cartes de paiement, gèrent leurs chiffres. Depuis 2017, la néobanque agile affiche… 10 000 clients.
Le client ? Un entrepreneur. De la TPE de 3 personnes à la grosse PME de 500 salariés, à l’ETI, pourquoi pas. Au-delà, les « grands comptes » multibancarisés disposent de toutes les informations voulues. Qonto puise toutes les données bancaires de ses clients directement auprès des comptes en banque des entreprises. Il en a le droit exprès, comme toutes les fintechs agréées, depuis que la Commission européenne a « ouvert » les données bancaires à des prestataires étrangers à la banque (open banking) et en a précisé les modalités (DSP 2 pour Directive sur les services de paiement 2, mise en œuvre à partir du 1er janvier). Une chute de monopole que les banques traditionnelles n’ont pu parer, malgré leurs efforts lobbyistes, mais grâce à laquelle une flopée de fintechs ont fleuri pour proposer des services attendus que la banque ne rendait pas, ou partiellement. Exemple : pour 9 euros par mois (1re formule d’abonnement), Qonto fournit non seulement l’état de ses données au quotidien et les services associés au gérant de l’entreprise cliente, mais aussi un historique illimité (impossible, sinon de façon coûteuse et différée, chez une enseigne bancaire). Ou bien liste toutes les transactions passées avec un fournisseur précis, calcule des optimisations en ligne, etc. À part le crédit – ça viendra –, on passe de l’éléphant à la gazelle…
10 000 clients
À la tête de cette néobanque, deux associés, serial entrepreneurs de la génération X, Alexandre Prot et Steve Anavi, le premier issu d’une grande école de commerce, le deuxième ingénieur, copains de lycée de surcroît. Parce que leur première jeune pousse, Smokio, créée en 2015 autour d’un concept de cigarette électronique qu’ils inventent, est rachetée très vite et à bon prix, les voilà à la tête d’un capital qu’ils investissent dans leur deuxième idée : un service bancaire rapide, orchestré autour d’« outils simples et bien faits », selon leur formule, justement ce qui leur avait manqué pour gérer Smokio. Un site test en 2016 autour de 200 entreprises « essuyeuses de plâtre », une douzaine de salariés. Très vite, quelque 5 000 entreprises – TPE, indépendants, PME – ouvrent un compte moyennant 9 euros pour des services de base, une personne, 29 euros pour 5 utilisateurs et plus de cartes, 99 euros pour 15 inscrits par entreprise et 10 Mastercard, et, offre nouvelle, 299 euros pour des PME avec un nombre illimité d’utilisateurs et 30 Mastercard. En 2018, les créateurs de Less pain, more gain, leur slogan, annoncent plus de 10 000 clients.
Le culot 5 étoiles
Très vite, les deux néobanquiers attirent les investisseurs. À hauteur de 2 millions d’euros d’abord, auprès du fonds français Alven auquel se joint Valar, le fonds new-yorkais de Peter Thiel, fondateur de Paypal, qui injecte 10 millions. « Nous avons levé suffisamment d’argent pour ne pas avoir à nous poser de questions pour les prochaines années, sourit Alexandre Prot dans son « costume » de startupeur, cheveux en bataille, pull en V, jean et baskets. La rentabilité viendra assez facilement et naturellement en fonction de la masse des clients conquis qui vont amortir très vite nos coûts fixes. »
Deux effets de concurrence attendent les associés : les banques traditionnelles qui ne peuvent laisser longtemps des fintechs de la sorte grappiller leur capital client et qui finiront par aligner leurs services sur l’agilité Qonto. Et les suiveurs qui flairent le potentiel des 500 000 créations annuelles de SARL/EURL, SAS et autres Sasu. Prot n’est pas inquiet. À ses yeux, la prime au premier arrivé va conserver à Qonto sa place de leader sans cesse en quête d’une longueur d’avance, comme l’échelle européenne, visée dès 2019. « Les établissements bancaires traditionnels ont objectivement des forces et faiblesses symétriquement opposées aux nôtres. Ils disposent de moyens, d’équipes pléthoriques, de réseaux, de bases de clients considérables, de marques. Mais la vétusté de leurs systèmes et la lenteur de leur remise en question laissent la place à des entrepreneurs comme nous, malins, agiles, proches de leurs clients, qui essayons de créer le meilleur produit… » Un levier : la communication directe avec ce fameux client qui n’est jamais noyé dans la masse. Si les incessants sondages de satisfaction en ligne ne se traduisent pas par « cinq étoiles », on réagit chez Qonto pour corriger la critique. Et comme le dialogue est permanent, la « boîte à idées et projets » s’enrichit. Reste aux banques, comme elles le font volontiers avec les fintechs gênantes, à racheter Qonto. Mais pour l’heure, Prot et Anavi savent qu’ils peuvent encore « beaucoup grossir ». Et leur réponse serait : « Non, merci. ».
Olivier Magnan