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Pour son dernier rendez-vous, le Cercle ÉcoRéseau s’est emparé de la grande cause nationale 2025 : la santé mentale. En mettant l’accent sur celle des dirigeants, un sujet encore peu débattu. Comme pour les éditions précédentes, c’est au pavillon Ledoyen du chef Yannick Alléno que la conférence a eu lieu, suivie d’un cocktail déjeunatoire et d’une dédicace de l’ouvrage d’Isalou Regen, Tenir debout même quand tout vacille (éditions Leduc). L’événement, en partenariat avec Agipi, a réuni trois invités d’honneur : Julia Néel Biz, Tiffany Mazars et François Pervis.
Parce que l’optimisme n’est pas un déni de réalité, l’ancien ministre, créateur du statut d’autoentrepreneur et ambassadeur du Cercle ÉcoRéseau, Hervé Novelli a souligné en ouverture que, comme une grande partie des Français, les responsables politiques traversent une période difficile. « Il y a une angoisse sourde quant à l’avenir de notre pays. La réussite d’un pays dépend largement de celle de ses entrepreneurs. » En réponse, l’ancien ministre a créé le Cercle des entrepreneurs de la cité, un appel à la mobilisation des entrepreneurs face aux échéances politiques qui arrivent.
Comme l’a rappelé Florent Odetto, agent général d’assurance chez Axa et membre du Cercle, 82 % des chefs d’entreprise font face à des difficultés mentales et physiques, allant du stress jusqu’au burn out, en passant par une extrême fatigue. Pourquoi les dirigeants sont-ils les parents pauvres de la santé mentale et comment les accompagner ? Autant de questions auxquelles les intervenants ont su répondre avec clarté et précision.
Repérer les signes
Comme chez toute personne, il y a des signes avant-coureurs de la dégradation de la santé mentale. « Mais ils sont plus difficiles à repérer chez les dirigeants », prévient Julia Néel Biz, cofondatrice de teale. D’abord, parce que les chefs d’entreprise sont plus résilients par rapport à la moyenne et ignorent leur mal-être. « On fonce droit dans un mur, je ne l’ai pas senti venir. Je me suis lancée dans plusieurs projets alors que le médecin m’avait dit de ralentir », témoigne Tiffany Mazars, cofondatrice d’Ensemble & Co, qui a connu un burn out en 2021.
Le dirigeant doit être attentif au moindre signe, émotionnel comme physique, car c’est toute une équipe qui compte sur lui et peut en pâtir s’il est trop tard pour rectifier le tir. Des oublis à répétition, des pertes de mémoire, des maux de ventre ou de dos… sont autant de signes d’alerte. « Il faut avant tout repérer les variations d’humeur ou de comportements. Si un chef d’entreprise a des accès de colère inhabituels, une tristesse qui s’installe… », indique Julia Néel Biz.

François Pervis, entrepreneur et multiple champion du monde de cyclisme sur piste a connu deux périodes sombres au cours de sa carrière de sportif. La première, lorsqu’il se casse la clavicule un mois avant les Jeux de Pékin de 2008 et la deuxième, en 2012, quand il apprend qu’il assistera à la compétition de Londres depuis le banc des remplaçants. « J’ai fait une grosse dépression. » À l’époque, il vit au Japon et discute avec l’un de ses amis japonais qui a perdu sa maison dans l’accident nucléaire de Fukushima un an auparavant. « Il m’a dit “personne de ma famille n’a été touché. On a tous droit à une seconde chance”. J’ai eu honte de pleurer parce que je n’ai pas participé à une compétition de vélo. C’est ce qui m’a fait relativiser. »
« Sortir de la vision du superhéros »
Diriger une entreprise, c’est aussi avoir des personnes qui comptent sur soi. Alors, que faire lorsque sa santé mentale est affectée ? Faut-il en parler à ses collaborateurs, dans un souci de transparence et d’anticipation, ou bien se taire de peur qu’ils ne prennent la fuite ? Pour Tiffany Mazars, il n’y a pas de réponse tranchée. « J’ai du mal avec l’injonction “il faut que”. Il est essentiel de se sentir à l’aise avec son équipe, parler de santé mentale c’est dévoiler une forme d’intimité. Mais je pense que plus on communique, plus on favorise cette entraide et on trouve des solutions. » Des propos appuyés par la cofondatrice de teale : « Cela pose la question du type de leadership que l’on veut construire. Je pense que nous sommes en train de sortir de la vision du superhéros. Nous entrons dans une culture d’entreprise où l’on brise les tabous. Assumer une forme de vulnérabilité, avec pudeur et respect, permet d’ouvrir la voie à une forme de leadership plus aspirationnel. »
En tant que sportif, difficile d’en parler, les compagnons d’entrainement sont les adversaires de demain lors d’une compétition. « À l’époque, je ne parlais pas de ma dépression », confie François Pervis, avant d’ajouter « il faut savoir bien s’entourer, avec un psychologue, voire un psychiatre et un préparateur mental ».
Les dirigeants ont aussi besoin d’être accompagnés !
Malgré leurs parcours différents, les trois intervenants étaient tous d’accord : l’accompagnement est la clé. Être accompagné par un professionnel, prendre du temps pour soi, faire régulièrement du sport sont autant de solutions qui ont été abordées. « Prendre du recul, se fixer des limites. Il ne faut pas oublier que prioriser sa santé mentale est un cadeau que l’on fait à soi-même et aux autres », a souligné Julia Néel Biz.
Pour Tiffany Mazars, l’environnement personnel joue un rôle majeur, « plus nous serons mieux accompagnés, mieux nous vivrons cette expérience entrepreneur. Dire qu’il y a une vie professionnelle et une vie personnelle c’est utopique. Nous avons une seule vie. » La cofondatrice d’Ensemble & Co a donné un précieux conseil aux dirigeants : « Il faut vivre. On ne vit pas pour travailler mais on travaille pour vivre », a-t-elle insisté. Parce qu’un entrepreneur va forcément traverser des périodes sombres, difficiles, il doit accepter les mains tendues.
À retrouver, les événements en images du Cercle ÉcoRéseau ici



























