Au festival du Bruit qui pense

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En mars, à Louveciennes, Ingmar Lazar marie les arts.

L’homme est calme mais l’énergie sourd de ce jeune homme de pas même trente ans. De Saint-Étienne à Salzbourg, de Boulogne-Billancourt à Munich ou de Colmar au fin fond de l’Asie, Ingmar Lazar enchaîne les concerts dans le monde entier, joue dans les plus grands orchestres, promène ses dix doigts de virtuose du piano sous le tempo de chefs d’orchestre tel·les Julien Chauvin, Anna Duczmal-Mróz, Constantin Adrian Grigore, Jean-Jacques Kantorow, Nicolas Krauze, Vladimir Spivakov et… crée il y a cinq ans un festival en France. Il l’intitule Festival du bruit qui pense. C’est du Hugo ! Sa définition géniale de la musique : du « bruit qui pense ». Il pensera, ce bruit, du 20 au 28 mars 2021 à Louveciennes, Yvelines. Petite immersion dans les préparatifs.

Il a beau sillonner le monde entier et porter un nom qui rime, à consonance, quoi, allemande, suédoise ? Ingmar Lazar est tout ce qu’il y a de français, né à Saint-Cloud. Son prénom porte une preuve d’amour, celui de ses parents : Ingrid, sa mère, Marius, son père. Une addition de syllabes ! Ou, déjà, de notes. Son piano-jouet de la petite enfance devient un vrai piano quand il a cinq ans. Ce curieux de la mécanique de la beauté devient en moins d’un an un « prodige » du piano. Le voilà en public à Gaveau à six ans !

Rencontrer le public

La suite de sa vie ressemble tellement à un tour du monde de concours et de prix, de concerts, de conservatoires, d’auditoriums, de scènes et de festivals que l’on a du mal à revenir en France. Aux Mesnuls, Yvelines, en 2016, il réalise, gentiment, calmement, non pas un énième festival en smoking et paillettes, mais un rendez-vous de mélomanes discrets attirés par ses amis artistes étrangers qu’il a promis de faire connaître en France. Ingmar, lui, veut trouver une plus grande proximité avec les auditeurs. Ne pas seulement entrevoir des publics plongés dans l’ombre. S’offrir le luxe de… parler avec des gens simplement amateurs de musique classique. « Le vrai mélomane doit profiter de la musique, me dit ce gourmand, mais le néophyte, plongé dans le mystère du bruit qui pense, a le droit que l’on brise la glace avec lui. » Alors le directeur artistique du festival oublie son clavier le temps d’une bienvenue au public et revient sur scène répondre aux vraies questions de cette proximité simple qu’il recherche. L’autre trouvaille : demander à un « récitant » de présenter le programme. En février cette année, l’un d’eux·elles fut Patrick Poivre d’Arvor, bardé des poèmes de Verlaine, Ronsard, Nerval ou Alexis d’Orgel sur les improvisations du virtuose. « Il y a encore une soixantaine d’années, rappelle Ingmar Lazar, l’artiste restait muet. Il était inaccessible. Puis la radio, la télévision ont brisé la carapace… » Aux Mesnuls, en 2016, il s’en va voir la municipalité. On l’accueille volontiers. Alors il programme et cherche des mécènes privés. Et le Bruit qui pense entame, tout petitement, sa carrière. Désormais piloté par une association où se côtoient un Ivry Gitlis et un Poivre d’Arvor.

Ni bénéfices ni pertes

Des Mesnuls, le festival a fait un saut d’octave à Louveciennes, à trente kilomètres. Ingmar a besoin de plus d’espace et… de moyens d’accès moins dangereusement campagnards qu’aux Mesnuls. Mais sa recette est la même : des espaces mis à disposition, un piano loué par la ville, une programmation cosmopolite – des amis du monde entier –, des mécènes qui goûteront en retour à des concerts privés, un peu de droits d’entrée. Le jeune directeur qui ne se rétribue pas vise à couvrir les frais, rien de plus. « Ni bénéfices ni pertes ». Il met un point d’honneur à défrayer ses invités et à leur procurer un cachet. Pour autant, le budget final reste modeste et… secret. Non pas tant parce qu’Ingar Lazar veuille le taire (aux Mesnuls des débuts, l’enveloppe n’avait pas dépassé de modestes 10 000 euros). Mais désormais largement « parrainé » par Louveciennes, il n’est pas autorisé à parler de la « générosité » des édiles. Lesquels investissent à leur mesure, avant tout par la mise à disposition des scènes et de la logistique nécessaire. La ville se dit largement comblée par l’image et la notoriété de l’événement. Il y aura donc du « bruit » dans Louveciennes du 20 au 26 mars, Salle Saint-Saëns à 17 kilomètres de la Tour Eiffel et à 8 kilomètres de Versailles, si tant est que les élections municipales ne bousculent les dates. On l’annoncera avec tambours et trompettes. 

Olivier Magnan

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