« Mince nous avons perdu papi… sûrement en train de faire de la programmation en douce à l’étage »
« Mince nous avons perdu papi… sûrement en train de faire de la programmation en douce à l’étage »

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Quand mamies et start-up se côtoient

Ici le premier âge côtoie le troisième, les start-up se mêlent aux familles. Zoom sur la Gaîté Lyrique, étonnant centre du numérique et des médias du 21e siècle, où les technologies font la part belle aux créations culturelles innovantes.

L’exposition « Capitaine futur et le voyage extraordinaire » attire les foules. Les créations numériques, « les profondeurs de l’ordinateur » sont à l’honneur. Au milieu des animations mêlant expériences sensorielles et technologies dignes des plus célèbres jeux vidéo, grands-parents et petits-enfants déambulent, main dans la main, émerveillés. De quoi cibler les centres d’intérêt des plus jeunes, serait-on tenté de dire. Sauf que l’événement du moment de la Gaîté Lyrique ratisse large : « De 3 à 103 ans », indique le flyer de présentation. A l’image de l’ensemble de ce lieu média, pleinement consacré au numérique sous toutes ses formes, où une incroyable diversité de populations se croise. « Dans d’autres lieux culturels, les parents traînent les enfants en leur promettant qu’ils ne regretteront pas le déplacement. Ici, c’est l’inverse », décrit d’un ton amusé Jérôme Delormas, directeur de cet établissement atypique.

Certes, la tranche d’âge la plus représentée reste les 15-35 ans. Au centre de ressources, vaste bibliothèque foisonnant d’ordinateurs et de livres relatifs au numérique, ce sont en grande partie des étudiants qui occupent les tables. Mais nul besoin de se perdre dans les couloirs les moins fréquentés pour comprendre le grand écart générationnel auquel se livre le public de la Gaîté. Parmi les ateliers hebdomadaires, on trouve « HyperOlds, le gang des seniors connectés ». Des habitués de 60, 70 ans, voire plus (essentiellement des femmes), s’y retrouvent pour des activités de création de contenus multimédias (photos, vidéos, interviews…). Des grands-mères qui s’occupent pendant que les petits-enfants s’amusent à l’étage ? « Non, non, elles viennent seules, entre copines généralement, et montrent une envie débordante de maîtriser les technologies du 21e siècle », se réjouit Margault Aubry, en charge des partenariats médias de la Gaîté. L’atelier « Game older » détonne lui aussi dans la programmation. Il consiste à initier aux jeux vidéo les générations qui en sont le plus éloignées. « Le succès est tel que nous avons programmé une deuxième session hebdomadaire », confie-t-elle.

Un laboratoire 2.0

La Gaîté Lyrique, ce sont aussi des concerts, des projections, des rencontres, des festivals, le tout agrémenté d’une touche 2.0 rendant les événements participatifs et immersifs. Les amateurs d’Enki Bilal ont ainsi pu assister le 25 novembre dernier à un concert visuel pendant lequel les esquisses du célèbre dessinateur étaient projetées en temps réel sur les écrans qui tapissent la grande salle de spectacle à 360 degrés. Dans une ambiance de cafétéria, le plateau Média, à deux pas, accueille quant à lui une multitude de conférences retransmises en streaming sur le site Internet de la Gaîté, sur toutes sortes de thématiques liées de près ou de loin au numérique. « Notre ambition est de penser notre époque autrement, d’explorer la création à l’ère du numérique, explique Jérôme Delormas. Les technologies les plus récentes nous intéressent bien sûr au plus haut point, ainsi que la manière avec laquelle les différentes catégories de population peuvent se les approprier. Le progrès invente des tendances, de nouveaux modes de vie. Nous voulons mieux les comprendre au sein de ce laboratoire du 21e siècle. »

L’idée plait. La Gaîté Lyrique a vu le jour en 2011. En 2013, quelque 180000 visiteurs ont profité des espaces et animations. En septembre dernier, la barre des 260000 entrées était déjà atteinte pour l’année 2014. L’établissement est une société privée coiffée d’un solide partenariat avec la ville de Paris, ce qui explique la gratuité d’accès au centre de ressources qui fait office de médiathèque, ainsi qu’aux espaces jouxtant les bars comme le plateau Média. Faut-il le préciser, le Wifi inonde les lieux, à tous les étages, attirant des étudiants, de simples passants, ou des auto-entrepreneurs et travailleurs indépendants en quête d’espaces décontractés pour leurs rendez-vous d’affaires. « Nous sommes 80 employés à temps plein, auxquels s’ajoutent une vingtaine d’intermittents qui sont des artistes ou spécialistes des médias, du multimédia, pour assurer les ateliers et animations », indique Jérôme Delormas. La culture numérique imprègne le personnel dont l’âge dépasse rarement les 30 ans. La billetterie, le sponsoring, les formations professionnelles, la location d’espaces apportent à la Gaîté Lyrique ses recettes, tout comme l’activité de Creatis, un incubateur d’entreprise qui occupe le dernier étage du bâtiment.

Incubateur au-dessus de la foule

Sur une vaste plateforme d’une blancheur éclatante se dressent des bureaux éparpillés, de petits espaces privatisés. Le calme ambiant contraste avec l’effervescence du rez-de-chaussée et du premier niveau. La résidence d’entrepreneurs Creatis accueille toutes sortes de jeunes structures positionnées sur des marchés culturels, de l’audiovisuel à la photographie en passant par le spectacle vivant, les arts plastiques, la publicité. La location s’élève à 650 euros par mois par poste de travail, les tarifs étant dégressifs au fil des mois et en fonction du nombre de postes loués. « Une soixantaine de sociétés ont été incubées jusque-là. Nous ne faisons pas de maturation, mais avons un objectif de pérennisation de sociétés prometteuses. Elles peuvent tout à fait être hébergées sur le long terme », souligne Soisic Huet, chargé de l’administration et du développement de Creatis.

Soutenu par Bpifrance, ce dispositif d’accélération des projets innovants du secteur culturel fait partie des développements de la Gaîté Lyrique depuis environ deux ans. A noter que les sociétés ont la possibilité d’être impliquées dans les activités de la Gaîté, pour la réalisation ou la mise en place d’applications intégrées à des expositions par exemple. « C’est parfois un premier marché pour elles, au-delà de ce qu’elles peuvent gagner en terme de communication », précise Soisic Huet.

D’autres projets sont bien sûr dans les cartons pour augmenter le pouvoir de fascination croissant du lieu, « notamment en matière de fabrication physique issue de créations numériques. Beaucoup de choses sont à imaginer autour de la découpe laser, de l’impression 3D », confie Jérôme Delormas.

Le florilège d’idées créatrices que concentre la Gaîté Lyrique fait des émules. Le directeur a récemment constaté le fort engouement d’investisseurs américains désireux de donner naissance à un projet analogue aux Etats-Unis. En Angleterre aussi, la démarche séduit. La Gaîté Lyrique pourrait bien y voir apparaître rapidement des sosies.

Mathieu Neu

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