Temps de lecture estimé : 3 minutes
Osez, osez…Martine…
Déterminée. Volontaire. Altruiste. Trois mots qui décrivent à merveille Martine Liautaud. Il n’est pas pour autant évident de résumer son parcours, tant elle mène de front de nombreux projets. Banquière d’affaire, entrepreneure, elle est par ailleurs très engagée en faveur de l’égalité hommes-femmes.
C’est au sein de la banque IndoSuez qu’elle commence sa carrière à l’âge de 22 ans, avec un premier fait d’armes : elle est la première femme à rejoindre le groupe dans le métier phare de responsable de grands clients. Si le fait de s’imposer dans cet univers exclusivement masculin n’a rien de facile, ses dons de négociation et de conviction lui permettent d’être reconnue. « On ne m’a pas nécessairement fait de cadeaux, mais j’ai su progressivement gagner la confiance des clients et de ma hiérarchie. J’étais sans doute perçue comme une sorte de Rastignac au féminin », s’amuse-t-elle avec le recul.
Seize années de bons et loyaux services dans le cadre de ce groupe lui permettent de se forger une belle réputation et une expertise sans failles, mais elle sent qu’il est temps de tourner la page. « Depuis l’enfance, j’avais envie de devenir en quelque sorte le conseiller des princes, de les aider à penser leurs stratégies », raconte-elle avec son indéfectible sourire. Elle démissionne donc pour créer une entreprise de conseil et d’investissement. Toujours très active, elle acquiert en parallèle la société de jouet Meccano et elle participe au lancement des éditions de La Martinière dont elle devient vice-présidente. En 2000, elle vend ses parts à la famille Wertheimer et lance Liautaud & Cie, une structure spécialisée dans le conseil aux grands groupes pour leurs diversifications et leurs acquisitions.
Mentorer, son fer de lance pour militer
Dans ses locaux du boulevard Malesherbes à Paris, elle nous fait partager son amour de l’art contemporain et avoue un goût prononcé pour l’art numérique, tout en allumant un tableau révélant un Narcisse en mouvement. « Le fait d’être à son compte permet de choisir sa propre culture et son propre environnement. C’est très précieux de se sentir bien sur son lieu de travail », précise-t-elle. Mais c’est aussi ce qui lui permet de consacrer du temps à ses activités philanthropiques. « J’ai conscience d’avoir été une enfant gâtée du système (même si j’ai pris des risques), et j’ai eu envie de rendre une partie de ce que j’avais reçu », raconte-t-elle. Mais pourquoi avoir choisi la cause des femmes ? Parce qu’au moment de la loi sur les quotas, elle a pris conscience qu’il y avait encore beaucoup à faire : « Des journalistes étaient venus faire un reportage sur mon conseil d’administration, lequel était égalitaire. Un fait hélas suffisamment rare pour justifier un sujet dans un journal télévisé ! »
Il faut dire que la diversité et la mixité sont des évidences pour cette femme mariée à un Américain d’origine haïtienne, et rompue aux échanges interculturels. Auteur de différents ouvrages, dont un Guide de l’entrepreneuriat féminin, elle est convaincue que les programmes de mentoring permettent d’aider les femmes à s’accomplir. Mais il faut aller plus loin, en faisant bouger les lignes. Et elle s’y attelle avec énergie : « Il faudrait par exemple continuer à promouvoir une flexibilité au niveau des horaires, notamment pour faire en sorte que des femmes hauts potentiels ne soient pas évacuées trop vite du système. Il faut aussi leur apprendre à demander. Elles n’ont pas toutes le réflexe de le faire ».
Breaking Trough
Martine Liautaud semble toutefois confiante. Les débats qui ont enflammé le Web et les réseaux sociaux entre les adeptes du #balancetonporc et celles qui défendent le droit d’être importunées ont eu le mérite à ses yeux de mettre au grand jour un ras-le-bol latent. « Il y avait un trop plein et la marmite a explosé. Ce n’est pas que la parole n’existait pas, mais les gens ne voulaient pas l’entendre. Ces débordements sont finalement très sains. Ce sera peut-être un détonateur pour permettre aux femmes de briser le plafond de verre », résume-t-elle.
Cette mixité réelle, elle l’appelle avec force de ses vœux, par le biais de la Women Initiative Foundation qu’elle a créée en 2015. Son objectif : soutenir des missions d’intérêt général à caractère éducatif, en permettant l’intégration des femmes sur le marché du travail et dans le monde de l’entreprise. Elle peut compter sur le soutien financier de sponsors comme Engie ou BNP Paribas, lesquels lui font une parfaite confiance. Son engagement, elle le partage dans un livre publié aux Etats-Unis, intitulé Breaking Through. Elle y partage les bonnes pratiques d’entreprises qui ont permis à des femmes de réussir. Elle est en convaincue : aider les femmes à s’accomplir professionnellement est une façon de promouvoir la diversité. « Je souhaitais une préface de Christine Lagarde, et là aussi, j’ai pris l’initiative de la contacter. Si j’ai un conseil à donner, c’est d’oser ! S’il y a bien une chose que j’ai apprise à Stanford, c’est que si on n’ose pas, on n’obtient rien ! » Généreuse en conseils, elle recommande aussi aux femmes d’avoir des rêves. Et de viser haut. « J’ai toujours eu beaucoup d’ambition. Je me fixe des buts sans trop savoir comment j’y arriverai, mais j’y parviens. »
Au programme de cette hyperactive : un livre sur les actions de la fondation qu’elle a créée, avec de nombreux témoignages. Martine Liautaud y consacre près de 50 % de son temps et s’est entourée d’une centaine de bénévoles. Nul doute qu’elle leur a communiqué sa ferveur et sa passion !
Ariane Warlin