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Le plaisir toujours au cœur des événements
Après une hausse en 2015, le marché du MICE a de nouveau accusé le coup en 2016. Dans des périodes incertaines, l’organisation d’événements pour lancer un produit, remercier ses partenaires ou rassembler ses troupes fait donc toujours partie des postes de dépense qui sont réduits en priorité. Mais cela n’empêche pas les professionnels du secteur d’innover pour répondre à une demande toujours bien présente, centrée sur le contact humain et le plaisir.
L’année dernière à la même époque, l’étude annuelle produite par Coach Omnium, une référence dans le secteur, faisait état d’une légère embellie en 2015 pour le marché des MICE, après plusieurs années difficiles. Mais selon les données recueillies en 2016, il ne faudrait pas se réjouir trop vite, puisque la demande MICE a connu une rechute. Il ressort de l’enquête annuelle Coach Omnium, réalisée auprès d’organisateurs de réunions professionnelles et agences d’événementiel ciblés et représentatifs du secteur, que les dépenses sur le marché français ont atteint 8,07 milliards d’euros estimés en 2016 (hors transports et hors dépenses pour les manifestations se déroulant à l’étranger). On évalue à seulement 15 % la demande en MICE en France provenant de l’étranger. Il s’agit d’une baisse estimée d’activité de 1,6 % par rapport à 2015, ce qui confirme une fois de plus que la demande se profile en montagnes russes. L’activité semble imprévisible à en perdre son latin, surtout depuis la crise économique de 2008. Si l’activité demeure sans prévisibilité et sans visibilité, et les dépenses des entreprises en baisse en 2016, l’étude Coach Omnium montre toutefois que les manifestations courtes se maintiennent, en réunissant moins de participants. Les temps de transport sont raccourcis, et certaines activités périphériques pâtissent de ce léger recul.
Cependant, si les événements professionnels se réduisent dans le temps et dans l’espace, il demeure difficile pour les entreprises de s’en passer. Selon l’étude Coach Omnium 2017, neuf participants sur dix sont enthousiastes à l’idée de partir en convention ou en séminaire. Les entreprises confirment donc qu’elles ont besoin de réunir leurs troupes dans des séminaires et conventions, et rien ne peut remplacer ces rencontres.
Expérience et plaisir guident le choix du lieu
La tendance frémissait depuis quelques années, elle est maintenant bien installée. La réunion plan-plan dans une salle de séminaire avec présentation PowerPoint n’est pas morte – on est toujours là pour travailler – mais elle s’accompagne désormais d’autres activités, voire d’un cadre différent. Quitte à réduire le nombre d’événements organisés, les entreprises soignent les rassemblements qu’elles conservent, et veulent frapper fort. Et c’est au moment de choisir le lieu de l’événement qu’elles peuvent faire la différence pour marquer les esprits, qu’elles réunissent leurs commerciaux pour le lancement d’un nouveau produit, une équipe pour renforcer sa cohésion ou leurs partenaires pour une soirée de gala. Et certains formats sortent vraiment du lot. Romain Lépine, PDG associé de Team Yachting précise : « Nous possédons tous les types de bateaux possibles, à voile et à moteur. Le bateau peut servir à tout type d’événements, team-building, incentive, séminaires, congrès… Nous tenons surtout le discours qu’il s’agit d’une hérésie de venir sur la Côte d’Azur sans pratiquer d’activité nautique. Pas non plus besoin d’avoir le pied marin pour participer à une activité nautique. 95% de nos participants sont des néophytes. » D’autres lieux ont bien aussi bien intégré cette tendance et se mettent en quatre pour accueillir cette clientèle professionnelle. C’est le cas par exemple du Parc Astérix, qui vient d’étoffer son équipe pour développer l’accueil de conventions et séminaires, et qui va également étendre ses dates d’ouverture aux entreprises, de manière à leur permettre d’accéder au parc toute l’année, alors qu’il reste fermé au grand public pendant l’hiver. « Nos clients recherchent des lieux toujours plus originaux et désertent les traditionnels hôtels de banlieue », note Quentin Dumail, responsable développement conventions et séminaires du Parc Astérix. « Nos infrastructures leur permettent d’organiser des réunions, avec notre centre de conventions ouvert depuis l’année dernière, mais aussi grâce à notre capacité hôtelière qui passera de 150 à 300 chambres en juin 2018, puis à 450 chambres en 2019. Du team-building de dix personnes jusqu’à la convention de 1 600 personnes, nous pouvons tout envisager. » Si certains viennent seulement profiter de la mise au vert permise par la situation de l’hôtel du parc, d’autres souhaitent profiter pleinement des activités qu’un tel lieu leur offre. « Les participants sont demandeurs de sensations fortes, ajoute Quentin Dumail. De la privatisation d’une attraction à l’organisation d’une course de drakkars sur le lac en passant par un atelier de construction de chars romains, nous pouvons tout imaginer. On ressent vraiment un besoin important de se lâcher, de retrouver une cohésion d’équipe. »
Hôtels : comment se renouvellent-ils ?
Si les lieux atypiques et originaux ont le vent en poupe, les hôtels restent tout de même incontournables pour l’organisation de certains événements, notamment pour la multiplicité des services dédiés qu’ils offrent aux entreprises. Cependant, pour ne pas céder trop de terrain aux lieux qui émergent et ciblent la clientèle MICE en particulier, les hôteliers doivent se renouveler sans cesse et s’adapter à la demande en pleine évolution des clients professionnels. Ils peuvent tout de même s’appuyer sur des fondamentaux, comme l’explique Patricia Criqui, directrice commerciale hôtellerie au sein de groupe Barrière, dont les MICE représentent 30 % du chiffre d’affaires : « Notre attractivité repose sur quatre piliers : la qualité du service Barrière, la variété des activités que nous proposons, la capacité de nos hôtels et l’accessibilité de nos établissements pour notre clientèle européenne ou internationale ». Et loin de se satisfaire de ces acquis, le groupe Barrière mise lui aussi sur la notion de plaisir. « Aujourd’hui, c’est une notion essentielle que nos clients cherchent à intégrer dans leurs événements, note Patricia Criqui. Nous essayons donc de décloisonner notre offre et de comprendre avant tout l’objectif et le message que doit faire passer l’événement. Les entreprises attendent aujourd’hui un retour sur investissement des événements qu’elles organisent. Pour répondre aux attentes de nos clients, nous pouvons utiliser tous les espaces des hôtels, mais aussi aux alentours, pour proposer des respirations ou des activités, et ainsi sortir de la traditionnelle pause-café dans le couloir face à la salle de réunion. » Parcours de golf au Touquet, dégustation d’huîtres sur la plage de Deauville, pause yoga autour de la piscine, ou cours de paddle, tout est imaginable pour permettre une réelle expérience aux participants. Le groupe Barrière propose même la possibilité de privatiser entièrement un établissement, laissant libre cours à l’imagination de l’entreprise pour personnaliser les lieux à son image, utiliser le hall d’entrée comme salle de réunion, décloisonner les espaces, etc.
Les territoires se lancent à l’assaut des MICE
Les lieux d’accueil et prestataires ne sont pas les seuls à regarder avec intérêt la clientèle MICE. Désormais, c’est à l’échelle d’un territoire que l’on s’organise pour promouvoir ses espaces, coordonner l’offre et servir d’intermédiaire pour répondre à la demande. A l’image de la ville de Biarritz qui, par l’intermédiaire de sa structure Biarritz Tourisme, vient de créer un « Meeting and Travel Planner » pour détailler son offre et conquérir les organisateurs d’événements. Disponible en PDF et en version papier, cet outil pratique et fonctionnel cible les organisateurs de congrès, séminaires et incentives qui peuvent y trouver toute l’offre de la destination Biarritz, les activités, les centres des congrès et autres lieux événementiels de Biarritz et ses alentours, sans oublier les hébergements et les prestataires référencés par le bureau des congrès de Biarritz. Plus loin de nous, et à une autre échelle, la ville de Montréal pense avec soin à la manière dont elle se vend auprès de la clientèle MICE. Et son credo est un mot qui semble décidément inévitable sur le marché aujourd’hui : le plaisir. De l’autre côté de l’océan, les clients professionnels ont visiblement les mêmes attentes. « Notre clientèle vient très majoritairement des Etats-Unis », nous explique Guy-Joffroy Lord, directeur des ventes de Tourisme Montréal. « Notre premier défi est donc de convaincre les associations ou entreprises américaines de considérer des destinations en dehors des Etats-Unis. Dans l’imaginaire américain, Montréal est une ville européenne, avec une culture et une gastronomie particulière, et c’est ce que nous souhaitons mettre en avant. Aujourd’hui, les entreprises ne regardent plus seulement la capacité des salles de congrès, la destination qu’elles choisissent doit séduire. » La Ville de Montréal affiche donc son offre culturelle (festival de jazz ou d’humour), culinaire avec la présence de nombreux chefs français, festive (l’lgloofest en hiver), mais aussi son aspect sécuritaire pour attirer les organisateurs d’événements. La qualité de vie et le plaisir sont les maîtres-mots que met en avant la plus grande ville du Québec.
Séjours plus courts, moins fréquents et last minute, le tout dans un budget toujours restreint
De l’avis de nombreux professionnels du secteur, les événements d’entreprises sont depuis quelques années organisés sur des durées plus courtes. « Certaines entreprises nous demandent des prestations en Bretagne, en Sardaigne, en Croatie, au Maghreb, mais notre activité se concentre principalement sur Marseille et Monaco. Le format séminaire d’une demi-journée ou d’une journée a le vent en poupe et représente 60 % de notre activité. Le format «Before» avec transfert en bateau rencontre aussi un vif succès », détaille le président associé de Team Yachting. Outre la réunion d’une demi-journée ou d’une journée qui est bien souvent organisée en interne dans l’entreprise, lorsqu’ils sortent de leurs murs, les organisateurs d’événements ne prévoient pas plus de deux ou trois jours de réunions, voire quatre s’ils partent à l’étranger. Les séjours sont plus courts, mais les réunions sont également moins fréquentes. « Les entreprises ne viennent pas chez nous tous les mois », souligne Quentin Dumail, du Parc Astérix. « C’est la raison pour laquelle marquer les esprits est encore plus important pour elles. Lorsqu’elles viennent pour un événement de team-building, les entreprises prévoient la journée. Pour un événement plus important, c’est 2-3 jours au maximum. Et nous avons de plus en plus de demandes en last minute. Les organisateurs arrivent souvent avec le nombre de participants et un budget, ils ont besoin de conseils. » Un constat qui oblige les prestataires à démontrer leur capacité d’adaptation, mais surtout leur réactivité. La tendance des événements moins fréquents est confirmée par Hicham Chagraoui, co-fondateur de la plateforme Lemon Tree. « Les entreprises organisent aujourd’hui un, voire deux gros événements dans l’année en plénière, pour réunir leurs salariés ou leurs partenaires, à l’occasion des fêtes de fin d’année ou des vœux, par exemple. Après, d’autres petits événements ont lieu, mais ils sont bien souvent organisés par les services ou les équipes eux-mêmes : team-building, réunion de travail, conférence de presse, etc. » Quant au budget, l’étude Coach Omnium le dit : les dépenses des entreprises étaient en baisse dans les MICE en 2016. Ce qui semble être constaté par de nombreux acteurs du secteur, même si nombre d’entre eux restent optimistes. « Les entreprises ont une activité assez intense, elles semblent sorties de l’ornière de ces dernières années, mais elles ne dépensent pas à tout-va pour autant, note Patricia Criqui, du groupe Barrière. Les budgets sont étudiés avec précision, mais la bonne nouvelle est que les entreprises recommencent à sortir de leurs murs pour organiser leurs réunions. » Pour Guy-Joffroy Lord, le problème ne se situe pas forcément dans l’enveloppe de départ : « Les organisateurs n’ont pas forcément des budgets plus restreints, mais il y aujourd’hui plus d’éléments à prendre en compte lorsque l’on organise un événement : les besoins technologiques, la restauration – les participants veulent aujourd’hui bien manger –, les activités ludiques, etc. Faire plus d’activités créatives coûte forcément plus cher. Et puis il y a aussi les enjeux de sécurité, qui peuvent ajouter un poste de dépense. »
Le marché peu impacté par les enjeux sécuritaires
Les enjeux de sécurité sont en effet aujourd’hui une donnée de plus en plus intégrée à l’organisation d’événements. Cependant, ils n’empêchent pas les entreprises de se réunir et ne sont pas forcément dans tous les esprits, d’après la seconde enquête réalisée sur ce thème par Coach Omnium pour connaître l’impact des attentats en France sur le marché des séminaires et conventions. Cette enquête révèle que les conséquences économiques ont été peu notables, avec un impact quasiment imperceptible à nul sur la demande. A peine 4 % des entreprises interrogées se déclarent affectées par ces faits au point d’avoir modifié leurs habitudes, commandes ou même d’avoir décidé d’annulations de manifestations. Contrairement à la clientèle touristique étrangère, les MICE (88 % des entreprises concernées) et plus largement la clientèle d’affaires sont peu influencés par ces événements malheureux. Leur activité en réunions professionnelles doit continuer à fonctionner dans l’intérêt de l’entreprise. D’autres entreprises font pourtant exception malgré une reprise attestée depuis les attentats. Romain Lépine, dirigeant de Team Yachting témoigne sur le sujet : « Il y a eu redressement du marché depuis les attentats de Nice même si les demandes pour le Moyen-Orient ou l’Afrique du Nord sont en baisse. Nos clients vont privilégier la France. Rappelons toutefois que les terribles attentats de Nice ont rendu la clientèle américaine et anglo-saxonne très frileuse. Aujourd’hui, la demande revient à la normale après la résilience du territoire. »
Les destinations lointaines ne sont pas en reste
La diminution de la durée des événements n’empêche pas certaines entreprises de parier sur des destinations lointaines pour dépayser les participants et créer cette expérience tant recherchée. « Aujourd’hui, les tarifs aériens sont plus compétitifs, et le côté plus intrépide des voyageurs les pousse à partir plus loin pour des petits séjours », note Thierry Lhoyer, responsable des ventes France de la compagnie Cathay Pacific. « L’Asie est ainsi devenue une destination prisée, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Les organisateurs cherchent des lieux ou des activités inédits à proposer, et nous participons aussi à la promotion de nos destinations. » Un constat confirmé par Javier Roig, General Manager Europe du Sud chez Finnair : « L’exotisme d’un voyage intercontinental est aussi apprécié par cette clientèle MICE. Le Japon, la Chine et l’Inde sont les destinations que nous proposons en Asie qui sont les plus demandées dans le cadre de projets MICE, les budgets étant très variables d’une destination à l’autre. La Laponie finlandaise est également une destination phare pour les incentives. » Bien souvent, les compagnies aériennes proposent un service dédié aux groupes et aux professionnels pour les accompagner dans leur voyage. C’est le cas de Cathay Pacific, mais aussi de Finnair, qui propose un service «groupe» dédié géré par une professionnelle spécialisée pour répondre aux besoins de cette clientèle spécifique. La compagnie offre par exemple un service sur-mesure en bloquant un grand nombre de sièges sur un seul dossier ou l’émission de billets possible jusqu’à une semaine avant le départ.
Internet de plus en plus présent
Avant, pendant, ou après les événements, Internet, les applications et les équipements numériques sont partout. Et pour commencer, au moment de l’organisation de l’événement. Si certains prestataires mettent en avant le contact humain, d’autres font tout pour faciliter et accélérer les étapes nécessaires à l’organisation d’un événement pour leurs clients. C’est le cas de Lemon Tree, une plateforme digitale de création et de réservation d’événements d’entreprises. Créée en 2017, cette plateforme vise à permettre aux organisateurs une complète autonomie dans leurs parcours en sélectionnant leurs critères : date, nombre de participants, type d’événement. « Notre objectif est que les personnes qui organisent ces événements au sein des entreprises, typiquement les assistantes de direction ou commerciales, puissent construire leur événement en trois clics », explique Hicham Chagraoui, co-fondateur de Lemon Tree. « Les utilisateurs ont l’habitude aujourd’hui d’être autonomes, et grâce à notre outil, ils gagnent du temps et de l’argent. Cependant, même en digitalisant toute la chaîne de valeur, nous ne pouvons pas remplacer la partie humaine dans ces événements qui sont toujours stratégiques. » Lemon Tree met donc à disposition des ambassadeurs qui interagissent avec les clients sur la plateforme, mais qui sont aussi présents sur place lors de l’événement. A Montréal aussi, le numérique prend de plus en plus d’importance. Une start-up met par exemple à disposition des clients un outil pour gérer la problématique de la réservation de chambres dans les hôtels. Les organisateurs mettent également en place des applications dédiées aux événements, de manière à partager du contenu en amont de l’événement, ou mettre en relation les participants après le jour J. Plus près de nous, le groupe Barrière prévoir également tous les outils numériques nécessaires dont une application que le client peut mettre à disposition des participants tout au long de l’événement. « Cela fluidifie la communication et permet de donner des informations en temps réel, explique Patricia Criqui. C’est quand même plus pratique qu’un papier glissé sous la porte de la chambre d’hôtel pour informer d’un changement de salle au dernier moment ! » Applications pour permettre le contact entre les participants au cours de l’événement ou enquêtes de satisfaction, les outils numériques permettent de fluidifier la communication ou l’organisation, mais de l’avis unanime des acteurs interrogés, rien ne remplace le contact humain et l’échange, qui restent d’ailleurs les objectifs prioritaires des événements professionnels.
Emilie Massard