La fondation Espoir, contre l’excision en Ethiopie

100% du budget pour les actions sur le terrain.
100% du budget pour les actions sur le terrain.

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Visite du poumon de la Fondation Espoir qui se démène pour collecter davantage de dons avec pour objectif d’éradiquer l’excision en Ethiopie d’ici à 2025. Inspirant.

Dans les locaux de la Fondation Espoir, c’est l’effervescence. Une fois franchi le portail de cette petite maison isolée de Luxembourg ville, sise dans une rue calme et silencieuse, je suis surprise par l’agitation générale. Tout le monde s’active : les unes répondent au téléphone, d’autres contactent mécènes et donateurs tandis que les dernières valident le rapport d’activité de la Fondation tout en discutant des visuels choisis pour les publicités à paraître dans le cadre de la future campagne de don. Dans l’urgence, bénévoles et secrétaires ont oublié de m’accueillir et je reste muette quelques instants jusqu’à ce qu’une administratrice vienne me saluer. Madame Cristina Socolan est une femme étonnamment jeune pour être la cheville ouvrière d’une fondation de cette envergure. A vingt-sept ans, cette jeune économiste moldave, polyglotte, tout comme les richissimes mécènes qui ont créé la Fondation Espoir en 2015, ne pouvait pas rester inactive et indifférente à la prolifération du mal dans le monde ; la Fondation est l’instrument pour mener ce combat.

Placée sous l’égide de la Fondation de Luxembourg, la Fondation Espoir œuvre contre l’excision en Afrique. « Je suis fière de travailler pour endiguer ce fléau », confesse Cristina Socolan. En 2017, les victimes de mutilations génitales féminines sont au nombre ahurissant de 200 millions, et une jeune fille est encore excisée toutes les 10 secondes (source Unicef). Principalement dans certains pays d’Afrique, mais aussi en Asie ou en Amérique latine, où le pourcentage de la population féminine excisée excède parfois les 90 %. En plus des complications médicales immédiates (hémorragies, tétanos, septicémie, transmission du VIH pouvant entraîner la mort dans 3 % des cas), les victimes souffrent des conséquences de long terme (augmentation du risque de mortalité maternelle durant l’accouchement, surinfections chroniques et récidivantes de la vessie, des voies urinaires et génitales, kystes, écoulement des règles difficile, stérilité, augmentation du risque de cancer de l’utérus… sans compter les douleurs pendant les rapports sexuels et les traumatismes psychologiques).

La réaction des gouvernements nationaux, des Nations unies et des ONG reste limitée : faute de moyen, ils ne dépensent conjointement, pour la prévention et les soins, que 0,57 dollars par femme concernée (source Médecins du Monde). La Fondation Espoir ajoute 2 dollars supplémentaires – ce qui en fait l’organisation qui finance le plus fortement le combat contre l’excision. Le secret de ses finances ? « En tant que fondation flux, la Fondation Espoir consacre 100 % de son budget aux actions menées sur le terrain ». Pour supprimer les frais administratifs (qui ponctionnent en moyenne entre 25 et 32 % du budget des fondations), Cristina Socolan et Olga Demina doivent « régulièrement effectuer bénévolement le sourcing et le monitoring nécessaires ». Leur accord avec l’Unicef est simple : toutes les sommes allouées doivent aller au recrutement et à la formation de médecins, de gynécologues et d’infirmières, ainsi qu’à l’achat de matériel et aux actions de prévention.

Le résultat est spectaculaire : grâce à cette méthode innovante de gestion des fonds et aux 5 millions d’euros alloués sur cinq ans, la fondation Espoir a pu, dans la zone où elle opère c’est-à-dire dans les deux régions d’Ethiopie les plus touchées, recruter du personnel médical compétent, traiter plus de 2 240 victimes, équiper des dispensaires et des centres de soins, financer un programme dans les écoles et sensibiliser plus de 20 000 Éthiopiens. Selon Mme Socolan, tout le mérite revient aux équipes locales : « Le maillage des équipes d’Unicef-Ethiopie permet une grande réactivité. En nous coordonnant avec elles et avec les responsables d’Unicef-Luxembourg, nous parvenons à trouver des solutions rapides aux urgences qui surgissent. Par exemple, nos échanges réguliers via Skype avec les équipes déployées sur le terrain nous ont amené à amender l’accord initial et à réallouer autrement certains fonds pour tenir compte de l’évolution de l’implémentation du projet. C’est ainsi que nous avons été amenés à recruter 4 gynécologues supplémentaires, dans le but de répondre à une demande croissante de soins de la part des victimes. » Un responsable d’Unicef- Luxembourg le confirme : « nous nous adaptons aux besoins du terrain : nous nous laissons guider par nos responsables locaux qui nous fournissent des renseignements sur les actions réalisées et sur celles à mener, afin de bâtir le budget pluriannuel dont nous discutons avec les grands donateurs comme la Fondation Espoir – dont la contribution représente 26,4 % de notre budget global ».

Curieuse, peut-être avec un brin d’impertinence, je demande à Cristina et au docteur Wirtgen – tous deux bénévoles – ce qui les motive à agir pour des inconnues. « Des inconnues ? », relèvent-ils. Avec un regard malicieux, ils m’attirent vers l’ordinateur et lancent Skype. Le visage du responsable du centre de soins de Kelwan, dans la zone 5 de l’Afar, apparaît à l’écran. Il dirige aussitôt son téléphone vers le jardin. Sur des bancs de bois, une trentaine de fillettes, âgées de 6 à 12 ans, vêtues de robes aux couleurs chatoyantes, chantent et tapent des mains. Puis elles jouent une pièce de théâtre, à l’intrigue saisissante : deux garçons convainquent leur père, initialement favorable à l’infibulation de leur sœur qui vient de naître, de ne pas l’exciser. A travers des chants, des quizz, des poèmes et des petites saynètes de ce type, m’explique-t-on, les 550 formateurs recrutés par l’Unicef en Ethiopie, enseignent les dangers de l’excision et sensibilisent les leaders tribaux : « Le soutien des figures locales, comme le Sheik Dersa, est crucial pour convaincre les populations de renoncer aux mutilations féminines », assure Cristina.

Il est temps à présent d’appeler une autre militante : à 18 ans, Fatima sillonne la région pour plaider la cause des femmes. Malgré la connexion Internet défectueuse qui rend sa voix inaudible de temps à autre, Fatima me confie son affection et sa gratitude pour les personnels de l’Unicef et de la Fondation Espoir : « I don’t need outside motivation to advocate against Female genital mutilations, as I’m a victim myself. Anyone who has experienced that kind of pain is motivated to act ». Elle me confesse alors ses souffrances, et me transmet son espoir : celui d’éradiquer l’excision d’ici 2025 comme l’a promis le gouvernement éthiopien. Espérons à notre tour que la Fondation Espoir parviendra à collecter davantage de dons pour prolonger et élargir ce programme.

Raphaëlle Mittler

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