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A coups de milliards, les lobbies industriels ont élaboré une stratégie destinée à éviter toute réglementation publique ou environnementale qui pourrait nuire à leur intérêt : celle du doute instillé, aussi discrète qu’efficace. Naomi Oreskes est professeure d’histoire des sciences de la terre à l’université de Californie, San Diego, et Erik M. Conway est historien des sciences au Jet Propulsion Observatory (Nasa) et étudie les interactions entre les politiques nationales, la recherche scientifique et les mutations technologiques. Les deux auteurs, remarquablement documentés, ont écrit un livre qui décrypte à la perfection la stratégie qui a été mise en place, en Amérique du Nord, pour semer le doute, dans le grand public et parmi les élus, dès lors qu’une réglementation environnementale était envisagée. Étonnamment, on retrouve les mêmes acteurs, les mêmes méthodes et les mêmes résultats pour un ensemble de problèmes environnementaux : impact du tabagisme sur la santé, conséquences environnementales du DDT, scénarios d’hiver nucléaire, pluies acides, destruction de l’ozone stratosphérique, et à présent changement climatique. Des lobbies industriels, allant de l’industrie du tabac aux compagnies pétrolières, ont ainsi financé des « think tanks » libéraux, et mis en œuvre une tactique maintenant bien établie pour discréditer les scientifiques, semer la confusion, promouvoir le doute. Un petit groupe d « experts indépendants », des scientifiques influents, façonnés par la Guerre froide, ont animé de multiples conférences pour semer le doute sur les faits scientifiques, à destination des politiques et des médias. Écrit comme une enquête, « Merchants of doubt » témoigne de l’importance des faits scientifiques dans le débat public, et conduit à une réflexion profonde sur la vulnérabilité de notre société face aux « marchands de doute ».
« Les marchands de doute », de Naomi Oreskes et Erik M. Conway, éd. Le Pommier, 2012.