Courtage, nouveaux défis

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L’assurance emprunteur et l’encadrement des intermédiaires créent des remous
Les Journées du Courtage et les Journées du Crédit – 17 au 18 septembre – furent pugnaces : on y a fait le point sur le combat acharné auquel se livrent banques et assurances sur le marché de l’assurance emprunteur et sur les polémiques déclenchées par la directive sur la distribution d’assurances (DDA), entrée en vigueur en octobre 2018. Sans oublier le projet d’autorégulation du courtage…

Ne pas se voiler la face. La révolution espérée par « l’amendement Bourquin », censé ouvrir le marché de l’assurance immobilier, n’a pas (encore) eu lieu. Depuis le 1er janvier 2018, les particuliers qui ont contracté un prêt immobilier renégocient chaque année leur assurance crédit en faisant jouer la concurrence pour payer moins cher. Les banques détiennent toujours 85 % des parts d’un marché estimé à 9 milliards d’euros, contre 15 % pour l’assurance déléguée. L’enjeu est pourtant d’importance, assure Astrid Cousin, porte-parole du comparateur spécialisé Magnolia.fr : « Cette solution donne du pouvoir d’achat, jusqu’à 15 000 euros d’économies sur toute la durée du crédit. Dans un environnement de taux très bas, le levier d’économie, c’est l’assurance. Aujourd’hui, le coût de l’assurance est souvent plus élevé que celui du crédit ! » Une analyse partagée par Stéphane Laskart, agent général d’assurances chez Swiss Life à Neuilly-sur-Seine. Selon lui, réaliser une délégation d’assurance emprunteur se montrera extrêmement rentable. « À titre d’illustration et de manière évidemment anonyme, je vous livre un exemple récent d’un client emprunteur très récemment de 2 millions d’euros à 1,05 % sur 25 ans. Donc à des conditions de taux très compétitives. En parallèle, sa banque lui propose également son assurance emprunteur qui s’élève à plus de 200 000 euros sur la durée. Sur les mêmes bases et toutes choses égales, le devis Swiss Life que je lui remets s’élève sur la durée à 74 000 euros. On est donc à plus de 60 % d’écart par rapport à sa banque. Dans ce cas précis, Swiss Life a réussi à étudier et accepter le dossier en un temps record ! »

Mais alors, pourquoi les emprunteurs ne se sont-ils pas précipités vers la concurrence, comme attendu ? Pour l’agent général, « les banques se sont montrées moins ouvertes pour faciliter la substitution. Elles proposent également dans un certain nombre de situations de revoir le niveau de leur cotisation d’assurance afin de conserver leurs clients ». Pour Astrid Cousin, les banques ont effectivement fait preuve d’une mauvaise volonté manifeste. « Elles n’ont aucune intention d’abandonner leurs parts de marché. Elles n’informent pas suffisamment leurs clients de leur droit et les dissuadent parfois de recourir à la délégation. Chez Magnolia.fr, nous nous sommes dotés d’un service juridique afin d’aider les emprunteurs à déjouer les pratiques douteuses des banques qui visent à refuser de manière illégitime plusieurs demandes de délégation d’assurance – courriers de refus aberrants, allers/retours incessants entre la banque et l’emprunteur, dépassement des délais de réponse, réclamations de pièces manquantes pourtant inutiles. Plus grave, certaines banques conservent leur virement mensuel, laissant ainsi courir un double prélèvement. »

Faciliter la recherche des courtiers

Si la bataille est perdue, la guerre continue. En premier lieu, le message commence à passer, assure Stéphane Laskart, « cet amendement a permis de communiquer énormément sur les possibilités de substitution de l’assurance emprunteur. C’était hier un élément technique que les clients ne regardaient pas vraiment, ils ont aujourd’hui compris que cette assurance est l’un des éléments clés de leurs conditions d’emprunt et de leur coût d’emprunt, et sont donc de plus en plus attentifs à utiliser leur faculté de substitution ». De plus, les banques ne pourront résister à l’offensive des courtiers avec la seule arme des prix. « Les clients ont compris que le prix n’était pas le seul critère de choix. Chez April, nous avons développé par exemple une véritable marketplace de solutions d’assurance, avec un parcours client de la distribution à la gestion, qui facilite la comparaison sur la base de nombreux critères. Nous jouons sur la rapidité et la précision afin qu’en quelques questions les courtiers trouvent la meilleure offre au meilleur prix », argumente Jean-Hubert Bannwarth, directeur général délégué d’April Santé Prévoyance. Lequel voit d’un très bon œil la mise en œuvre de la DDA. La directive constitue une étape essentielle vers la professionnalisation du métier de courtier. « Elle hausse le degré d’expertise des courtiers. Grâce à elle, le client va mieux comprendre ce qu’il achète. Dans ce cadre, nous accompagnons les courtiers dans la mise en pratique de cette directive qui leur permet d’être plus que jamais un tiers de confiance », souligne Jean-Hubert Bannwarth.

Haro sur la DDA

Si la DDA a ses défenseurs, elle compte aussi ses détracteurs. Astrid Cousin en fait partie qui estime au contraire qu’elle gêne plus qu’elle ne favorise le travail des petits courtiers, désormais empêtrés dans des tâches administratives. Philippe Loizelet, président de l’Association nationale des conseils diplômés en gestion du patrimoine, est encore plus sévère avec la transposition du texte en droit français. « Les intermédiaires pour le compte des clients sont oubliés, voire pénalisés. L’objectif de la DDA était de responsabiliser les producteurs de services financiers et les compagnies d’assurances en les obligeant à “contrôler” le mode de distribution de leurs produits et services, notamment par la mise en place d’une gouvernance produits. La conséquence pratique et redoutable est que l’ensemble des relations contractuelles est actuellement conjugué selon ce principe : le fournisseur doit contrôler les pratiques de son distributeur – réseau salarié, agents… Résultat, les fournisseurs ont repris la main vis-à-vis de leurs “partenaires” distributeurs en les agréant, les pérennisant… ou en les déréférençant ! » En réalité, la lecture de la DDA par les fournisseurs déséquilibrerait donc la relation avec les réseaux de distribution non interne. « Un intermédiaire, tant d’assurance que de services financiers, ne peut désormais s’entremettre pour le compte de son client, soit en prêtant allégeance au fournisseur – en devenant son agent – ou au moins en acceptant la gouvernance produits, les conditions de commissionnements… en un mot, les conditions d’ouverture de code partenaire –, soit en refusant toute allégeance. Mais il sera pénalisé de ne pas pouvoir offrir une solution complète au-delà du conseil intégrant la fourniture de produits ou services d’investissement ou d’assurance. Convenons que l’objectif de renforcer la confiance du consommateur est mis à mal ! », souligne Philippe Loizelet.

Dans ce cadre, le président de l’ANCDGP se félicite du report sine die par le Trésor de l’autorégulation du courtage prévue au 1er janvier 2020 après sa censure par le Conseil constitutionnel. Ce projet, qui visait à améliorer et à mieux structurer l’accompagnement et la surveillance du courtage avec la création d’associations professionnelles, suscitait la critique des courtiers qui y voient un carcan réglementaire supplémentaire. « Outre qu’une majeure partie des tâches seront redondantes avec l’Orias, le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, ces associations obligatoires seraient atypiques en Europe et imposées aux intermédiaires français. Les autres intermédiaires au titre de la libre prestation de service (LPS) en seraient exemptés et, plus curieux, les réseaux internes des banques ou compagnies ne seraient pas concernés, les intermédiaires déjà réglementés au titre d’une autre activité seront “exonérés”… bref, l’intermédiaire libéral serait le seul visé et assumerait seul le surcoût de cette strate administrative unique en Europe », assure Philippe Loizelet.

Pierre-Jean Lepagnot

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