Comment les médias français parlent d’écologie ?

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Marjorie Tendero (crédits : ESSCA)

Par Marjorie Tendero (ESSCA School of Management, SMART)

TRIBUNE. Vagues de froid extrême, crues dévastatrices, et incendies dramatiques : ce ne sont pas des bulletins météo, mais bien ainsi que les médias français traitent fréquemment d’enjeux climatiques. Par ce vocabulaire sensationnaliste, l’analyse des causes et des conséquences structurelles de ces phénomènes est souvent reléguée au second plan.

Pourtant, il serait injuste d’écrire que les médias ignorent l’écologie. Presque tous les quotidiens nationaux disposent d’une rubrique dédiée, signe que ces questions ont gagné en visibilité. Mais, elle reste relative : ces rubriques sont parfois enfouies dans les sous-sections des sites Web. Ce positionnement reflète une hiérarchisation éditoriale dans laquelle l’écologie n’est pas encore une priorité.

Des enjeux passés sous silence

Quand l’écologie est abordée, le traitement est souvent superficiel. Prenons l’exemple des friches polluées, un sujet emblématique des défis écologiques et sociaux actuels. Dans la presse écrite, nationale et régionale, ces espaces, s’ils ne sont pas réinvestis en logements ou par des entreprises, prennent la forme de tiers-lieux, ou de lieux d’expositions culturelles à l’instar de la friche de la Belle de Mai à Marseille. On les présente comme des symboles d’innovation urbaine. Les enjeux environnementaux et sanitaires qu’elles posent sont passés sous silence. Or, cette représentation influence directement la perception des citoyens, pour qui ces espaces semblent inoffensifs – jusqu’à ce qu’un accident survienne, brièvement médiatisé au détour d’un fait divers.

Ce biais s’étend à d’autres formes de pollution. Tandis que la pollution de l’air ou des eaux, visibles et tangibles, capte l’attention médiatique, la pollution des sols, invisible et inodore, reste largement ignorée, bien qu’elle soit tout aussi préoccupante. D’autres enjeux, comme les anciennes activités militaires ou les sites nucléaires, demeurent dans l’angle mort. Les inégalités socio-environnementales subissent le même sort : au mieux, on évoque des « taux anormalement élevés de cancers » ici ou là sans approfondir les causes.  Ces sujets seraient-ils trop complexes ou dérangeants pour occuper la une ?

Un rôle pourtant essentiel

Cette focalisation sur le sensationnel ou l’anecdotique s’explique en partie par les logiques de l’audimat et du lectorat, qui recherchent des récits spectaculaires. Les médias s’y plient, mais au détriment d’un véritable débat de fond. Cela pose un véritable problème. Selon la théorie de l’agenda-setting (McCombs & Shaw), ce qui est médiatisé structure l’agenda politique, influençant directement les priorités des décideurs. Les enjeux peu médiatisés, comme la pollution des sols, peinent ainsi à émerger dans le débat public et à mobiliser l’action politique.

Ce traitement médiatique soulève aussi une question de pédagogie. Les médias jouent un rôle essentiel dans la sensibilisation et l’éducation des citoyens. En privilégiant le spectaculaire, les médias risquent d’alarmer sans éclairer. Or, pour nourrir un débat public constructif, il est crucial de relier les causes et les conséquences, d’articuler les dimensions locales et globales, et de donner aux citoyens les clés pour comprendre les enjeux et agir.

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