Du bon recours de la VAE

L'effet diplôme pour de nombreux métiers se compenserait par 5 ans d'expériences...
L'effet diplôme pour de nombreux métiers se compenserait par 5 ans d'expériences...

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Un dispositif qui gagne à être connu

Même après 16 ans d’existence, la validation des acquis de l’expérience (VAE) reste un dispositif méconnu. Dommage : il «dope» souvent les trajectoires professionnelles.

Koffi Hounnou est sur le point de boucler ses bagages, direction Montréal. Avec à la clé, pour cet expert es agilité en entreprise, une culbute salariale de… plus de 100 % qu’il doit à la validation des acquis de l’expérience (VAE). C’est lui qui le dit. Récit. En 2016, scrum master dans une banque en ligne, Koffi Hounnou ne se sent pas à l’aise. « Les nouveaux embauchés étaient plus diplômés que moi, explique-t-il. L’écart entre le libellé de ma fonction et mon diplôme d’origine me gênait. Une question de légitimité. » Huit mois plus tard : une VAE menée tambour battant, un titre d’ingénierie de l’informatique et des systèmes d’information de l’Ecole supérieure de génie informatique (ESGI) de niveau I, contre une licence avant, un poste transitoire avec un bonus salarial de 12 % et, maintenant, une expatriation qui se profile, un salaire doublé pour… le même poste. « Une vraie révolution. J’ai gagné en confiance. Je sais mieux me vendre. »

Environ 60 000 candidats entament chaque année la démarche. 1 300 certificats ou diplômes sont accessibles, du CAP au bac+5. Mais, le taux de déperdition est élevé. Seuls 24 600 ont obtenu une validation totale. « Le législateur a présenté ce système comme révolutionnaire, commente Caroline Diard, chargée de mission VAE à l’EM Normandie. Il allait permettre à tous d’avoir un diplôme, avec aujourd’hui seulement un an d’expérience. Quand on creuse, ça n’est pas le cas. Pour ceux qui vont au bout, c’est un régal ! »

Le parcours du combattant ?

Dans le médico-social, François Hermier s’est lui aussi lancé. Objectif : un diplôme de niveau I, contre une licence précédemment, pour décrocher sa titularisation à la tête d’une structure. Sa première tentative – menée en solo, sans accompagnement – en 2017 ? Un échec : un seul bloc de compétences validé. « On pense savoir ce que l’on attend de nous (lecture internet, témoignages…). Cela n’a pas l’air si compliqué. Première erreur. Ensuite, il suffirait de remplir ce fameux livret 2 en peu de temps. Deuxième erreur. On se perd rapidement. » Il récidive en 2018 : quatre blocs décrochés.

Le processus du livret 2 vise à décortiquer le quotidien professionnel. La formation sur le tas colle t-elle aux exigences des blocs de compétences d’un diplôme ? Une vraie introspection. Savoir-faire, savoir-être, tout est passé en revue. « On descend dans le détail, dixit Claudine Hennard, en charge de ces questions pour Burgundy school. Tâche après tâche. Qu’est-ce que manager une équipe, par exemple ? » Facilement, 100 pages au final.

En collectif aussi

Air France, Carrefour… sont des adeptes de la VAE collective, Auchan aussi pour voir délivré aux hôtesses de caisse un bac accueil-relations clients et usagers – 260 VAE sont en cours actuellement. Un élément de la marque employeur.

Autre secteur gros consommateur de la formule ? Les Entreprises de services du numérique (ESN). « Nombre de recrutements ont ciblé des profils bac+2, détaille Christophe Felidj, directeur pédagogique du réseau des Grandes écoles spécialisées. Or, avec un bac+5, c’est 20 % de facturation en plus. Le retour sur investissement est facile à calculer. »

Un business juteux ?

Petit à petit, les organismes de formation s’attèlent à ce dossier. Sans entrain. C’est le cas dans l’enseignement supérieur. Exemple : sur 37 645 ingénieurs diplômés en 2016, seuls 0,4 % le sont via la VAE. « Ce n’était pas dans leur culture, insiste Xavier Bouvier, directeur de l’Efreitech. Valider des compétences acquises sur le terrain dans un milieu de chercheurs n’est pas facile. »

Toutefois, la réforme de la formation professionnelle de 2014, qui prône le découpage des diplômes en blocs de compétences, tend à faciliter la démarche. Tant pour le candidat que pour le certificateur. Jean-Marie Peretti, professeur à l’ESSEC, parle d’ailleurs « des habits neufs » de la VAE. Toutefois, la frilosité est toujours de mise.

« Cette pratique d’utilité publique correspond avant tout au développement de l’empreinte sociale d’un établissement, souligne Marie-Anne Grodein-Pisano, directrice de la formation professionnelle à Montpellier business school. Elle n’est pas la plus lucrative. » De 2 700 € à 6 000 € – 900 € à Paris 10 Nanterre —, selon les écoles, les tarifs restent très éloignés de ceux d’une année de formation classique. Ils couvrent les frais administratifs, le jury et l’accompagnement, vivement recommandé, de 24 heures. Preuve qu’une marge est malgré tout dégagée et qu’un regain d’intérêt semble poindre, de nouveaux acteurs se positionnent sur le marché, comme le CNFDI (Centre national privé de formation à distance).

Murielle Wolski

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