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Olivier Ducatillion a repris en 2008 la société Lemaître Demesteere, PME nordiste de tissage depuis 1835. Pour rester vivant durant la crise et préparer l’avenir, il a suivi dix préceptes avec succès.
Le 11 septembre 2008, Olivier Ducatillion rachète le tisseur Lemaître Demeestere, à Halluin, près de Lille. Trois jours plus tard, la faillite de Lehmann Brothers annonce le début d’une longue crise économique mondiale. Coup de chance ou revers de fortune ? A vrai dire, un peu des deux. « Si j’avais voulu reprendre l’entreprise après le début de la crise, les banquiers ne m’auraient pas suivi », estime le dirigeant. Mais le côté obscur de cette nouvelle situation se fait rapidement sentir : en 2009, la PME enregistre un recul de 30% de ses ventes. Cadeau de bienvenue…
Six ans plus tard, la petite entreprise près de Lille et ses trente salariés ont plutôt bien résisté. En dépit d’une conjoncture difficile, Lemaître Demeestere n’a jamais perdu le fil de la rentabilité. Et si elle n’a pas encore retrouvé son chiffre d’affaires d’avant-crise, la croissance est régulière et les perspectives optimistes (4,5M€ de CA en 2013). La récompense d’une stratégie audacieuse, détaillée en dix points.
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Sur le haut de gamme tu te positionneras
Lorsqu’il rachète Lemaître Demeestere, Olivier Ducatillion prend les manettes d’une PME généraliste en matière de fibre naturelle, positionnée sur les créneaux moyen et haut de gamme. En clair : un business peu différenciant, aux prises avec les concurrents asiatiques. Vu le contexte économique, l’entrepreneur décide d’exploiter davantage le tissage du lin et de proposer des produits haut – voire très haut – de gamme. « J’aurais du mal à vous citer cinq acteurs en France qui, comme nous, se sont autant spécialisés sur le lin », souligne le dirigeant. Pendant trois ans, l’entreprise multiplie les nouveautés : tissus plus lourds, couleurs et finitions variées, petites séries… Elle se constitue progressivement une marque de fabrique appréciée des clients que sont les fabricants de canapés ou éditeurs de tissus.
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L’export tu développeras
« Quand je suis arrivé, cette société ne faisait rien à l’international », note Olivier Ducatillion. Aujourd’hui, elle réalise 20% de ses ventes hors des frontières et vise les 50 % à l’horizon de trois à cinq ans. « Depuis 2008, nous n’avons connu que des crises. Le marché français moyen de gamme est en baisse structurelle régulière. Le seul moyen de s’en sortir était d’évoluer vers le haut de gamme et l’international. » Professionnel du textile depuis vingt ans, Olivier Ducatillion a longtemps traîné ses valises autour du globe. L’export ne lui fait pas peur. Et très vite il décroche un premier client aux Etats-Unis. Puis il démarche, méthodiquement, un à deux pays par an : Angleterre, Pologne, Belgique, Hollande, Allemagne, Scandinavie… et, plus récemment, les Emirats Arabes Unis.
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Savoir-faire unique tu valoriseras
Lemaître Demeestere travaille toujours sur des machines de tissage à l’ancienne (métiers à plat, Jacquard). Une technique qui lui permet de produire des tissus lourds (jusqu’à 1,1 kg au mètre carré) en conservant un tombé souple et un touché soyeux. « Nous sommes quatre dans le monde à maîtriser cette technique », précise le dirigeant.
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100 % made in France tu afficheras
« Je suis un Ayatollah du made in France », clame le téméraire chef d’entreprise. Lemaître Demeestere n’a aucune activité de négoce. Tout ce qu’elle vend est produit dans l’usine d’Halluin. Le lin provient uniquement de France (et de Belgique). Le dirigeant joue à fond la carte relocalisation, achat citoyen et écolo… L’argument fait mouche, aussi bien en France qu’à l’export.
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La fibre verte tu exploreras
Le lin est une fibre écolo par excellence. Contrairement au coton, elle consomme peu d’eau et de pesticides. Par ailleurs, le lin est 100 % recyclable. « Cela a beaucoup orienté notre choix de spécialisation », souligne Olivier Ducatillion. L’entreprise est le seul tisseur en France à être labellisée « Masters of linen » (origine et traçabilité du lin). Elle est également certifiée Oeko-tex.
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Patrimoine vivant tu seras
En juin 2013, Lemaître Demeestere a obtenu le label Entreprise du patrimoine vivant (EPV). Il faut dire que cette PME familiale est ancrée à Halluin depuis sa fondation en 1835. « Ce n’est pas juste pour la com’, assure Olivier Ducatillion. Ce label est en cohérence avec notre positionnement stratégique : celui d’une industrie de terroir. »
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Dirigeant multicartes tu deviendras
Quand il n’est pas entièrement absorbé par l’activité de sa société, Olivier Ducatillion préside le groupe « Masters of linen » qui réunit une trentaine de filateurs, tisseurs et tricoteurs européens. Il est également membre du bureau de l’Union des industries textiles (UIT), de la Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC), et président du centre de formation CIA-Gafit de Tourcoing. « Quand on est dirigeant de PME, c’est une grave erreur de rester dans son coin. L’UIT et la CELC m’ont particulièrement aidé. Sans la rencontre avec ces professionnels, je n’aurais sans doute pas opéré le repositionnement de l’entreprise. »
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Design et innovation tu privilégieras
Côté innovation, Lemaître Demeestere a collaboré avec un designer dans le cadre du programme de recherche « Tech & design » initié par le réseau R3iLab. « Nous avons travaillé avec Sismo design sur l’élaboration d’un rideau multifonctions, à la fois voilage fin et occultant », explique Olivier Ducatillion.
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Aide du MIT tu solliciteras
Dans le même esprit, et toujours dans le cadre du R3iLab, la PME a bénéficié d’un voyage d’étude au légendaire MIT (Massachusetts Institute of Technology) en février 2013. Une opération qui lui a permis de creuser de nouvelles pistes d’innovation. Pour le moment, le dirigeant n’en dit pas davantage sur cette collaboration avec le centre de recherche. « Je suis convaincu qu’il nous faut repousser nos limites tout en conservant nos spécificités », souligne-t-il de manière sibylline.
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Ouverture au BtoC tu promulgueras
Enfin, Lemaître Demeestere vient d’ouvrir en début d’année une boutique en ligne (lindefrance.com) ainsi qu’un magasin d’usine. Un premier contact avec une clientèle de particuliers. L’entreprise y commercialise les tissus qu’elle possède déjà en stock. « Il ne s’agit pas pour nous d’un axe stratégique de développement, explique Olivier Ducatillion. Cela s’inscrit plutôt dans notre logique d’évolution vers le haut de gamme et les petites séries. ».
Yann Petiteaux