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Le groupe familial ardéchois GL Bijoux, champion français du bijou plaqué et fantaisie, a perdu de son lustre à cause d’erreurs de gestion. Son repreneur devra redimensionner l’entreprise et la restructurer en profondeur. Mais les perspectives sont bien là.
Nul besoin de boule de cristal pour voir que l’avenir proche de GL Bijoux ne sera pas brillant. Pour l’entreprise basée au Cheylard, en Ardèche, l’époque ressemble tristement à la fin d’un âge d’or. Le 25 mars dernier, le tribunal de commerce d’Aubenas devait rendre sa décision concernant la reprise du premier fabricant français de bijoux plaqués et fantaisie, placé en redressement judiciaire le 1er février 2013. Avec quatre offres encore en lice : celles de Bernadette Pinet-Cuoq, du fonds Renaissance industrie, de la holding financière Impala et de la société de conseil LFC Partners. A l’heure où nous rédigeons ces lignes, le délibéré n’est pas encore tombé. Une chose est certaine toutefois : l’affaire va se solder par une lourde casse sociale. « Quoi qu’il arrive, aucune offre ne propose moins de 200 licenciements, regrette Pierre Bourdier, délégué syndical CFTC de l’entreprise. Quel que soit le repreneur, c’est catastrophique. »
En effet, en dépit des différentes améliorations des offres de reprise, seuls 250 à 300 emplois seront sauvegardés sur les 500 que totalisent actuellement les deux sites français du Cheylard et de Saint-Martin-de-Valamas (Ardèche). La nouvelle est d’autant plus douloureuse qu’il y a un an, un premier plan social avait déjà réduit la voilure de 150 emplois afin de mettre la masse salariale plus en adéquation avec la réalité du marché. Dans la région, la situation de GL Bijoux est vécue comme un véritable séisme. Le bassin d’emploi local, économiquement vulnérable, dépend essentiellement de trois industriels : le groupe textile Chomarat, l’embouteilleur Perrier et GL Bijoux.
Surdimensionnée
Créée en 1917 par Georges Legros, la société GL Bijoux est restée, depuis cette époque, dans le giron familial. L’entreprise s’est agrandie en reprenant en 1998 Bijoux Altesse, une société ardéchoise fondée par une autre branche de la famille. En plus de ses deux sites du Cheylard et de Saint-Martin-de-Valamas, GL Bijoux possède, depuis la fin des années 1990, une filiale en Thaïlande qui emploie environ 500 personnes. Celle-ci n’est pas comprise dans le périmètre du redressement judiciaire. L’an passé, l’ensemble a généré un chiffre d’affaires consolidé de 72 millions d’euros plombé par 13 millions d’euros de pertes. « Pour l’exercice 2013, les pertes seront du même niveau », estime Jean-Baptiste Coquard, collaborateur du cabinet d’administrateurs judiciaires AJ partenaires en charge du dossier. Dossier que Jean-Baptiste Coquard qualifie volontiers de « complexe » en raison du nombre de candidats à la reprise, de la difficulté du marché et de l’ampleur des enjeux sociaux pour la région.
Comment expliquer la douloureuse chute du champion hexagonal du plaqué or ? « On observe une difficulté générale sur le marché du bijou en France avec une perte de pouvoir d’achat des consommateurs qui se répercute sur les segments entrée et moyen de gamme comme les bijoux fantaisie », analyse Jean-Baptiste Coquard. Ce dernier relève à ce titre un « manque d’adaptation de l’entreprise aux nouvelles données du marché ». En clair : GL Bijoux est surdimensionnée. Sur ce dernier point, Bernadette Pinet-Cuoq est d’accord. Mais la maire d’Accons, petite commune ardéchoise, par ailleurs présidente déléguée de l’Union Française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, des pierres et des perles (UFBJOP), ne partage pas cette vision pessimiste du marché. « Le marché français de la bijouterie est atone mais il ne baisse pas, et au niveau mondial, il est en croissance, insiste-t-elle. La situation de GL Bijoux n’est pas liée au marché. »
« Egos surdéveloppés »
Selon Bernadette Pinet-Cuoq, dont le plan de reprise avait la faveur des salariés avec celui de Renaissance industrie, l’entreprise a avant tout souffert d’un défaut de management. « On a observé des erreurs stratégiques répétées et un déficit de gouvernance », estime-t-elle. Et de citer, pêle-mêle : « Une non maîtrise des enjeux de productivité et des coûts de production, un empilement des frais de structure, une offre commerciale et marketing qui n’est plus en phase avec les besoins du marché… » En résumé : l’entreprise n’a pas bougé d’une once alors que le marché évoluait vers le 9 carats, l’argent et les bijoux fantaisie. « En termes de management, GL Bijoux a quitté le marché », assène celle qui a travaillé durant 17 ans au sein de l’entreprise, jusqu’en 2001, en tant que cadre dirigeant.
Pour Pierre Bourdier, la situation actuelle de GL Bijoux est le résultat de « tout un enchevêtrement de complications ». Le représentant syndical pointe notamment du doigt les relations conflictuelles entre les deux actionnaires familiaux, Pierre Legros –petit-fils du fondateur – et sa sœur Madeleine Chomarat. Ce dernier a d’ailleurs quitté la présidence du directoire de la société en janvier 2013. Poste auquel a été nommé Paul-Henri Cécillon, ancien président d’Habitat France, que nous n’avons malheureusement pas pu joindre. « Il y avait un gros problème de gouvernance, affirme le délégué CFTC. On peut toujours incriminer la crise et la concurrence, mais c’était avant tout une histoire d’egos surdéveloppés. »
Dans les mois qui viennent, la survie de GL Bijoux se paiera à prix d’or. Mais les perspectives sont là. « Les business plans des repreneurs potentiels montrent que, sur le papier, cela peut marcher, souligne Jean-Baptiste Coquard. Et rien ne nous laisse penser que ces plans soient irréalistes. » Réduction des effectifs, réorganisation de l’outil de production, économies d’échelle, actions commerciales et prospection de nouveaux marchés sont les principaux leviers qui seront mis en œuvre afin de sortir GL Bijoux de l’ornière. Selon Bernadette Pinet-Cuoq, l’entreprise doit travailler à devenir une plateforme de ressources multimétiers et multiservices capable de servir des marchés variés. « Les dégâts sont réparables, mais il faudra différencier les offres marketing et développer les griffes avec les grandes marques comme Kenzo, Nina Ricci… ».
Yann Petiteaux