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Question : « Brigitte, quel a été le plus beau jour de votre vie ? » Réponse : « Une nuit ! »
La plus célèbre des Françaises, la plus adorable des actrices et la meilleure amie des animaux se trouve magnifiée dans la réédition du superbe ouvrage de son ami le journaliste Henry-Jean Servat. Bardot la légende, aux éditions Hors-Collection, se présente comme un abécédaire amoureux.
Peu de vies sont délimitées par une ligne médiane aussi marquée. Elle, ce fut le 19 mars 1977. Déjà engagée depuis quatre ans pour la cause animale, Brigitte Bardot prépare une opération choc, dans le grand Nord canadien. La star donne tout pour protéger les bébés phoques, menacés par une chasse ignoble. Elle s’interpose presque physiquement face aux trappeurs qui la poursuivent. Elle ne cède rien, profite d’une tempête de neige pour se cacher et tenir une conférence de presse tonitruante, dans un petit chalet.
Sa vie au service d’une cause
Plus tard, un photographe immortalise un cliché vite devenu culte où l’icône des sixties serre un bébé phoque contre ses bras. L’émoi est mondial. « Je ne suis pas devenue folle », confie-t-elle aux journalistes qui la prennent parfois pour une timbrée. En vérité, elle est enfin elle-même. Depuis ce jour, « BB » n’a plus jamais tourné au cinéma, troquant l’omniprésence pour le silence. Elle le dira plus tard : « J’ai consacré la première partie de ma vie aux hommes, la seconde aux animaux. » Chacun sa part. Chacun son tour.
Brigitte Bardot, c’est déjà ce mystère. Celui d’une femme mondialement célèbre qui soudain se tait, disparaît, retirée du monde derrière les murs de sa Madrague. Après avoir goûté à tous les fruits du succès, elle s’offre aujourd’hui le luxe de les mépriser d’un même mouvement. Sublime volupté. Parfois, son nom ressurgit dans l’actualité, à l’occasion des courriers enlevés qu’elle adresse aux mauvais ministres. Brigitte Bardot est ainsi faite. Entière, indomptable, révoltée face aux trahisons. Française. Récemment encore, elle écrivait à la Première ministre du Danemark pour exiger la libération du militant écologiste Paul Watson.
Un livre comme une déclaration d’amour
Henry-Jean Servat, longtemps visage de « Télématin » et fameux chroniqueur mondain, dispose d’un carnet d’adresses à nul autre pareil. De toutes les actrices qu’il chérit, de tous les acteurs qu’il aime, personne ne peut vraiment rivaliser avec elle. « Je l’aime passionnément, irrésistiblement, irrémédiablement, irraisonnablement, et depuis longtemps et pour toujours », écrit-il en incipit de son (très) beau livre, Bardot la Légende. Servat, voué à un tempérament d’adoration pour les grandes dames des écrans noirs, livre à Brigitte Bardot une formidable déclaration d’amour en 182 pages grand-format.
Photos rares, parfois inédites, légendes passionnées et enlevées, anecdotes surprenantes. Conçu sous la forme d’un abécédaire, chaque entrée du livre se déguste comme un sorbet de Sicile. « L » comme « lunettes noires » ; « P » comme « parti politique » ; « T » comme « télévision » ; « W » comme « waterproof. »
Un kaléidoscope bardolien
Entrons dans le détail avec par exemple la lettre « P », comme « pantalon. » Brigitte Bardot fut la première grande actrice à oser en porter à l’écran. « L », comme « légion d’honneur », obtenue en 1985 des mains du président Mitterrand. « Je pense qu’elle n’a pas la même valeur qu’à l’époque où mon père l’avait reçue au péril de sa vie, pour un fait d’armes », se souvient l’actrice. On pourrait aussi citer le « G » comme « Grévin » : Brigitte y possède sa statue (seins nus, bras croisés) depuis 1957. Notons – un peu avant – le « G » de « Giscard d’Estaing. » Un président qu’elle aimait. Henry-Jean Servat l’avait rencontré pour recueillir ses impressions sur « l’adorable » Brigitte. L’interview est charmante et pleine de tendresse.
Décidément irrésistible, Bardot fut également louée par deux grands auteurs français du siècle dernier : Marguerite Yourcenar et Marguerite Duras. Cette dernière, peu connue pour ses effusions de gentillesse, l’affubla du qualificatif de « reine. »
Henry-Jean Servat, biographe et ami de cette star volontiers secrète
Au-delà d’être seulement le biographe, le gardien du temple bardolien, Henry-Jean Servat est surtout l’ami personnel de la star. Il a eu l’immense chance de loger à la Madrague – et pas seulement, comme Alain Delon, au fond d’une remise dans le jardin ! Le facétieux écrivain est d’ailleurs devenu, sur l’exemple de son amie, un farouche défenseur des animaux. Servat reproduit dans l’ouvrage un tendre mot adressé par elle, aux termes d’un dîner/rencontre avec Isabelle Adjani. Il avait joué les entremetteurs d’étoiles : « En souvenir d’une rencontre au sommet de l’amitié pour toi. »
Dernier charme : le trop joli dessin de Sempé, reproduit dans les premières pages du livre. On y voit un grand cinéma parisien des sixties, avec le nom de Brigitte Bardot en grosses lettres rouges sur la façade. Une impressionnante file d’attente se dévoile. Chaque spectateur y va de son commentaire : « Vous la trouvez jolie vous ? Moi non plus » ; « J’allume la télé et qui je vois ? Brigitte Bardot ! J’ai refermé aussitôt ! Clac ! » ; D’ailleurs, elle joue mal » ; « Tout cela, c’est combine et compagnie. » Bardot, souvent critiquée, jamais égalée… Une vraie légende. Peut-être la dernière de toutes. Henry-Jean Servat la dévoile en vérité(s). Et surtout par cœur.