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La Serre Numérique vient d’être inaugurée à Valenciennes. Et ça tombe bien, EcoRéseau y était. L’occasion de vous faire entrer dans l’un des nouveaux temples français du numérique…
Triste Valenciennes, pour son club de football, sa difficile transition économique post-industrielle, et sa météo… Certes, la ville ne fait pas rêver. Pourtant, sur les rives de l’Escaut, un bâtiment d’un genre nouveau se dessine à l’horizon. Toute de métal et de verre, une gigantesque carte à puce cubique de 17000 m² s’érige au milieu d’un terrain de 22 hectares encore en cours d’aménagement : La serre numérique. Facile d’accès – 15 minutes à pied de la gare si vous marchez lentement –, le bâtiment sobre, où le jaune et le gris prédominent, sonne très technologique. Dehors comme dedans, l’espace grouille de monde : startuppers, étudiants, chercheurs, professionnels du numérique… La Serre ambitionne non seulement d’être le lieu privilégié où les jeunes pousses françaises du numérique s’épanouissent, mais aussi de devenir un parterre de talents étudiants, capables de dynamiser le tissu économique valenciennois. Une manière de faire, selon ses dirigeants, de la « fertilisation croisée ». D’ailleurs les entreprises hébergées plébiscitent la Serre en tant qu’écosystème innovant où les portes du labo de R&D et du training hub leur sont grand ouvertes. Aussi, ce nouvel édifice incarnera-t-il dans quelques années le joyau digital et le centre de gravité du futur technopôle qui l’entourera progressivement avec, entre autres, un palais des Congrès, un data center, des hôtels d’entreprises, une résidence étudiante… Un développement territorial gorgé d’espoirs rendu possible grâce à une prise en compte très précoce, par la cité nordiste et ses acteurs, de l’économie de la connaissance et du potentiel de l’immatériel. Supinfocom, référence internationale dans la formation à l’animation, est née il y a presque 30 ans, à l’époque du minitel ! Si l’on revient au présent, la Serre Numérique n’est pas qu’un potentiel économique en puissance. En actes, « elle possède une vraie valeur ajoutée, celle de faire interagir l’ensemble des disciplines liées aux jeux vidéo pour permettre aux entreprises, aux étudiants et aux porteurs de projets de mener un raisonnement numérique global », se réjouit Randolph Séguy, directeur général de la CCI Grand Hainaut. Tout un programme…
Rubika ou comment choyer les profils créatifs
Google, Apple, Microsoft, Lucas films, Dreamworks, BMW, etc., pour ne citer qu’elles, font partie de ces cylindrées qui débauchent les étudiants du groupe Rubika, marque qui rassemble depuis peu l’Institut supérieur de design (ISD), Supinfocom et Supinfogame. « Ce trépied que forment les trois filières », comme le surnomme Caroline Tisserand, directrice du groupe Rubika, qui a établi ses quartiers dans l’aile est de la Serre. Les salles de cours ressemblent davantage aux bureaux d’une SSII ou d’une start-up dans le digital. Bien évidemment, il y a autant de bécanes que d’étudiants. 1500 en tout. Le tout chapeauté par un président d’honneur qui ne laissera aucun gamer indifférent : Alekseï Pajitnov, dinosaure du jeu vidéo et inventeur de Tetris. Madeleine de Proust électronique…
« Emulsion » d’entreprises
Cheveux hirsutes, piercings, sweats à capuche et baskets… A la cool, les salariés d’Edit Up, filiale de KTM Advance, leader mondial dans les serious games, nous accueillent dans leurs locaux.
Les pôles graphisme et développement se disputent une dizaine de PC. Les bureaux sont serrés, on se sent à l’étroit. Tel un chemin de fer journalistique (trame paginée d’un journal), les débuts d’un serious game sont placardés au mur. Le but du jeu ? Faire apprendre l’allemand. Pas très sexy, me direz-vous, mais l’ensemble épouse l’intrigue d’une enquête policière dont vous êtes le héros. Plus séducteur déjà. Quelques mètres plus loin, non loin des locaux de l’entreprise Machine 3D qui commercialise les imprimantes éponymes, « Geoffo » et« Mist », deux artistes de la BD numérique, d’à peine 28 ans, nous accueillent dans l’antre de leur bébé : YBRIK Productions. La sobriété est encore de rigueur : seuls deux PC-tablettes trônent au milieu d’une orgie de BD américaines. Pas besoin de plus pour ces deux entrepreneurs, collaborant régulièrement avec le géant du « comics » Marvel, pour qui dix jours de travail en binôme correspondent à un plaisir de lecture d’environ huit minutes ! Mais, ne nous leurrons pas. Derrière la décoration spartiate des bureaux, se cachent 3000m² dédiés aux professionnels du numérique. Certains, en attendant la livraison des hôtels d’entreprises, futurs voisins de la Serre, profitent du patio, de l’auditorium ou des salles de visioconférence équipées de bouton à chaque siège pour projeter leur écran. Côté entreprises, ne reste qu’à visiter le nouvel incubateur, sorte d’open space où se côtoient sept projets dont, entre autres, Analyzer qui permet en quelques clics de jauger la notoriété d’un site, ou Seize, scénariste de l’espace client grâce à ses hologrammes et son système de projection de mapping.
Outils de pointe accessibles au grand nombre
Des gadgets à gogo décorent ça et là le laboratoire d’analyse des comportements et des usages. Un grand écran allumé nous montre un homme évoluer dans un célèbre marché de Séoul. Le jeu « Paldo », créé en partenariat avec l’université coréenne d’Hoseo, se destine aux seniors pour encourager leur mobilité et stimuler leur mémoire. Ailleurs, dans la pièce, des caméras dissimulées derrière des vitres sans teint captent chaque réaction des testeurs. Dans la partie gamelab de la salle, certains confrères jouent les cobayes de l’animation, arborant gants avec capteurs de sudation et casques retranscrivant l’activité cérébrale. La fameuse « aile D » de la Serre Numérique est sous haute surveillance, nous prévient-on. Car c’est le lieu de tests des concepteurs et industriels. Vous êtes ici dans le secret des dieux du jeu vidéo. Hors de ces murs confidentiels, un learning center propose au public d’échanger et apprendre sur la création numérique dans ses dimensions artistique, prospective et historique. Les lieux innovants pullulent vraiment dans le bâtiment. Ca pousse. C’est vivace. Ca crée : Fablab, digilab (pour le développement de contenu 3D), amphithéâtre 3D, studio de motion capture, render farm et cluster de calcul graphique, salles de prises de vue et de montage… Last but not least, le centre de la Serre, à la manière des pyramides, réserve en son sein le joyau de son dispositif : un espace immersif de réalité virtuelle associé à un auditorium. La « Cave » – à prononcer comme le nom du chanteur australien prénommé Nick – comme l’appellent ses initiés. Le décor numérique entend ici évaluer les comportements entre les consommateurs et le produit, pour par exemple simuler une expérience de conduite. Bluffant !
Geoffroy Framery