L’automobile, une affaire de marques…

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Un nom, un logo, un slogan ou encore une musique : tout doit finement se mesurer et s’analyser pour éviter les impairs et garantir des succès commerciaux. Et c’est particulièrement vrai pour le secteur de l’automobile.

C’est une affaire qui a fait grand bruit au mois de mars. L’emblématique marque Volkswagen s’apprêtait à changer de nom. Exit la voiture du peuple, place à Voltswagen, la voiture des Volts. L’histoire a fait le tour du monde et l’origine de l’information a intrigué les internautes : un communiqué publié puis retiré du site Internet du constructeur. Il n’en fallait pas plus pour déchaîner les passions et une avalanche de commentaires. Certains saluaient ce revirement de la marque, hommage à l’électrification progressive de sa gamme de voitures, là où d’autres regrettaient la disparition de cet emblème industriel. Quelques jours après la fuite, l’information est confirmée en haut lieu chez Volkswagen. Exit le K, place au T pour Volt. Reprise par de grands médias, l’information cachait en réalité un coup marketing, plus ou moins maîtrisé. Comme l’explique un porte-parole cité par Reuters : « Volkswagen of America ne changera pas son nom en Voltswagen. Cette annonce était dans l’esprit d’un poisson d’avril, pour mettre en avant le lancement du SUV électrique ID.4 et signaler notre engagement à apporter la mobilité électrique à tous. » Pas de changement de nom, donc, mais un canular qui est tombé à l’eau.

Stellantis, un changement « étincelant »

Il n’empêche. L’affaire a fait du bruit et illustre tout l’enjeu de l’image de marque des constructeurs automobiles. En juillet 2020, le marché automobile voyait l’arrivée d’un nouvel acteur, Stellantis, nom donné à l’entreprise issue de la fusion du français Peugeot-Citroën (PSA) et de l’italo-américain Fiat-Chrysler (FCA). À l’origine de ce nouveau nom, le participe passé latin du verbe « stelo » traduisible en « étincelant ».

Pour arriver à cette nouvelle image de marque, plusieurs mois de travail avec le groupe Publicis. Si l’univers astronomique a été choisi, c’est pour « suggérer le véritable esprit d’optimisme, l’énergie et la capacité de renouvellement inspirant cette fusion qui va changer l’industrie automobile », détaillent les deux constructeurs. En clair, derrière ce choix d’apparence anodine se cache une véritable lutte pour imposer une certaine vision du groupe sur le marché automobile. Et pour faire adhérer une cible internationale à un projet européen. Pas toujours de premier degré, donc.

Changer de nom n’a rien de nouveau…

Et lorsque l’on remonte dans l’histoire, les constructeurs ont connu des centaines de changements de noms. Avec parfois des explications toutes simples. Par exemple, en 1945 il paraît indispensable aux actionnaires de l’entreprise que l’on connaît désormais sous le nom de Jaguar d’abandonner leur nom d’origine, SS ! Quelques années plus tard, lorsque le groupe japonais Nissan décide d’exporter ses véhicules sur le territoire américain, c’est le nom Datsun qui est utilisé. Le nom Nissan était, en effet, associé aux véhicules de l’armée japonaise dans l’inconscient collectif.

Affaire plus récente encore, celle du constructeur chinois GAC Group et de sa marque emblématique Trumpchi, littéralement « la bonne fortune ». Pour son déploiement sur le marché américain et européen, le constructeur avait annoncé vouloir amorcer un changement de nom pour éviter toute confusion avec un certain ancien président américain… La crise sanitaire a, cependant, mis un coup de frein aux ambitions de développement international de la marque.

… et au-delà du nom,on peut aussi changer de logo !

Changer de nom n’est pas le seul cap marketing que franchissent les marques, beaucoup décident de garder le même nom mais de changer de logo. C’est le cas de Kia, Renault, Dacia ou encore Nissan ou Volkswagen. Derrière ces changements de logos, se cache une même stratégie : passer à du flat design, comprendre du design plat. À la fin des années 1990, l’essor massif des logiciels de graphisme et le développement d’outils puissants pour des réalisations professionnelles avaient donné des envies de relief aux constructeurs. En témoigne le logo de BMW qui laissait apparaître des réflexions lumineuses pour donner une impression de galbe, là où celui de Renault laissait apparaître des formes ombragées pour créer un effet arrondi. L’une et l’autre de ces marques affichent désormais un logo totalement en 2D. L’idée derrière ces changements de texture ? Un logo plus facile à imprimer et, surtout, qui correspond mieux aux codes actuels du Web. « La numérisation est au premier plan de notre réflexion. Le logo est inspiré des avancées dans le domaine de la technologie et de la connectivité. Il doit s’intégrer dans cet univers », explique Alfonso Albaisa, vice-président du design chez Nissan.

Pourquoi changer ?

Mais derrière ces changements de logos se cache également l’envie d’affirmer son image et de donner un nouveau départ à sa marque, à l’image du changement de logo de Volkswagen, quelques mois après l’affaire du dieselgate…

Plus récemment encore, c’est Peugeot qui a innové en adoptant un logo plus sombre et simple que son précédent lion en 3D. Mais les experts ont vite reconnu, derrière ce nouveau logo 2D, un clin d’œil à l’emblématique logo des années 1960 revisité pour arborer des airs plus modernes. « C’est une manière de revenir à un emblème traditionnel tout en gardant les codes de ce qui fonctionne aujourd’hui », analyse une experte du secteur.

Au-delà des changements de logo, l’effet d’annonce est tout aussi primordiale, voire plus. Le rebranding de Peugeot s’est ainsi exprimé à travers une conférence de presse, une conférence en ligne et une campagne de communication vidéo. Dans ce spot, « Nous sommes les lions d’aujourd’hui », le logo se dessine progressivement sur des scènes de vie. Sur les réseaux sociaux, la campagne a été complétée par un filtre Instagram pour toucher une cible jeune. Au sein de l’agence de marketing et branding Baptiste Dream, on analyse la stratégie de Peugeot comme une manière de chercher une nouvelle cible : « Peugeot s’inspire des campagnes des maisons de luxe et rajeunit sa communication pour toucher une cible plus jeune, c’est évident. »

Faire face à la crise

Toutes ces stratégies récentes s’inscrivent dans un contexte difficile pour les acteurs de l’automobile. Peugeot a subi une perte de 8 milliards d’euros et vu ses ventes chuter de 20 % l’année dernière. À l’échelle mondiale, en 2020, les ventes ont baissé de 22 % avec un lourd effet en Chine où l’on a observé une chute de près de 43 %. Dès lors, ces changements d’image de marque ont également pour but de retrouver une adhésion du grand public pour les véhicules automobiles. Il faut dire que les voitures thermiques souffrent d’un complexe grandissant. Les annonces récentes de la municipalité parisienne sur la fin de la circulation des véhicules dans les arrondissements du centre parisien à l’horizon 2022 contribuent pour beaucoup au désamour des Français·es pour la voiture. Un sondage Ifop à l’automne 2020 a montré que 60 % des jeunes étaient favorables à la mise en place de restrictions sur la circulation des voitures.

Certaines marques l’ont bien compris, tel General Motors, la plus vendue aux États-Unis. Le groupe a annoncé il y a peu vouloir arrêter la production et la commercialisation de véhicules thermiques à l’horizon 2035 pour ne plus produire que des véhicules électriques. Et ce revirement a été inscrit dans le logo de la marque dont la lettre M s’inspire d’une prise électrique.

Mais il faudra sans doute bien plus que des changements cosmétiques et marketing pour que le marché automobile retrouve sa forme d’antan. En France, le nombre de ventes de véhicules en 2020 est similaire à celui de l’année 1975. Un recul massif qui devrait se poursuivre pour l’année 2021. Les mobilités ont changé, les pratiques aussi et le numérique a diminué pour partie certaines mobilités, notamment professionnelles, qui exigeaient auparavant l’utilisation d’une voiture. Nul doute, donc, que de nouvelles campagnes verront le jour, dans les prochains mois, pour tenter de réhabiliter la conduite d’une belle voiture.

Guillaume Ouattara

Au sommaire du dossier 

1. Qu’attendons-nous des marques aujourd’hui ?

2. 4 publicitaires expliquent le pourquoi du comment d’une appellation commerciale

3. L’automobile, une affaire de marques

4. Régions & territoires : régions et marketing territorial

5.Mapping de l’innovation : des marques qui changent le monde

 

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