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Apprivoiser la distance. Voilà le maître mot pour un grand nombre de secteurs et de métiers tout au long de cette crise sanitaire. Les professionnel·les ont dû revoir leurs habitudes pour poursuivre leur activité – ou un semblant. Pas une révolution mais des tendances de fond propulsées au premier plan par la pandémie ! Pour les secteurs de l’événementiel et de la culture, les managers, le personnel médical ou les agent·es immobilier·ères, leur activité ne sera sans doute plus – tout à fait – comme avant.

On ne travaille et ne travaillera plus comme en février 2020. Des métiers qui s’apprêtaient progressivement à se transformer n’ont eu d’autre choix que d’opter pour la formule accélérée. « Comme si on avait vécu en un an ce qui aurait normalement dû se passer en quatre ou cinq ans », illustrait en début d’année le fondateur de Welcome To The Jungle, Jérémy Clédat. En référence, notamment, au télétravail, lequel se hisse au premier chef d’un bouleversement de certains métiers. Pour pléthore de professionnel·les, ils·elles peineront à poursuivre leur job sans une bonne dose d’agilité.

Ces secteurs qui ont su rompre les barrières (physiques)

Faut-il être sur place pour vivre un événement ? S’il est indéniable qu’une expérience physique procure d’autres sensations qu’un rendez-vous en ligne, les organisateur·rices d’événements ne pouvaient guère faire la fine bouche en pleine tempête sanitaire et économique. Alors, ils·elles ont proposé à leurs client·es des événements virtuels, à distance. Entre nous, aviez-vous déjà vu autant de webinaires – nouveau terme à la mode, préférable à l’affreux webinar anglais – circuler depuis ces derniers mois ? Conférences, salons, séminaires, tables rondes… Les champion·nes de l’événement ont vu leur métier bouleversé. Au point que pour Christophe Cousin, président de l’agence Win-Win, « à l’avenir, un événement sur deux se fera 100 % à distance », affirmait-il en février dans les colonnes d’ÉcoRéseau Business. Les professionnel·les de l’événementiel doivent changer leur fusil d’épaule. Ce ne sont plus tant les à-côtés qui comptent – qui justifiaient le déplacement de collaborateur·rices – mais la qualité du message. Les organisateur·rices d’événements doivent se concentrer sur l’essentiel : le message délivré et l’intérêt du contenu. D’autant plus que l’événement de demain – voire présent – ne s’éteindra plus au moment où il baissera le rideau ! À l’inverse, il laissera des traces.

Pour le secteur de la culture, il a aussi fallu faire preuve d’adaptation. Revoir son modèle. Et ce n’est pas le célèbre musée du Louvre à Paris qui dira le contraire. Lequel a mis l’intégralité de sa collection à portée de clics ! Avec la possibilité donc pour les visiteur·ses/internautes d’admirer toutes les œuvres du musée, exposées ou non. Les prémices d’un tourisme virtuel ? Les agences immobilières, elles aussi, ont proposé leurs visites virtuelles. Non pour contempler la Joconde, mais davantage votre prochain studio de 30 m2 situé rive gauche. Désormais, le métier d’agent·e immobilièr·e requiert – encore plus qu’avant – l’assimilation d’outils de communication pour la mise en valeur d’un bien. La visite virtuelle 360° fait désormais partie intégrante de la stratégie de vente d’une agence immobilière. Nombre des activités vont venir vont devoir intégrer de telles galeries à leur site.

Voilà plus d’un an aussi que les projecteurs se braquent sur le personnel médical et les médecins. En ressort une nouvelle pratique – déjà présente mais exacerbée à l’ère Sars-Cov-2 : la téléconsultation ! Les limitations de déplacements ont, pour les Français·es, dopé leur recours à consulter à distance. « Au premier semestre 2020, le nombre de téléconsultations facturées à l’Assurance maladie a explosé en France : il est passé de 40 000 actes par mois à 4,5 millions en avril pour se situer à près d’un million d’actes pendant l’été. Au moment du confinement [le premier, ndlr], la téléconsultation représentait une consultation sur quatre », lisait-on dans un communiqué de l’Assurance maladie. Les médecins modifient leur approche quant à leur relation avec les patient·es. Puisque la distance implique encore plus de communication et d’échanges – vraiment réciproques – entre les professionnel·les de la santé et les patient·es.

Des transformations parties pour durer ?

Pas une relation de substitution, mais de complémentarité. Les métiers chamboulés par la pandémie ne vont en réalité pas faire peau neuve, ils seront simplement plus complets. Pour l’événementiel par exemple, les expériences en ligne n’aboliront pas les événements physiques. Ce que nous vivons depuis plus d’un an rappelle tout de même notre besoin de conserver des liens sociaux, humains. Les organisateur·rices d’événements seront ballotté·es entre des rendez-vous virtuels et d’autres, physiques. Autre défi pour le métier face à la nécessité d’accompagner au mieux son évolution : réfléchir à un modèle économique viable ! Car oui, pour pas mal de gens, « tout ce qui est numérique implique forcément une gratuité ». Or c’est faux, relève Frédéric Pitrou, délégué général de l’Union française des métiers de l’événement (Unimev).

En médecine aussi, la téléconsultation pourrait dans certains cas se révéler insuffisante. Une première approche à distance laisserait part à une auscultation physique dans un deuxième temps. La téléconsultation fonctionne parfaitement pour tout ce qui touche aux conseils nutritionnels, par exemple. Enfin, cette pratique a le mérite de soulager l’épineuse question des déserts médicaux et propose une alternative aux zones rurales, orphelines de personnel de santé. Du côté de la culture, la généralisation du virtuel demeure parfois contraire au principe même de l’offre proposée. Au musée Grévin détenteur d’un trésor de statues de cire, les œuvres seraient « détériorées à distance », nous confiait Yves Delhommeau, directeur général du musée situé boulevard Montmartre : les détails fins des expressions des vedettes en cire ne passeraient pas en vidéo.

Parfois, difficile de revenir sur ses habitudes. Les commerçant·es, habitué·es à voir défiler les client·es dans leurs boutiques ont dû se contenter de click and collect. Mieux, ils·elles ont compris que leurs pratiques devaient impérativement s’adapter à un monde de plus en plus numérique. À la fin de l’année dernière, 34 % des TPE-PME tricolores ne disposaient pas d’un site Web. Bien trop. Alors l’État pousse certains métiers à se renouveler : la mise en place de la plate-forme Clique Mon Commerce, guide de survie numérique, y participe. Tout comme le lancement du chèque numérique de 500 euros de la part du gouvernement. Un soutien bienvenu mais très modeste, puisqu’il faut plutôt compter au bas mot plusieurs milliers d’euros – 10 000 euros pour un site opérationnel – pour espérer acquérir un peu de trafic sur la Toile. Bref, les commerçant·es et artisan·es, eux·elles aussi, ne vendront plus exactement comme avant. Et ont compris l’intérêt de sortir de leur zone géographique. De leur confort peut-être.

Manager, un métier bouleversé…

« Le nouveau ciment de l’entreprise. » Voilà comment Charlie Clarck, cofondateur du cabinet Whistcom, définit le rôle crucial à venir des managers. On l’a assez répété, le télétravail va prospérer postcovid. Pas à 100 % ni pas du tout – mis à part les métiers qui ne peuvent s’opérer à distance – mais sous un mode hybride. Les managers devront s’accoutumer à une gestion d’équipes dispersées. Et surtout, pour maintenir une cohésion d’équipe et un sentiment d’appartenance, les managers devront absolument privilégier le « test and learn » – se lancer sans se sentir encore prêt – au détriment du « command and control ». Bref, en finir avec le « top down », pour boucler la série des anglicismes ! Car à des centaines ou milliers de kilomètres, les collaborateur·rices n’hésiteront pas à jeter l’éponge. Le métier de manager évolue, il se devra de faire une place – encore plus prépondérante – à l’empathie, et user de social et relationnel dans sa façon d’encadrer une équipe. La pandémie a bousculé les codes. À côté du slashing, l’art de cumuler plusieurs activités professionnelles, c’est bien la sensation d’exercer plusieurs métiers en un qui témoigne de l’évolution de certaines professions.

Geoffrey Wetzel

Au Sommaire du dossier 

1. Restauration, discothèques, événementiel, spectacle vivant, les plus touchés relèvent la tête

2. Ces métiers qui se préparent à changer

3. Un entretien avec Jean Viard

4. Les régions attendent l’été de prés fermes

5. Le monde d’après-covid se recolore !

 

 

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