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Petit malin de l’orientation
David Vissière était parti pour être pilote de chasse. Celui qui a été désigné par le MIT comme l’un des dix jeunes Français les plus innovants a finalement opté pour l’entrepreneuriat. Bien lui en a pris. Son bébé, Sysnav, sera vraisemblablement l’un des grands acteurs de la géolocalisation de demain.
Il est des rêves d’enfant qui font déchanter une fois que l’on est sur le point de les réaliser. David Vissière, qui aura 35 ans en novembre, en sait quelque chose. Celui qui avait l’ambition de devenir pilote de chasse s’est finalement ravisé pour, dix ans plus tard, diriger une entreprise qui cumule les distinctions et croît de manière exponentielle. Rappel des faits : « A ma sortie de l’Ecole des Mines de ParisTech, fin 2002, je suis devenu élève pilote de chasse au sein du corps des officiers de l’armée de l’air. Mais je me suis ravisé au bout d’un an », rappelle le jeune homme. Le motif de ce revirement ? La réalité du métier ne correspondait pas à l’idée qu’il s’en faisait dans sa jeunesse. « Les contraintes m’ont fait changer d’avis : la répétition des exercices, la théorie, l’entraînement quotidien, tout cela était un peu long et rébarbatif, et les cinq ou six heures de vol hebdomadaires ne suffisaient pas à me combler de joie. Je n’ai pas trouvé ce que j’étais venu chercher : l’aspect créatif et la construction de soi », ajoute-t-il. Il quitte donc l’armée de l’air au bout d’un an, à la fin 2003, et change de corps : direction l’armement, davantage destiné aux esprits scientifiques, et le ministère de la Défense, au sein du service qui traite des problématiques liées à la navigation, où il encadre une équipe sur divers travaux. C’est en 2007 que tout s’accélère : alors que se pose la question de la suite qu’il compte donner à sa carrière, lui et ses collaborateurs mettent au point la première méthode pour calculer la vitesse en 3D. « Cela m’a donné envie de pousser le projet », avoue le natif de Montpellier.
High tech et partenariats
Un an plus tard, avec un associé, il crée donc sa propre structure : Sysnav, qu’il définit comme « un spin off du ministère de la Défense et de l’Ecole des Mines, car l’entreprise est le fruit de travaux menés au sein des deux entités ». Plus que l’entrepreneuriat coûte que coûte, c’est l’aspect technologique qui a joué le rôle d’élément déclencheur : « A savoir, être à la source d’une solution qui va changer radicalement la manière de se géolocaliser. Il est grisant d’apporter une rupture avec ce qui se faisait auparavant dans le domaine de la navigation ». Le succès de Sysnav est tel qu’il ferait baver n’importe quelle start-up : 250000 euros de chiffre d’affaires en 2009, 580000 euros en 2010 et 950000 euros l’année suivante. Les entreprises dont le cœur d’activité concerne les nouvelles technologies ont généralement grandement besoin de fonds lors de leurs premiers pas, mais ici le développement de l’entité et sa R&D n’ont pas été financés par l’investissement mais ont été le résultat de partenariats avec les clients. Ceux-ci sont issus de typologies de marchés très diverses : « Nous travaillons pour des intégrateurs classiques type Sagem ou Thales, pour le secteur de l’aéronautique, mais également pour la filière médicale : par exemple, notre système de calcul de mobilité permet de mesurer l’activité d’un patient ainsi que les types de mouvements qu’il effectue », détaille le jeune entrepreneur. Six ans après sa création, Sysnav, basée à Vernon dans l’Eure, compte 18 salariés et allie activité BtoB et développement de technologie pour l’armée.
Un ingénieur pas comme les autres
Un milieu que David Vissière connaît bien et dont il s’inspire dans son management au quotidien. « A l’école, j’ai connu les services d’arrestation. Il y régnait un état d’esprit que j’appréciais et que je m’efforce de reproduire dans ma vie professionnelle : l’aventure, la camaraderie… Ensuite, à l’armée de l’air, j’ai côtoyé des passionnés et des férus de technologie, ce qui n’était pas forcément mon cas à la base », explique-t-il. Selon lui, Sysnav possède un ADN particulier puisqu’elle permet à de jeunes ingénieurs de développer une technologie de pointe dans un cadre plus libre que dans un grand groupe. « La totalité des effectifs est issu de classes préparatoires et de grandes écoles. L’avantage ? Le haut degré d’exigence est parfaitement assimilé, sans qu’il y ait besoin de le réimprimer », se félicite le fondateur de Sysnav, en regardant droit vers l’avenir plutôt que dans son rétroviseur. En effet, David Vissière avoue ne regretter à aucun moment sa reconversion, et tant pis s’il s’imaginait en Tom Cruise à l’adolescence. « En réalité, pilote de chasse est un métier qui s’adresse aux gens qui ont la passion du vol. Moi, j’en avais juste une bonne image, un peu édulcorée, mais éloignée de la réalité. C’est différent, mais pour s’en rendre compte, il a fallu que je voie ça de plus près. Mais c’est comme être planchiste et amateur de planche à voile : ce n’est pas du tout la même chose au quotidien », relativise-t-il. Quant à l’entrepreneuriat, il le considère comme une voie comme une autre : « Même si avoir le titre de dirigeant d’entreprise est toujours grisant, au fond, ce qui me motive le plus est de faire avancer la technologie et en dernière instance, la société. Professionnellement, j’ai toujours agi sans me focaliser uniquement sur l’objectif, mais en regardant si le processus pour l’atteindre me convenait. » Voilà qui est dit. Et tant pis si David Vissière passe ses 14 juillet devant sa télé.
Marc Hervez