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La France compte 26 licornes – ces jeunes pousses valorisées à plus d’un milliard de dollars. Parmi elle, Qonto, créé en 2016. Devenu leader européen de la gestion financière des entreprises. Cibles : PME, TPE et indépendants. Zoom sur cette superlicorne qui dépoussière le secteur bancaire.

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Alexandre Prot : HEC Paris, Insead, Goldman Sachs, McKinsey. Son CV coche toutes les cases. Celles qui vous assurent une grande carrière, toute tracée et grassement rémunérée. Alexandre Prot, lui, préfère la feuille blanche… l’entrepreneuriat. En 2016, il crée Qonto, avec Steve Anavi. Le plus beau projet de sa vie. Le plus fort. Après une levée de 486 millions d’euros en janvier, l’entreprise vise 1 million de clients en 2025.

Qonto… par où commencer ? Une levée de fonds en début d’année à hauteur de 486 millions d’euros, plus de 220 000 clients, une licorne valorisée entre 4 et 5 milliards d’euros, si on vous avait annoncé tous ces chiffres il y a cinq ans, l’auriez-vous cru ?

Cru, je n’en sais rien, espéré, oui ! Effectivement, les chiffres sont vertigineux. Avec Steve (cofondateur de Qonto, ndlr), on n’était pas sûrs d’y arriver. Mais c’est bien l’ambition que l’on portait. L’appellation de l’entreprise en atteste, Qonto. On cherchait un nom qui sonne bien dans toutes les langues européennes. Déjà, en lançant le projet, on s’autorisait tout !

Cette trajectoire époustouflante, on la doit évidemment à l’ascension de Qonto lui-même. Vous parlez de 220 000 clients… ce sont les chiffres que l’on communiquait en début d’année. Non, aujourd’hui, c’est plutôt 250 000 ! Et j’en suis fier. Mais l’insolence de ces chiffres s’explique aussi par le boom de la tech et du numérique. Je crois que l’on n’a jamais autant parlé de French Tech ces dernières années. Sans compter la crise covid, qui a accéléré la numérisation de l’économie – bienvenue dans l’ère des paiements à distance, des cartes sans contact et des créations d’entreprises 100 % en ligne. Qonto, même si la crise nous a fait mal ainsi qu’à nos clients, a profité de cette embellie numérique.

Revenons un peu sur votre parcours : HEC Paris, un MBA à l’Insead, un stage chez Goldman Sachs et un passage par McKinsey. Un parcours à la fois exemplaire et classique. Vous auriez pu, d’autant plus en France où l’on (sur)valorise les diplômes, exercer une carrière sereine au sein de grands groupes. Mais vous vous aventurez dans l’entrepreneuriat. À quoi bon chercher la difficulté ?

Parce que c’est plus amusant ! J’aurais sans doute pu gérer une entreprise de 250 000 clients, mais il se trouve que c’est la mienne. Là est toute la différence. Celle que j’ai créée avec Steve. Bien sûr, maintenant, ce n’est plus seulement mon entreprise. Ce que je fais aujourd’hui s’avère bien plus excitant que tous les jobs que j’aurais pu faire dans ma carrière toute tracée.

Vous parlez d’un risque plus élevé lié à l’entrepreneuriat. Je n’en suis pas sûr. Quelle différence entre un·e salarié·e qui change de poste tous les ans et un·e chef·fe d’entreprise qui monte une boîte chaque année ? Aucune. Si l’on crée une entreprise qui ne fonctionne pas, où est le problème ? On souffre encore trop de cette peur de l’échec en France. Eh bien quand ça ne marche pas, on recommence, et, ainsi de suite, arrivera le bon moment avec les bonnes personnes. Avec Steve, on avait lancé Smokio, en 2013, sur le marché de la cigarette électronique connectée. On proposait un outil qui assurait un suivi de consommation en lien avec un objectif de sevrage. La société a été rachetée en 2015-2016. Et puis on a réinvesti l’argent gagné dans la création de Qonto. Au passage, c’est aussi avec Smokio que l’on a pris conscience de la difficulté à gérer les finances en entreprise, à payer les salarié·es et les fournisseurs, à joindre son·sa conseiller·ère bancaire – disponible uniquement le mardi entre 15 heures et 15 h 30 ! – bref à réaliser tout ce qui est annexe au cœur d’activité d’une entreprise. Qonto naissait.

Qonto en chiffres :
600 salarié·es
4,4 milliards, la valorisation (en euros) de cette superlicorne
250 000 clients
4 pays: la France, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie

Alors, concrètement, Qonto c’est quoi ?

En pratique, Qonto c’est un compte courant professionnel qui s’adresse aux indépendants, aux TPE et PME. Avec tout le bagage du compte bancaire : IBAN, virement, prélèvement et encaissement de chèques. Tout ce qu’il faut pour gérer son activité professionnelle, qu’on soit seul·e ou à la tête d’une PME d’une centaine de salarié·es. On travaille avec des entreprises déjà existantes, qui ont décidé de nous rejoindre. Et d’autres qui se sont créées et grandissent avec nous – environ 50 000 sur les 250 000 clients que l’on accompagne. Autour de ce compte bancaire professionnel, on facilite la gestion financière des entreprises. Vous demandez du concret, on prémâche notamment la comptabilité en détectant directement, grâce à un algorithme, le montant de la TVA sur une facture, bien utile pour les comptables. Voilà un exemple parmi d’autres. On assure aussi un volet notes de frais et gestion des dépenses d’équipes.

Notre volonté, dégager du temps aux entreprises. On a réalisé un sondage auprès de nos clients : ils gagnent en moyenne deux heures par semaine sur la gestion administrative et financière. Donc, on redonne de l’énergie à nos clients pour des causes plus essentielles : soit un temps pour le business, le vrai, soit davantage de temps libre !

Et les 486 millions d’euros levés en janvier, c’est pour consolider les services que vous proposez ? Une expansion géographique est-elle prévue ?

Bien sûr, on continuera à améliorer nos services au quotidien. Faire en sorte que les clients qui nous rejoignent ne repartent pas. On vient de lancer un support client 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 en France pour conforter notre accompagnement. Et rassurer les clients – on se doit d’être disponible en cas d’urgence, comme une perte de carte bancaire.

Sur l’expansion géographique, on va d’abord se concentrer sur nos quatre marchés : la France, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Du moins pendant un an, on compte investir 100 millions d’euros sur chacun de ces marchés. Puis, on s’étendra encore en Europe.

Ces 486 millions d’euros nous donneront aussi les moyens de recruter. Nous sommes 600 aujourd’hui, on vise 2 000 personnes dans l’équipe d’ici à 2025. Dont 1 400 collaborateur·rices recruté·es au cours des deux prochaines années.

J’aimerais évoquer l’image de Qonto. Plus positive que ce à quoi l’on s’attend lorsque l’on pense aux banques plus traditionnelles. Comment l’expliquer ?

On rencontre notre banquier comme si l’on passait un grand oral ! Pire, on va parfois le voir la boule au ventre.

Par la représentation que l’on se fait du banquier : on va le voir pour un projet, il nous pose un tas de questions, et en fonction de nos réponses, ça passe ou ça casse ! On rencontre notre banquier comme si l’on passait un grand oral ! Pire, on va parfois le voir la boule au ventre. Ce n’est plus possible. Sans compter quelques scandales financiers liés aux banques, révélés dans les médias, qui n’aident pas à fabriquer une image positive de certains grands groupes bancaires.

Surtout, les indépendants, PME et TPE ont complètement été délaissés par les banques traditionnelles. Bien plus concentrées sur les services aux particuliers. Alors nous, Qonto, on a rapidement bénéficié d’un capital sympathie auprès d’un public qui a trop longtemps été écarté par les banques traditionnelles.

Alexandre Prot et Steve Anavi
Alexandre Prot et Steve Anavi

On parle de banques. Il y en a un qui a travaillé plusieurs années, en tant que président, à la BNP Paribas. Votre père, Baudouin Prot. Quelle influence a-t-il eue dans votre carrière ?

Comme n’importe quel enfant, je vois mon père comme un père et non à travers ses fonctions. Je ne crois pas à l’influence qu’il aurait pu avoir sur moi, ma carrière s’est plutôt faite par hasard. J’ai monté d’autres entreprises avant qui n’avaient rien à voir avec le secteur bancaire. Je suis entrepreneur avant tout. Mon père est très heureux de l’envolée de Qonto, il me fait des feedbacks sur certains produits ou la newsletter. D’ailleurs, il est client de Qonto ! Il réagit à ce que je fais plutôt qu’il ne me conseille. Bref, il donne son avis comme un père donne son avis à son fils, rien de plus.

Dans votre entourage proche, il y a bien sûr Steve Anavi, sans qui Qonto n’existerait pas. Lui est beaucoup plus discret dans les médias par rapport à vous, est-ce un choix délibéré ?

On le voit moins, certes, mais on le voit quand même. C’est un choix, nous nous sommes réparti les fonctions et je m’occupe, entre autres, du marketing et de la communication extérieure. Lui se concentre sur le produit, les opérations et tout un tas de choses. On a bien assez à faire pour pouvoir se répartir les tâches ! Quand on cite Qonto, peut-être que l’on peut, spontanément, penser à moi et après à Steve. Mais nous sommes bien les deux fondateurs. Il vit très bien cette répartition des rôles.

Qu’est-ce qu’il manque à Qonto aujourd’hui ? Un rachat est-il l’issue certaine ?

On a toujours envie de faire plus. De faire mieux. On essaie de s’améliorer en continu. Pour cela, comme chaque sportif ou artiste, on s’entraîne au quotidien. Mais l’objectif, concrètement, c’est d’atteindre 1 million de clients d’ici à 2025.

je n’ai pas d’autres projets professionnels en tête, dans dix ans je me vois toujours à Qonto ! C’est le projet d’une vie.

Aujourd’hui, Qonto est indépendant. Et on a encore les moyens de le rester. Au regard de notre trajectoire, de notre taille, le plus plausible pour les entreprises comme nous sera sans doute une introduction en Bourse. Mais personnellement, je n’ai pas d’autres projets professionnels en tête, dans dix ans je me vois toujours à Qonto ! C’est le projet d’une vie.

Quels conseils donneriez-vous à un·e entrepreneur·se qui hésite à se lancer ?

Mon conseil numéro un : son projet doit résoudre un vrai problème. Pour ce faire, qu’il ou elle regarde ce qui l’empêche d’avancer, les obstacles rencontrés dans la vie de tous les jours. Avant de monter une entreprise qui soit capable de les contourner.

Il n’y a pas d’âge pour se lancer. Mais on ne s’aventure pas avec n’importe qui. J’aime bien les binômes. Entreprendre à quatre, cinq ou plus, je trouve que c’est trop. Je préfère les petites équipes au départ.

Assez parlé de travail. Ultime question, plus légère, il fait quoi Alexandre Prot quand il ne pense pas à Qonto ? Il fait quoi de son temps libre ?

Hélas, je pense tout le temps à Qonto ! Week-end ou pas. On ne s’arrête pas d’être entrepreneur le soir ou les jours fériés. Malgré tout, quand j’ai un peu de temps libre, je pratique la course à pied. Et surtout, je m’occupe de mes trois enfants, âgés de six ans à… huit mois ! Vous comprenez pourquoi je pense à Qonto, je dors très peu. J’essaie de passer du temps avec ma famille, et pour ne rien vous cacher, je pars en Grèce demain. J’espère un peu de dépaysement. Avec Qonto en tête.

Propos recueillis par Olivier Magnan et Geoffrey Wetzel

À retrouver également dans ce numéro :

ERB89 - Alexandre Prot - Qonto

Notre grand dossier : Salaires des femmes, discriminations, entreprises en défaut !

Parmi nos autres sujets : aménagement de vos bureaux, se préparer à quitter la capitale ou encore notre Œil décalé : l’humour au travail.

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