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« Cette nouvelle forme de contestation sociale n’est pas très bonne d’un point de vue démocratique »
Pierre Lénel est sociologue, chercheur au Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (LISE, CNRS-CNAM). Il est aussi vice-président du Think Tank Différent, qu’il a fondé en 2012 avec Virginie Martin.
la question fiscale, qui survient généralement à des moments où l’Etat tente de se restructurer, de reconfigurer sa capacité à prélever un impôt. En 1648, la Fronde s’exprimait contre le poids de la fiscalité d’un Etat qui voulait se renforcer dans une période d’absolutisme. Dans les années 1930, une autre beaucoup de réforme fiscale. sembler, sur les réseaux sociaux notamment, pour faire monter le buzz. Après que leur combat a réussi ou non, le groupe se disperse ou disparaît, mais rien n’exclut que quelques mois plus tard ils se rassemblent à nouveau, avec d’autres, autour d’un autre sujet. un projet, un horizon, un cadre, même si on pouvait contester ce cadre. Et ils « tenaient » leurs adhérents. Sous les Bonnets rouges de 2013 se rassemblent des agriculteurs, des ouvriers, des salariés et des patrons, ce qui conduit Jean-Luc Mélenchon à appeler les ouvriers à ne pas manifester avec leurs patrons, car, selon ses mots, ce sont « les esclaves qui manifestent avec leurs maîtres ». Tout cela brouille les pistes classiques du mouvement social et d’une expression démocratique hors les urnes. Pourquoi ces mouvements échappent-ils aux syndicats ? Car ils sont en déshérence, ils ne cessent de s’affaiblir et représentent moins de 8% Que nous révèlent ces frondes de la société française ? Elles sont l’expression d’un malaise qui trouve sa source dans plusieurs motifs d’inquiétude : le taux de chômage, la question de l’agriculture, des modèles de développement, la crise de la représentation politique clasvements antifiscaux ont tellement été relayés par les réseaux sociaux et les médias, notamment les chaînes d’information en continu, que des groupes qui ne comptent qu’un nombre de membres assez restreint trouvent tout de même un écho très important. Il est probable qu’en d’autres temps, la médiatisation n’ayant pas été aussi forte, le Gouvernement n’aurait pas réagi de la même façon, par exemple dans le cas des Pigeons. Quelle suite politique ? Il n’y a pas eu de coagulation générale, et je ne crois pas qu’elle se fera. Nous n’aurons pas un nouveau Mai 68, car il y a beaucoup d’intérêts contradictoires entre ces frondes. Les mouvements ob-
PANORAMA
n°7
Hexagone
Assiste-t-on à l’émergence d’une nouvelle forme de mouvements sociaux ? Les blocages de 1995 ont été une des dernières expressions des mouvements sociaux traditionnels, s’exprimant par des grèves générales
Peut-on y voir le signe de la vigueur de notre démocratie ? C’est une nouvelle forme de contestation sociale, qui n’est pas forcément très bonne d’un point de vue démocratique, car il n’y a pas de cadre global, pas de projet d’action général ou de long terme. D’ailleurs, le choix du mot « fronde » pour désigner ces mouvements n’est pas anodin.
La France a une tradition de contestation sur la question fiscale
des salariés. Ils ne se sont pas totalement transformés et il y a le sentiment que les syndicats ne peuvent pas représenter les intérêts des salariés. De plus, les PME ont pris part à ces frondes, or leurs salariés sont, traditionnellement, très peu syndiqués. D’ailleurs, les grandes centrales, notamment la CFDT, essaient de se rapprocher des petites et moyennes entreprises pour y augmenter le taux de syndicalisation, mais elles éprouvent beaucoup de mal.