L’avenir des syndicats

Syndicats dans la rue, le nouveau bal des morts vivants ?
Syndicats dans la rue, le nouveau bal des morts vivants ?

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Monologue social ?

Les syndicats seraient-ils devenus l’appendice incapable de dialoguer avec le reste du corps de l’entreprise ? Le diagnostic est alarmant mais peut-être faut-il regarder dans le passé pour assurer l’avenir de ces mammouths de la contestation.

Alors que les achoppements se multiplient sur le sujet de la réforme du droit du travail entre le gouvernement et les syndicats de salariés notamment sur la fusion des IRP et l’instauration du chèque syndical, ces derniers continuent de questionner sur leur légitimité en tant qu’organe représentatif du personnel et bras armé lors les négociations collectives. Quel avenir pour ces organisations qui se « comportent comme des boutiquiers plus conscients de leurs intérêts qu’ils ne représentent celui des autres », selon François Rebsamen, alors ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social ?

Le Titanic après l’iceberg ?

Les syndicats meurent à petit feu. C’est en tout cas ce que nous annonçait dès 2010 le prophétique ouvrage « La fin des syndicats » de Dominique Labbé et Maurice Croisat. Et pour causes : manque de représentativité, financement obscur, conservatisme et immobilisme. Les critiques pleuvent. Symboliquement, le 1er mai 2015, Bernard Thibault s’exprimait sur les ondes radiophoniques d’Europe 1 en fustigeant la multiplication des acteurs et la dispersion du syndicalisme qui de fait affaiblissait le message.

Mais les stigmates sont plus anciens. L’ampleur du recul se mesure en dizaines d’années si bien que les derniers chiffres de l’INSEE évoquent un taux de syndicalisation de 6% ou 11% (chiffre de 2013) aujourd’hui le plus bas de l’OCDE, contre 43% dans les années 1950.

« L’organisation du dialogue social commence à proprement parler dès 1946. La nouveauté constitutionnelle réside dans la liberté d’adhésion et le pluralisme syndical. C’est une sanctification institutionnelle du pluralisme », analyse Jérôme Beauvisage, historien à l’IHS de la CGT.

Plus tard, la loi du 30 décembre 1968 et les lois Auroux relatives à la représentativité syndicale aggravent le phénomène de désaffection des syndicats en déconnectant la base et les directions syndicales. « 2008 marque une évolution très sensible. Le résultat du vote déterminera la représentativité des syndicats avec des seuils. Le vote devient un élément prépondérant. Mais cela ne change en rien les rapports de force qui demeurent les mêmes de puis les années 1970 », précise l’historien.

Citons également une publication de Gérard Adam, enseignant au CNAM qui écrit : « La loi du 20 août 2008 «portant rénovation de la démocratie sociale» accélère actuellement la recomposition du paysage syndical engagée en fait depuis plusieurs décennies et que symbolisait la notion fourre-tout de «crise du syndicalisme». Le paradoxe de la nouvelle législation visant à renforcer la légitimité des syndicats est d’avoir fait de l’audience électorale le critère essentiel de la représentativité, alors que le problème majeur de ces syndicats tient à la faiblesse d’un taux de syndicalisation ». Malgré la contradiction, trois chiffres prévalent : 10% des voix dans les entreprises et 8% sur le plan national pour la reconnaissance de la représentativité, 30% pour la validation des accords et 50% pour exercer un droit d’opposition.

La tête séparée du corps

« Les syndicats cherchent d’abord à consolider leurs acquis et leur financement plutôt que de coller aux évolutions du monde de l’entreprise », tance Dominique Andolfatto, enseignant à l’IEP de Grenoble et chercheur spécialiste d’histoire sociale et de la question sociale dans les entreprises.

Chaque organisation syndicale s’est engagée dans une course à l’élection. Une contradiction selon Dominique Andolfato qui complète : « Les syndicats nous donnent l’impression qu’ils ont fait une croix sur les adhérents, qu’ils nourrissent une vocation générale et un pouvoir de représentation de fait. C’est une façon de penser dangereuse. Cela signifie que les syndicats peuvent fonctionner sans être en immersion voire sans adhérents. Ils sont devenus des organisations de professionnels de la représentation. Si bien que le dialogue social devient un théâtre d’ombres car tout cela se passe dans le dos des salariés. Il faut renouer avec un syndicalisme d’adhérents ».

Inciter les salariés à participer à la démocratie sociale

Contrairement aux pays à fort taux de syndicalisation, les syndicats français, sauf rares exceptions comme dans le milieu du livre ou celui des dockers, ne bénéficient de certains avantages contractuels. Et pourtant pour renouer le lien tant délité entre syndicats et instances représentatives, certaines entreprises recourent à des initiatives qui dynamisent le moment des élections. Au-delà du classique clivage entre CFDT et CGT qui oppose un syndicalisme ouvert aux évolutions et « un autre de la protestation, de la gouaille et du tribunicien », comme le décrit Dominique Andolfatto, des nuances plus fines sont à mettre en exergue. « Les organisations ne sont pas monolithiques. Plus que des syndicats, il existe une multitude d’équipes parfois sous la même bannière. La CGT de Renault n’a rien à voir avec celle d’Air France. Et cela est un signe de changement : il faut moins parler du sigle que de l’équipe qu’on a en face de soi et du secteur d’activité et l’entreprise », complète le spécialiste des syndicats.

Certaines idées pourtant poussiéreuses pourraient être remises au goût du jour. Il y a 20 ans le groupe AXA remettait un chèque syndical à chaque salarié, libre ensuite à ces derniers de le donner à un syndicat. Mais la moitié des chèques sont perdus… Encore aujourd’hui, l’entreprise franco-belge Solvay pratique le chèque syndical. « C’est un moyen pour renouer avec le syndicalisme et qui obligeait les syndicats à être plus à l’écoute. Les syndicats devraient développer des enquêtes pour mieux connaître les salariés. Une autre solution alternative pour recréer du lien serait celle de rembourser les cotisations comme en Belgique », soutient Dominique Andolfatto. La plupart des syndicats refusent de considérer le faible taux de syndicalisation comme un indicateur de la crise du syndicalisme arguant que 97% des salariés – chiffre avancé par la direction nationale de la CGT – sont couverts par des accords de branche négociés par les IRP dont les syndicats. Cela dit, qu’en sera-t-il des actifs « ubérisés », de ces freelancers dont le contrat est rarement requalifié, etc. ? La question du syndicalisme continue d’interroger notamment face à l’évolution de certains secteurs d’activités.

Geoffroy Framery

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