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Or blanc 2.0
Les décennies passent sur les Arcs sans qu’elles ne prennent vraiment de rides. Comment l’expliquer ?
N’en déplaisent aux détracteurs de Joe Dassin, l’été indien aura duré jusque début janvier, la douceur du mois de décembre ayant certainement contrarié les gestionnaires de stations de sports d’hiver. Malgré quelques brins d’herbe folle et un manteau neigeux peu épais, EcoRéseau partait à la rencontre des bouffeurs de poudreuse le premier week-end de la saison d’hiver aux Arcs 1800. Une manière de prendre part à son histoire, ses coulisses et l’actuelle digitalisation du domaine skiable. Sans oublier le planté de bâton, of course !
Un mariage réussi entre Dame nature et le loisir grand public ?
Aux origines des Arcs, se trouve la famille Blanc en charge de l’alpage communal d’Hauteville-Gondo. Même pas la trentaine, les deux frères, Robert et Delphin, ambitionnent de créer un domaine skiable dans les années 1960 tels ceux non loin d’eux à Val d’Isère et Courchevel. Aidée par des architectes et aménageurs, Charlotte Perriand, Guy Rey-Millet et Gaston Regairaz, ainsi que par l’ingénieur Roger Godino, la fratrie esquisse les contours de son ambition avec l’idée de concilier le bâti et le site naturel. Ce souci fait l’originalité des Arcs qui ont érigé galeries commerciales, hôtels, résidences et services de proximité en les intégrant au paysage alors encore sauvage. Autre caractéristique, « le village des Arcs ne permet pas aux voitures de circuler. Les parkings étant en contrebas. Les façades entièrement boisées illustrent encore cette volonté de marier au mieux les aménagements à l’espace naturel », décrit Anne Gallienne, directrice marketing et commerciale de Paradiski. 1968 vit ainsi l’inauguration des Arcs 1600. S’ensuivirent les Arcs 1800 en 1975, puis les Arcs 2000 en 1978 et enfin les Arcs 1950 en 2003. Mais tout n’est pas qu’histoire de façades de bois. A y regarder de plus près, on observe qu’aucune résidence, ni même le moindre recoin d’un hôtel, ne possède de vis-à-vis avec ses voisins d’hiver. Mieux, « la résidence des Belles Challes située aux arcs 1800, inspirée des travaux de Le Corbusier, repose sur une structure perpendiculaire à la pente, laissant ainsi un plateau disponible pour les sports d’hiver et d’été, mais aussi les services et commerces de proximité », poursuit la directrice.
Côté pistes, lorsque le second visage des sports d’hiver s’active
Le loisir et l’adrénaline sont la conséquence d’une sécurité optimale des pistes et d’investissements lourds. Si vous, lecteurs-skieurs, avez tous un souvenir douloureux de la prise en charge d’un tiers par les secours sur piste, il vous est déjà plus rare d’avoir vu dévaler une dameuse, à moins que vous ne soyez resté coincé de nuit dans un télésiège après une vaine tentative de séduction de votre monitrice de ski. Pourtant, c’est au moment où les skieurs entament leur dernier schuss que le travail solitaire des conducteurs d’engins débute. Comptez 300000 euros pour être propriétaire d’un de ces mastodontes de fer aidés d’un treuil pour éviter que le véhicule ne glisse en raison de la pente, de la neige ou d’une avalanche. En pleine saison, chaque piste est damée chaque nuit. C’est 35% du personnel de piste mobilisé pour chaque poste nocturne. Tout comme chaque matin, l’expert en neige artificielle passe au crible l’ensemble du domaine skiable. Plus rien n’est laissé au hasard, les canons à neige venant tapisser la neige naturelle de neige de culture (ou artificielle). Un manteau stable sera évalué à 40 cm de neige.
Autre face cachée des stations de sports d’hiver, l’entretien et l’investissement en matière de remontées mécaniques. Anne Gallienne précise : « 38,6 millions ont été investis dans les domaines skiables des Arcs et de la Plagne, dans un but de construction et de remplacement ». Aux Arcs 1800, un nouvel espace consacré à la glisse et aux loisirs a vu le jour l’année dernière, permettant aux heureux touristes de profiter de leur plaisir de plein air jusqu’à 19h30. Ailleurs, de nouvelles télécabines aux Villards permettent d’accéder au site de Mille 8, de même qu’un télésiège a été construit pour permettre un accès du Carreley vers les Arcs 2000. Certes cela ne vous parle peut-être pas. Et comme bon nombre de skieurs, vous vous reposez souvent sur votre ami qui apprécie autant vous guider sur les pistes que le vin chaud entre deux noires. Ce temps-là risque bientôt d’être révolu. Car la digitalisation s’empare doucement du manteau poudreux.
Digitalisation du domaine skiable : mettre la montagne dans votre poche ?
La révolution digitale irrigue même des cimes que l’on croyait inatteignables. Le domaine skiable Paradiski est ainsi presque intégralement couvert par l’application « Yuge ». Envie de skier au soleil, de faire un parcours adapté à votre niveau qui ne vous fera pas passer deux fois au même endroit ? Besoin de savoir ce qui se trame pour le soir même, en bas du domaine alors que les remontées vous emmènent dans le sens inverse ? L’application entend satisfaire ces besoins. Pour les plus téméraires, de la data est collectée. Chaque jour, on vous dévoile les pistes descendues, les kilomètres parcourus et la vitesse max atteinte. Pour les plus geeks, des points photos et vidéos permettent de revenir sur votre journée malgré le troc de votre perche à selfie contre les bâtons de ski. « L’application souhaite vraiment améliorer l’expérience de glisse en indiquant les temps d’attente au niveau des remontées mécaniques », précise Anne Gallienne. Une prouesse permise en montagne par l’installation de bornes wifi et d’un système de badges dans tout le domaine. Ne me reste plus qu’à tester ladite application. Une fois téléchargée, je m’élance. Le soir, l’heure des bilans sonne. Effectivement, l’application me propose un itinéraire en fonction de mon niveau somme toute très médiocre… Peut-être la faute à l’application qui m’indique une vitesse maximale de 6km/h… Bug ou réalité
Geoffroy Framery