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Buzz word encore l’an dernier, l’Holacracy prend petit à petit place dans le paysage entrepreneurial et livre ses premiers retours d’expérience. Exigeante dans ses processus, la discipline vient bousculer les idées reçues et bouger des lignes bien ancrées.
A bien regarder, une entreprise pourrait se comparer à un écran couleur. En effet, l’affichage de ce dernier est la résultante de l’assemblage de trois composantes primaires : le bleu, le rouge et le vert qui, transposées à notre cas de figure, seraient l’institution (la propriété), le collectif (les personnes) et les opérations (le travail à faire). Au final, c’est la synthèse additive de ces trois éléments qui donne vie à l’entreprise. L’Holacracy, elle, se propose de faire la synthèse inverse afin de distinguer chaque composante pour se concentrer sur l’une d’entre elles : la structure opérationnelle. En distribuant l’organisation du travail au plus près du terrain, l’entreprise pourra ainsi s’adapter en permanence à son environnement à partir des signaux captés par ses collaborateurs. Le bénéfice sera de mettre l’organisation en prise directe avec la réalité. Deux avantages : lui éviter, d’une part, de se retrouver dépassée par les événements et, d’autre part, de laisser passer des opportunités ou d’ignorer des alertes critiques quant à la poursuite de son activité. Car aujourd’hui, la société évolue plus vite que les entreprises, désormais dépossédées du secret de la connaissance.
Faire connaître, faire comprendre, faire agir
Nées sous le joug des organigrammes traditionnels, les entreprises confondent la fonction et la personne. Pour s’en détacher, nombre d’entre elles adoptent l’Holacracy notamment pour la clarté qu’elle apporte aux structures en œuvre dans les organisations. Grâce à elle, l’entreprise peut changer de posture : en plus de dire bienvenue aux opportunités, elle accueille les situations complexes à bras ouverts. Prenons l’exemple d’un chef d’entreprise face à un développeur informatique qui, d’un côté doit débugger le site d’un client et, de l’autre, vient lui demander une augmentation. Pour le chef d’entreprise, il convient de se demander « où » et à « qui » s’adresse chacune de ces questions. Et par qui, il faut entendre quel « rôle » et non quelle « personne ». L’échange entre les deux interlocuteurs se passe soit dans l’espace du travail à faire, où le dirigeant interrogé intervient dans son rôle d’expert du codage, soit dans l’espace des ressources humaines, où s’inscrit la relation contractuelle salarié-employeurs. Dans tous les cas, à rôle bien identifié, espace bien identifié et problème à moitié résolu. Et ça, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à l’avoir compris.
Des preuves qui ne sont plus à faire
En janvier 2016, un département de la business unit GEM du groupe Engie entamait la mise en place de l’Holacracy avec une poignée de volontaires. Après six mois avec une centaine de personnes, puis avec 300 après un an. « Assez rapidement dans le processus de déploiement, le service des ressources humaines a remonté un regain d’intérêt de la part des collaborateurs. Les clients sont plus satisfaits de nos prestations, même s’il serait inexact de lier cette amélioration exclusivement à cette expérience », témoigne Claude Philoche, responsable de la division Business Innovation & Oversight dans l’unité Global Energy Management en charge du négoce de l’énergie. Aujourd’hui cette adoption s’étend de proche en proche sur la base du volontariat, y compris au-delà de la division BIO, signe de l’émergence d’un processus de transformation à plus grande échelle au sein de GEM.
Autre exemple significatif, Rubben Timmerman co-fondateur de Springest.nl, comparateur en ligne de formation, souhaitait ne pas devenir le goulot d’étranglement de start-up et a mis en place l’Holacracy pour distribuer les prises de décision entre ses collaborateurs. Véritable succès, cinq ans plus tard, ce mode d’organisation est totalement passé en arrière-plan et l’entreprise tourne à plein régime. Aujourd’hui ses concurrents aimeraient bien en faire autant… mais n’osent pas. Outre-Atlantique, l’expérience d’Arca Cash Automation est également très révélatrice : la structure nord-américaine a adopté l’Holacracy il y a trois ans avec 80 collaborateurs. Ils sont désormais 700. Dans le cadre de leur développement international par croissance externe, le parti a été pris de mettre en place l’Holacracy dans chaque nouveau pays puis de se structurer de façon globale en faisant abstraction des distinctions géographiques. Une stratégie qui a fait ses preuves.
Convaincus par l’Holacracy, d’autres chefs d’entreprise décident de l’adopter pour consacrer leurs heures de travail à leurs domaines d’expertise plutôt qu’à régler des problèmes d’intendance. In fine l’Holacracy quitte le seul paysage médiatique pour rejoindre le monde de l’entreprise et passe du statut d’expérience isolée à celui de mouvement entrepreneurial. Dans tous les cas l’Holacracy apporte de la clarté tant sur les espaces légitimes où traiter chaque problème rencontré que sur la façon de les résoudre ! »