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Par Håkan Strömbeck, directeur senior, Industry & Solution Strategy, Infor.
TRIBUNE. À l’instar des autres secteurs d’activité, les distributeurs n’échappent pas à l’évolution du monde. L’instabilité géopolitique, l’incertitude commerciale, l’augmentation des coûts et les nouvelles contraintes réglementaires en matière de développement durable sont autant de facteurs qui viennent bouleverser le statu quo. Ces défis sont particulièrement sensibles pour un secteur traditionnellement prudent et peu enclin à adopter rapidement les nouvelles technologies. Pourtant, seuls ceux qui embrasseront l’innovation peuvent espérer s’adapter avec succès aux attentes croissantes des clients et à l’évolution des demandes des marchés.
Les leviers du changement
L’adoption de la transformation numérique s’impose pour de multiples raisons, notamment la conformité aux nouvelles réglementations. Les distributeurs doivent anticiper l’impact des nouvelles directives européennes sur les émissions carbonées pour leurs clients, ainsi que les conséquences indirectes du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et du système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE).
Bien que les fabricants soient les premiers concernés par l’entrée en vigueur des passeports numériques des produits (DPP), les distributeurs pourraient devenir les principaux fournisseurs d’informations produits, offrant ainsi une opportunité de différenciation pour les plus audacieux grâce à des services à valeur ajoutée.
Dans le même ordre d’idées, les questions de développement durable et les quotas d’émission généreront une nouvelle demande croissante pour une empreinte carbone réduite. Les distributeurs devront optimiser leurs processus non seulement en termes de coûts, mais aussi d’efficacité énergétique. Ici encore, ceux qui anticiperont ces évolutions pourront créer de nouvelles sources de revenus. De plus, de nouvelles obligations d’information coûteuses se profilent, parallèlement à la mise en place de la directive européenne CSRD sur le reporting relatif au développement durable (ESG). Face à ces changements, les outils numériques deviendront indispensables aux distributeurs pour le suivi, la gestion, le reporting alors qu’ils s’efforcent de naviguer dans un paysage commercial en constante et rapide mutation.
Des demandes des marchés en mutation
L’évolution des attentes du marché pousse également les distributeurs au changement. Leurs clients b to b, plus sensibles au développement durable, exigent un service global de qualité supérieure, une « consumérisation » du b to b avec des livraisons plus rapides, plus fréquentes, moins volumineuses et adaptées à des secteurs complexes comme celui du bâtiment, avec une préférence pour les marketplaces en ligne. Pour éviter de devenir de simples fournisseurs à faible marge et de perdre le contrôle de la relation client, les distributeurs qui fonctionnent encore « à l’ancienne » doivent réagir.
La réponse passe par une stratégie omnicanale, une présence sur les marketplaces clés et le développement de services à valeur ajoutée dans des domaines tels que la location, le kitting et la livraison.
La seule manière de concrétiser ces ambitions consiste à investir dans des outils numériques intelligents et automatisés, afin de gérer la complexité et offrir de nouveaux services. Selon McKinsey, l’IA pourrait aider les distributeurs à réduire leurs stocks de 20 à 30 %, leurs coûts logistiques de 5 à 20 %, et leurs dépenses d’approvisionnement de 5 à 15 %. Des études indépendantes révèlent également que 80 % des distributeurs interrogés dans le monde reconnaissent que leur réussite dépendra de l’adoption et de l’utilisation des nouvelles technologies.
Vers l’automatisation intelligente
En ce qui concerne l’adoption des nouvelles technologies pour l’intelligence prédictive, l’écart entre les distributeurs les plus productifs et les moins productifs est de 39 %, contre 21 % observé sur un panel de sept secteurs d’activité. Cela suggère une grande variabilité dans la maturité de l’adoption du numérique dans le secteur de la distribution.
Les distributeurs leaders utilisent les logiciels d’entreprise pour extraire les informations, assurer le suivi et la supervision des produits, et prendre des décisions basées sur les données, notamment en matière de retours, d’émissions et de logistique. Ils privilégient des systèmes basés dans le cloud et s’appuient sur une automatisation poussée des processus pour maintenir leur efficacité à mesure que les marges se réduisent et que la cadence et la fréquence des livraisons augmentent. Ces acteurs seront le mieux positionnés pour assurer la pérennité de leurs activités, grâce à une agilité qui leur permet d’embrasser et de capitaliser sur le changement.
Pérenniser les activités
D’autres distributeurs devraient leur emboîter le pas. Il ne s’agit aucunement de renier la prudence qui a longtemps caractérisé le secteur de la distribution, car un tel changement radical serait contreproductif. L’approche recommandée est plutôt d’intégrer l’innovation de manière mesurée et progressive, afin de s’adapter à l’évolution des marchés, de se conformer aux nouvelles réglementations et ce dans un contexte macroéconomique incertain.
Ce changement culturel demandera du temps. Pour ceux qui hésitent encore à explorer ces nouvelles perspectives, la clé du changement passera par une nouvelle perception de l’innovation : non plus comme un poste de coûts, mais comme un levier d’agilité et de croissance. Le moment est propice pour s’engager résolument dans cette direction.































