Stéréotypes de genre et valeurs professionnelles : les étudiants ont-ils les mêmes ambitions ?

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Le dernier baromètre AFMD X CGE sur les stéréotypes de genre et l’ambition chez les étudiants des grandes écoles a été publié en décembre 2023. Quels enseignements en tirer ?

Tanguy Bizien

Nous avons interrogé Tanguy Bizien, responsable des études à l’AFMD, et Pascale Borel, enseignante-chercheuse à l’ESC Clermont et adhérente de la CGE.  

Aujourd’hui, en France, les stéréotypes de genre sont-ils toujours présents au sein des grandes écoles ?

Les stéréotypes de genre persistent et sont majoritairement partagés malgré une forte aspiration à l’égalité.

Un peu plus de 80 % des étudiant·e·s interrogé·e·s considèrent que « les hommes et les femmes possèdent des compétences et des qualités professionnelles identiques ». Cela signifie qu’elles et ils ont une vision égalitaire des compétences possédées par les femmes et par les hommes.

Mais lorsque l’on regarde plus en détail les réponses de celles et ceux qui se considèrent « égalitaires » : 39,5 % affirment que cela est vrai pour chacune des 23 compétences citées et 60,1% des étudiant·e·s considèrent comme « plutôt féminine » ou « plutôt masculine » au moins une des compétences.

Seule une minorité d’étudiant·e·s (39,5 %) parvient donc à s’extraire des stéréotypes et parmi les stéréotypes les plus persistants, on trouve : la confiance en soi, la gestion du stress, l’autorité et le leadership pour les hommes ; l’empathie, l’écoute, la sensibilité et la communication pour les femmes.

Comment ces stéréotypes influencent-ils l’ambition des étudiantes et étudiants ? Quel impact sur leur vie professionnelle à l’avenir ?

Parmi les 76,4 % d’étudiant·e·s qui se déclarent ambitieux·s·es, 56,2 % sont des femmes et 43,8 % sont des hommes.

Les jeunes femmes sont ainsi significativement plus nombreuses à affirmer leur ambition. Ce résultat contredit l’idée reçue selon laquelle l’ambition serait masculine. La question qui se pose est la suivante : comment les employeurs peuvent-ils répondre à ces aspirations sachant que les femmes sont exposées à des stéréotypes qui vont freiner voire empêcher leurs ambitions de se réaliser ?

Pascale Borel

Si le sens d’ambition est complexe à interpréter, du fait de la notion qui est extrêmement polysémique et des usages qui lui sont liés, on perçoit des différences entre les hommes et les femmes. Lorsqu’on s’intéresse aux attentes professionnelles des étudiant·e·s : le premier item qui ressort chez les femmes est « aider les autres ou la planète » (48,8 %) et le premier item qui ressort chez les hommes est « avoir une rémunération satisfaisante » (42,9 %).

Ces résultats tendent à montrer que les marqueurs de l’ambition ne sont pas les mêmes chez les jeunes femmes et les jeunes hommes, marqueurs qui vont sans doute entrer en ligne de compte dans le choix d’un type d’organisation, d’un type de métier, etc.

Y-a-t-il des différences de représentation entre les écoles de management et d’ingénieurs (les deux types d’établissements étudiés) ?

Les étudiant·e·s en école de management sont pratiquement 90 % à vouloir devenir managers – le souhait de vouloir devenir manager étant pour nous un marqueur de l’ambition – là où on tourne aux alentours de 60 % chez les ingénieurs.

Cela semble logique, mais deux éléments nous intéressent ici :

  1. Pas de disparité de genre, on a des ensembles très homogènes en fonction des formations suivies;
  2. Les ingénieurs ne désirent pas forcément devenir managers or on sait que nombre d’entre elles et eux vont quand même le devenir, ça pose la question de cours ou de formation dédiés au management dans ces parcours qui sont déjà très chargés.

Dernier élément : il semble y avoir des ambitions plus collectives, notamment chez les femmes ingénieurs où l’item « aider les autres ou la planète » se détache nettement, et des ambitions plus « classiques » chez les managers hommes et femmes confondues, concernant la rémunération notamment.

Quelles solutions envisager pour rompre avec ces stéréotypes et ainsi permettre à toutes et tous d’envisager une carrière véritablement choisie ?

  • Dispenser des formations en matière de lutte contre la discrimination et de déconstruction des stéréotypes de genre auprès des étudiant·e·s, mais également auprès des enseignant·e·s et des personnels participant à l’encadrement et à l’orientation professionnelle des étudiant·e·s.
  • Accorder une attention spécifique aux contenus et aux supports de communication internes et externes : les personnages représentés, l’utilisation de l’écriture inclusive ou les modes de diffusion peuvent avoir une influence sur les stéréotypes de genre.
  • Inclure la lutte contre la discrimination et les stéréotypes de genre dans toutes les activités proposées aux étudiant·e·s au cours de leur formation : préférer des études de cas qui ne reproduisent pas une vision genrée du monde professionnel, choisir des intervenant·e·s professionnel·le·s susceptibles de remettre en question les idées reçues des étudiant·e·s relatives au « sexe » des métiers.
  • Avoir une approche intégrée du genre dans les programmes pédagogiques (Gender Mainstreaming).

Ps : l’écriture inclusive n’est pas de notre fait

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