Temps de lecture estimé : 3 minutes
Licenciement d’un grand groupe agroalimentaire, échec entrepreneurial cuisant… de bonnes nouvelles pour Christian Barqui, aujourd’hui DG de Florette France, intervenant à l’EM Lyon.
Deux grandes étapes ont marqué sa vie professionnelle. Un licenciement, « choquant dans la forme », et la liquidation judiciaire d’une ambitieuse entreprise de restauration. « C’était une idée de riche, une idée de con ».
En janvier 2001 à 41 ans, Christian Barqui est débarqué de chez Bonduelle en une heure, juste avant un comité de direction de bonne année… « Salade Minutes, l’entreprise implantée à Genas que je dirigeais et dont j’avais multiplié le chiffre d’affaires par 20 en dix ans, avait été rachetée par Bonduelle, se souvient-il. Qui a choisi de me licencier après cinq années passées à contribuer au développement de la branche frais. Je sentais qu’humainement je n’étais pas en phase avec la direction, mais la forme a été aussi violente pour moi que pour mes équipes. » Peu préparé à un tel vide, le quadra qui ne vit que pour et par les projets fait un bilan de milieu de vie. « Mon père me prônait l’indépendance, évoque le diplômé de Sup de Co Amiens dont la carrière l’a aussi amené chez Procter & Gamble. Mes parents sont artisans tapissiers. Ils ont toujours travaillé tous les deux avec un apprenti. Je me suis alors posé la question de reprendre un job salarié. Pourquoi ? Dépendre d’une personne qui décidera de ma vie professionnelle selon ses lubies ? Non. Il fallait que je crée ma boite dans le secteur que je connaissais le mieux : la salade en sachet. »
Ticket d’entrée à 5 millions
Après son licenciement la réflexion est rapide. « Il faut que je rebondisse tout de suite. » Seulement le secteur de la salade en sachet est un marché déjà bien verrouillé. « Je m’attaquais à du lourd, analyse Christian Barqui. Le marché était détenu par quatre acteurs dont le plus petit était Bonduelle, qui au début des années 2000, réalise environ 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Pour me positionner, je devais passer par un ticket d’entrée à 5 millions d’euros. » A l’époque, le marché financier permettait de mettre 1 million et d’en lever 4. « Mais je devais apporter 50% de caution personnelle et mettre ma résidence principale dans la balance. Au regard des statistiques qui précisent que sur dix entreprises créées, seules trois sont toujours en vie cinq ans plus tard, je valide avec ma femme que si je me plante, je suis au RSA à vie. » Banco. L’épisode de la violence de son licenciement par les dirigeants de Bonduelle a laissé des traces chez ses anciens collabo-rateurs. Il fait son marché et récupère des compétences pour lancer 4G Vert désir (4G comme ses quatre garçons) à Mâcon. Il crée des usines, sécurise ses approvisionnements, fait fonctionner son réseau et prend des parts de marché sur la salade 4e gamme. En 2006, cinq ans après la création de l’entreprise, 4G Vert désir réalise 26 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie 180 personnes. Ses salades en sachet détiennent 9% de parts de marché.
La crise en pleine figure
« C’était à cette époque qu’il fallait vendre. J’ai eu le nez creux de céder mon entreprise en avril 2007, juste avant la crise. » Christian Barqui répond aux avances du groupe d’origine islandaise Bakkavör, déjà propriétaire du concurrent Cinquième saison. « C’était génial pour moi de vendre au bon moment ! J’étais confortable au niveau financier et c’est à ce moment que j’ai commis la bêtise. » Le boulimique de projets voit grand. Tout de suite. Une idée de création de restaurants de salades à l’effigie de 4G Vert désir trottait dans un coin de son esprit. « Une amie voulait partir avec moi quand j’étais encore propriétaire de l’entreprise de Mâcon. Je l’informe rapidement que je veux vendre mon entreprise. Ce projet de restaurant dépendra de la vente. » 4G Vert désir vendue, un restaurant ne suffit pas à combler le boulimique de projets. « Je pars d’emblée sur une chaîne de restaurants avec huit ouvertures en huit mois en région lyonnaise. Je rachète un traiteur en septembre 2008. Et je me prends la crise en pleine figure. » Confiant et doté de moyens financiers, trop certainement, Christian Barqui ne connaît pourtant rien au métier de la restauration. « Je découvre qu’il existe un réel business parallèle de la part des collaborateurs. En plus de la crise, les restaurants ne sont pas viables. » Il arrête l’aventure en décembre 2010 après avoir perdu, personnellement, quelque 2 millions d’euros, « en capital, compte courant et trous bouchés ».
Redresser
« Mon beau-père, pied-noir, me dit un jour « Christian, tu as de la chance, tu t’en sortiras. Ton nom le dit. Barqui, c’est la baraka, la chance ! » Et c’est vrai qu’une fois de plus, je considère que j’ai eu beaucoup de chance. » Le P-DG de Bakkavör est licencié en 2011. Ses anciens cadres de 4G Vert désir, pour lesquels il avait négocié des golden parachutes leur permettant de rester dans l’entreprise pendant au moins trois ans, glissent son nom pour reprendre la direction de la filiale française, qui subit la crise. « Ils m’ont appelé pour redresser l’affaire qui allait mal. Je demande à avoir les coudés franches et mon indépen-dance pour opérer le redressement. » Barqui is back dans le secteur de la salade en sachet. Alors que le marché est en pleine réorganisation, il est approché par Florette qui veut racheter Bakkavör. Christian Barqui mène les négociations pour aboutir à la cession en 2012. Il est aujourd’hui directeur général de Florette France.
L’entrepreneur vient d’être élu président national de l’APM, l’Association progrès du management, et intervient régulièrement à EM Lyon pour raconter son histoire et partager son expérience. « J’aimerais que le bon peuple français comprenne que les patrons prennent des risques au quotidien pour le collectif, pas seulement pour eux, en jouant souvent avec leur propre vie et leur famille. » La chance sourirait-elle aux audacieux ?
Article réalisé par Stéphanie Polette