Dématérialiser n’est pas joué

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Saisir les enjeux de la coexistence du papier et du numérique dans les usages d’entreprise, ce serait appliquer les principes contradictoires du Yin et du Yang au back office, ou aborder la dialectique hégélienne dans la relation client. Sans pour autant parler ni chinois ni allemand, il s’agirait de dépasser un antagonisme de support pour ériger le document en grand gagnant, à travers la complémentarité des pratiques. Car si le « zéro papier » est scandé par ses défenseurs depuis l’âge de pierre de l’informatique – Taiichi Ono, ne faisait-il pas du tout numérique l’un des atouts du lean management dans les années 1950 ? – force est de constater que la gestion de ces deux flux documentaires relève souvent du casse-tête pour les directions d’entreprise. Le tout se réalisant souvent aux dépens du coût pour cette dernière. Dès lors, comment optimiser l’organisation des deux types de flux, qui font trop souvent doublon, et souffrent d’un manque d’efficacité dans le classement et la recherche d’informations ? Quels documents conserver et sous quel format ? Mais surtout quels choix technologiques par rapport aux objectifs ?

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Chiffre aberrant soulevé par une étude de l’AIIM (Association for Information and Image Management) : 77% des factures sont imprimées pour être ensuite scannées. La cohabitation entre les deux supports, pour bien des entreprises, n’a donc pas atteint son fonctionnement optimal. Si l’articulation papier vers numérique se déploie, cette tendance ne signifie pas obligatoirement une baisse significative du recours au papier. Les experts en dématérialisation s’accordent alors à concevoir les différents flux comme un hub logistique pour rationnaliser les flux. Le prestataire serait le coordinateur de cette plateforme multimodale de l’information. Et son objectif consisterait bel et bien à améliorer le traitement hybride du document non pas de façon parallèle, mais bien de manière convergente, pour optimiser les process métiers et supprimer le traitement documentaire à faible valeur ajoutée. Bien évidemment, il existe pléthore de modes opératoires, mais l’essentiel revient d’abord à prendre en charge la conformité des documents du client engagé juridiquement, fiscalement et socialement, tout en prenant en considération l’espérance de vie du document.

Prenons l’exemple d’une société d’intérim telle que Synergie, dotée d’un réseau de 250 agences, qui met en place chaque année plusieurs milliers de contrats de travail en électronique, papier, en face-à-face dans l’agence ou via La Poste. La dématérialisation n’aura pas pour vocation de supprimer le contrat papier mais d’en proposer une meilleure utilisation en limitant un maximum les impressions, les mises sous pli et l’envoi. La méthode consistera d’abord à capturer le flux d’impression en agence sans pour autant modifier l’application métier. Car opter pour l’immatériel ne doit pas être synonyme de complication informatique. Le travail de ré-ingénierie documentaire est alors externalisé. Autre avantage de taille : la prise en charge des levées de doute. Encore une fois, c’est le prestataire qui demeure le garant de l’exploitation du document. En d’autres termes, ce ne sera plus à l’agence d’intérim de vérifier, par exemple, si le contrat de travail est paraphé ou signé. « Les révolutions informatiques ont toujours été motivées par la volonté de faire baisser les effectifs sur les tâches à faible valeur ajoutée pour pouvoir réinvestir le capital humain ailleurs, explique Laurent Caredda, Président du directoire d’Almerys. C’est ainsi que l’informatique se substitua au calcul à la main et permit un traitement plus rapide des fiches de paie ou de la comptabilité. Mais subsistait-il encore un nombre de personnes conséquent pour saisir l’information ? La dématérialisation s’est alors développée et a permis une nouvelle révolution dans le traitement documentaire, comparable à l’arrivée du tracteur dans les campagnes au début du XXe siècle. »

En d’autres termes, concilier le papier et le numérique revient à mettre en place un plan de classement, d’aiguillage et d’acheminement des flux. Ces derniers émanant soit de l’éditique batch, diffusant des documents prêts à être imprimés à partir de données générées en une fois (factures, relevés,…) soit de l’éditique transactionnelle (formulaire pré-rempli, bordereau de dépôt, contrat,…). Le point nodal entre les différents supports sera alors la réflexion menée autour de l’archivage. Autrement dit, comment le système de stockage peut-il unifier les flux ? Deux options, non exclusives, sont ainsi à retenir : mettre en place des systèmes à valeur probatoire qui rendent le document indépendant de son support ou faire de l’archivage le socle commun pour les projets de circulations documentaires numérisés ou en version papier. Par ailleurs, hors les murs de l’entreprise, de nouvelles initiatives de dématérialisation voient le jour et proposent aux particuliers un portail à entrée unique regroupant un nombre important de services. « L’avenir de l’immatériel se construit autour de l’identité numérique mise en relation avec des écosystèmes foisonnants, précise Laurent Caredda. L’Auvergne, région pilote pour le déploiement de l’identité numérique, coordonne ainsi une trentaine d’acteurs publics et privés qui mutualisent leurs données sur un portail à entrée unique et personnalisée pour chaque particulier. Le coffre-fort met ainsi en relation l’ensemble des documents produits : relevés bancaires ; fiches de paie, fiches de mutuelle, diplômes… »

Si les solutions de dématérialisation se développent avec un marché en constante croissance, la mort annoncée du papier ne revêt donc, pour l’instant, qu’une dimension prophétique pour les fervents défenseurs de la numérisation. En atteste, le chiffre significatif de la dernière étude émanant d’Iron Mountain, entreprise spécialisée en gestion documentaire : seul 1% des entreprises a réussi à ce jour à mettre en place une solution « paperless ».

Article réalisé par Geoffroy Framery

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