IAE : portrait robot d’un réseau en mal de reconnaissance interne

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Au pays des classes prépa et de HEC, les Instituts d’administration des entreprises (IAE) constituent une alternative à moindres frais, et sur les mêmes thématiques.

Inégal. C’est l’adjectif à retenir. L’hétérogénéité est de mise au sein de ces écoles de management universitaires qui ont formé – en six décennies – pas moins de 500 000 jeunes et moins jeunes. Le nom, d’abord. À grands frais, l’IAE de Toulouse a changé de nom (Toulouse School of Management), l’IAE de Strasbourg a opté pour École de management. La signature de l’établissement parisien ? Sorbonne Business School. À Aix, on parle d’Aix-Marseille Graduate School of Management ou de University Business School. Et en matière de stratégie de développement, ils n’avancent pas non plus comme un seul homme, en s’adaptant au contexte local. Un exemple, avec l’IAE de Caen. Le segment choisi il y a plus de 15 ans maintenant est l’e-learning – une décision très liée au bassin d’emploi. Vu le positionnement géographique, développer l’ingénierie a permis à cet établissement de ne pas se concentrer sur les seuls Normands, d’élargir son assiette et de toucher des Franciliens, d’autres candidats du Nord ou même de l’étranger. Résultat : pas moins de 1 000 stagiaires par an et 500 à distance.
Sa notoriété, l’IAE de Paris la tire du développement de la formation continue. Il en a fait sa spécialité. Aujourd’hui, 80 % de ses étudiants le sont à ce titre, 20 % sont en apprentissage et epsilon en formation initiale. Autonomes au cœur de l’université, en vertu de l’article 713-9, les IAE le sont aussi au sein de leur propre réseau.

Tout d’une grande ?

Comptabilité audit, ressources humaines, logistique, stratégie, finance, achat, vente, marketing, communication, international… pas moins de 30 filières sont proposées, ici dès la L1 – pour 13 d’entre eux –, ailleurs dès la L2 –ils sont 12 à le faire. L’entrée en L3 est plus établie, avec 25 IAE concernés. Au global, le catalogue est riche de 37 formations en e-learning, de 111 doubles-diplômes… 50 000 étudiants sont actuellement inscrits, 9 500 au titre de la formation continue. À l’instar des business schools, nombre d’IAE voient en la formation tout au long de la vie un levier de développement.
Véritable vaisseau amiral, le master d’administration des entreprises (MAE) est le programme inscrit au catalogue de tous les établissements. Une vitrine ! Créés par Gaston Berger, il y a 60 ans, les IAE ont commencé avec le MAE, autrefois baptisé DESS CAAE. L’idée d’origine est de former des non-initiés à la gestion des entreprises : pharmaciens, ingénieurs, scientifiques, juristes… Idée largement reprise maintenant par tous les établissements d’enseignement supérieur qui multiplient les ponts entre les filières.

Professionnalisation

« Les IAE sont les plus avancés dans l’université sur le plan de la professionnalisation. » C’est Éric Lamarque qui parle. Il est à la tête de l’IAE de Paris et président du réseau IAE France. Objectif lancé il y a plus de 20 ans maintenant, la professionnalisation touche tous les pans des IAE, avec le développement des stages obligatoires, de la formation continue et de l’alternance. À l’IAE de Lyon, sur les 7 800 étudiants, pas moins de 1 000 le sont en alternance. « Ce qui en fait l’un des plus gros pôles universitaires de France », se réjouit Christian Varinard, directeur général. Au total, 8 000 apprentis suivent une formation en IAE. Pas si éloigné, l’IAE d’Aix affiche des signaux très favorables pour l’apprentissage : 256 contrats signés en 2017, soit 50 % des étudiants éligibles au stade master.
Et demain ? « On pourrait mettre un coup d’accélérateur supplémentaire, souligne
Éric Lamarque, mais les IAE fonctionnent à effectifs – profs et administratifs – constants. Le ministère n’affecte plus de poste en IAE au niveau master. Or, l’apprentissage a besoin de plus d’enseignants. L’effort se concentre sur la licence, en aucun cas sur les masters. »
La professionnalisation, une stratégie payante pour les écoles universitaires de management. Les recruteurs ouvrent bien plus facilement leurs portes aux diplômés d’IAE. Les différences avec les business schools s’amenuisent. Pour preuve, les derniers chiffres d’insertion fournis par le réseau IAE France : près de deux diplômés sur trois ont trouvé un emploi dans les deux mois après leur diplôme. Et les statistiques sont également positives à l’IAE d’Aix : 100 % des diplômés sont recrutés dans les 6 mois du diplôme (96 % en 3 mois). La fourchette moyenne des salaires s’établit à 42 Keuros. 65% des alumni sont en CDI, seulement 10 % en CDD, 8 % ont le statut d’auto-entrepreneurs.

International

L’emploi du temps d’Hervé Penan est chargé, en ce début février. La Toulouse School of Management – le nom français d’IAE a été abandonné en 2017 – est sur le pied de guerre. L’European Foundation for Management Development (EFMD) est attendu pour son audit. Objectif : obtenir la ré-accréditation pour le master management international. « C’est chronophage, reconnaît le patron de la TSM, entre un ou deux mois de travail de préparation. » La stratégie de l’institution, le contenu de la formation, la composition de l’équipe pédagogique, l’immobilier, l’insertion des jeunes diplômés, la progression des alumni… tout est passé au crible. « L’accréditation n’est pas un but en soi, précise-t-il, mais s’inscrit dans le cadre de la stratégie de notre établissement qui est d’accueillir plus d’étudiants internationaux, de passer de 15 % à 25 %. »
EFMD, European Quality Improvement System (EQUIS), EPAS (European Program Accreditation System), AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business), voire l’AMBA (Association of Master of Business Administration)… autant de sigles qui font la différence aujourd’hui sur le marché global de la formation. Ils répondent aux standards de qualité partagés partout dans le monde. Tous les IAE ne concourent pas dans cette catégorie ou dans des proportions variées. L’un des plus en pointes reste l’IAE d’Aix-en-Provence, unique business school universitaire française doublement accréditée EQUIS et AMBA. Une grande fierté pour Virginie Barnier, sa directrice.
L’IAE de Lyon n’est pas en reste. Pour preuve, en janvier 2019, la 13e édition de son International Week a accueilli 47 enseignants et praticiens venus de 25 pays.
75 séminaires sont proposés à 2 000 étudiants de master et auditeurs de formation continue.

Promotion sociale garantie

L’attractivité ne cesse de progresser. Lors de la première session de Parcoursup, l’IAE de Tours a reçu pas moins de 1 800 candidatures pour …. 200 places en L1. À juste titre : le rapport qualité/prix des formations en IAE défie toute concurrence. Les frais d’inscription à un master d’une business school oscille entre 10 000 et 12 000 euros par an, contre 350 euros – environ – dans nos établissements. La différence ? La subvention de l’État. « Pour prendre une image qui fait sens, on retrouve la même distinction qu’entre une clinique et un hôpital public, note Nadine Tournois, à la tête de l’IAE de Nice, sauf qu’il n’y a pas ici de Carte vitale, mais une carte étudiant ! » Résultat : le brassage social est une caractéristique de ces business schools publiques. « Nos établissements remplissent réellement un rôle d’élévateur social, explique Virginie Barnier, directrice de l’IAE d’Aix. Quand la Conférence des grandes écoles affiche un taux de boursiers de 18 %, nous sommes à 45 % ! Nos étudiants ne sont pas issus du même milieu. Il n’y a qu’à regarder les voitures sur les parkings pour mieux s’en convaincre… »

Un réseau menacé ?

Le paysage universitaire n’échappe pas aux restructurations pour atteindre la taille critique utile dans un marché global. Éric Lamarque a peur de voir certains IAE dans le collimateur des grands ordonnateurs universitaires, de les voir dilués. « Trois ou quatre IAE sont dans le radar, Tours, La Rochelle ou bien encore Valenciennes. Faut-il laisser le champ libre aux seules business schools ? » Le réseau IAE France entend mener une campagne d’information interne (au monde universitaire) pour convaincre leurs pairs de l’intérêt des Instituts.

Murielle Wolski

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