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Dis-moi ce que tu manges…
… je te dirai qui tu es. Gluten free, vegan, raw food, flexitarisme… tour d’horizon des nouvelles modes alimentaires.
Une déferlante de modes alimentaires a fait son arrivée en cuisine. Point commun : tous ces régimes alimentaires revendiquent un alibi bien-être. Les sans gluten, flexitariens, vegans, raw food… promettent tous d’être plus en forme en suivant leurs préceptes.
S’il y a quelques années, il pouvait s’avérer difficile de remplir son caddie de supermarché ou de manger au restaurant en respectant les règles de son régime alimentaire, il est presque aussi simple aujourd’hui de trouver un restaurant sans gluten qu’un fast-food. Et oui… la restauration et la filière agro-alimentaire ne pouvaient rester financièrement insensibles à ces tendances. De plus en plus d’enseignes affichent des plats « gluten free », tandis que les marques sortent des gammes spécifiques. Le marché est juteux et le marketing sait parler à tous les adeptes du manger autrement.
Philosophie de vie
Avant d’être une mode, manger sans gluten est un impératif pour les personnes atteintes de la maladie cœliaque. « Le gluten met ma santé en danger et je dois le traquer au quotidien en décortiquant les étiquettes de tous les produits et en demandant systématiquement la composition des plats au restaurant. Je préférerais m’en passer. Alors quand je vois des personnes réclamer du sans gluten par effet de mode, ça m’agace un peu. Le côté positif, c’est qu’aujourd’hui je trouve bien plus facilement des produits et j’ai un choix bien plus large », témoigne Lisa. Le sans gluten a fait une entrée remarquée dans les foyers français et il y aurait cinq millions de gluten free. Parce que c’est soi-disant bon pour la santé, parce qu’on a 2 kg à perdre, parce qu’on veut se différencier à la période de l’adolescence… il y a toujours une bonne raison de manger sans gluten.
Choix d’une alimentation doublé d’une philosophie de vie, la tendance vegan conduit à supprimer tous les produits d’origine animale. Pas uniquement dans l’alimentation, mais aussi dans les produits cosmétiques ou vestimentaires. Ce régime alimentaire, qui trouve ses origines dans un rejet de la souffrance animale, les préoccupations environnementales et l’inquiétude née des scandales alimentaires, n’est pas anodin. « Quand on exclut un type d’aliments, ça entraîne des carences. Les vegans prennent des compléments alimentaires pour ne pas être trop fatigués, pour éviter la chute de cheveux… », prévient Florence Thorez, diététicienne et membre de l’Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN). En septembre 2016, le cabinet CHD Expert a publié une étude dans laquelle 2% des Français se déclaraient vegans, mais selon laquelle 20% consommeraient occasionnellement vegan.
Hank Burger et Hank Pizza, deux restaurants vegans, accueillent d’ailleurs 70 % de clients non vegans. « Nous avons ouvert début 2014 Hank Burger car nous ne trouvions pas un restaurant convivial où manger avec nos amis tout en respectant nos convictions. A l’époque, nous étions parmi les premiers restaurants vegans. Depuis, nous avons ouvert Hank Pizzeria il y a un an et, en fin d’année, nous ouvrons un nouveau Hank Burger », fait savoir Agnès, co-fondatrice de Hank Restaurant. Sur ce créneau du fast good, qui séduit hors du cercle vegan pour la qualité des produits et des recettes, l’enseigne pense se développer en région dès 2018.
Les néo-végétariens se nomment flexitariens. Vous êtes peut-être un flexitarien qui s’ignore, puisque 30% de la population s’inscrirait dans cette catégorie. « Les flexitariens et les végétariens se détournent de la viande, mais se reportent sur les produits laitiers. Ils consomment notamment des fromages en grande quantité, ce qui a un impact sur le poids. C’est assez paradoxal comme comportement », note Florence Thorez. En fait, un flexitarien consomme principalement des légumes, des fruits, des légumineuses, des produits laitiers, des œufs, mais ne s’interdit pas, à l’occasion, de la viande et du poisson. « Les recommandations de la Ligue contre le cancer de ne pas manger plus de 500g de viande rouge par semaine ont un impact certain », estime la diététicienne. Mise en lumière par des stars américaines comme Madonna, Gwyneth Platrow et Demi Moore, la raw food a aussi ses adaptes en France. Ce régime consiste à manger des produits bruts, bios et très peu cuits. Les cuissons supérieures à 48°C sont bannies. La raw food a ses avantages et ses inconvénients. « Le cru est plus difficile à digérer, mais les vitamines et minéraux ne s’altèrent pas », explique Florence Thorez.
Récupération marketing
Les régimes détox se multiplient également et souvent sur des périodes prolongées. « Moins manger un jour dans la semaine, comme on le pratiquait par le passé avec le vendredi maigre, pas de problème. Mais se lancer dans une mouvance de purification en se privant pendant des jours, c’est malveillant pour le corps », alerte la spécialiste, qui n’hésite pas à parler d’effet de mode rattrapé par le marketing. L’AFDN souligne d’ailleurs qu’« en pharmacie ou en magasins bio, de nombreux produits prolifèrent, qui promettent une véritable liste-inventaire à la Prévert : l’élimination des toxines, le repos du tube digestif, le nettoyage et la stimulation du foie, la régénération des cellules, une plus grande vitalité, un meilleur sommeil… ».
Ce qui est vrai pour la détox l’est pour toutes les nouvelles modes alimentaires qui ne sont plus des marchés de niche. Si le créneau n’a longtemps intéressé que les marques spécialisées comme Soy, Céréal, Bjorg ou Sojasun, ces dernières sont désormais fortement concurrencées. Tous les industriels se sont engouffrés sur ce créneau du « mieux manger ». Fin 2015, Carrefour a lancé sa gamme végétarienne sous le nom Carrefour Vegan. Le distributeur expliquait alors que « cette gamme se compose d’une quinzaine de références imaginées pour répondre aux flexitariens comme aux végétariens, dont 11 conviennent également aux vegans ». De quoi satisfaire tout le monde à tel point que de nouveaux produits ont été mis en rayon ! L’an dernier, c’était au tour de Fleury Michon de mettre sur le marché Côté Végétal et de Herta avec sa gamme Le Bon Végétal.
« Les consommateurs ont une attente profonde de naturalité. Ils veulent des produits plus simples et plus sains car ils veulent être en bonne santé et le rester. Aujourd’hui, ils font très attention à la liste de composition des produits et aux informations nutritionnelles », analyse Chloé Defours, conseillère clientèle senior produits alimentaires et boissons chez Kantar TNS. Cette préoccupation d’être en forme et de bien vieillir incite à des changements dans les comportements alimentaires et grossit les rangs des sympathisants de ces nouveaux régimes.
La conclusion de l’AFDN sur le phénomène détox, transposable à toutes les tendances alimentaires, démontre bien que ces tendances sont symptomatiques de notre société : « La volonté de maîtrise, associée au besoin de purification, correspond plus à un phénomène sociétal qu’à un besoin clinique. Toute consommation, en particulier alimentaire, est devenue objet de suspicion et les solutions magiques ont toujours la faveur du public ».
Séverine Renard