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C’est l’histoire de trois associés venus chacun de cabinets de consulting en ingénierie pour créer Davidson Consulting en 2005 selon des principes de travail et de fonctionnement entièrement nouveaux. Treize années plus tard, le groupe compte 2 700 salariés (95 % des consultants en CDI), 13 filiales régionales, des bureaux dans 7 pays, hors la France. Success story ? À votre avis ?
Impressionnant. Dans les bureaux de Boulogne, rue de Vanves, rue Marcel Dassault, bientôt dans un troisième immeuble, quelques rares jeunes « Davidsoniens » se saluent comme des amis de longue date avant de repartir dans les étages. Au passage, ils disent bonjour aux visiteurs à l’accueil. Rare. Mais normal. Non seulement la plupart des consultants sont chez leurs clients ou en formation, voire en meet-up, mais au surplus ils ont intégré la bible des valeurs instituée chez Davidson, le Davidson Code (merci Dan Brown !) que tout un chacun trouve à l’accueil. On y lit : « Le sourire à l’accueil n’est pas de façade, mais le reflet de nos valeurs. Et de notre savoir-être. » Bigre, décidément le message est passé. Il en est d’autres que Bertrand Bailly, le CEO fondateur, exprime en deux points dans le Code : « L’entreprise [en général] s’est “coupée” de ses collaborateurs […] Les sociétés de conseil […] n’ont pas dérogé à cette tendance qui a induit au fil des années une dégradation de leur image de marque… » La riposte ne tarde pas, soulignée en gras : « Nous avons décidé de prendre un pari à contre-courant : repositionner l’individu au centre du dispositif de l’entreprise, dans une ambiance de travail saine, dynamique et fun ! »
Missions librement choisies… et quittées
Du coup, pas le genre de la maison de rester planté devant un ordinateur. Quant aux quelque 160 managers, pour la plupart ingénieurs d’affaires, ils ne campent pas dans leurs bureaux non plus : proches du terrain, ils sont le plus souvent eux aussi chez leurs clients. Les associés dirigeants s’appliquent leur loi : ils restent au contact des entreprises. « D’où une grande accessibilité de chacun, confirme Jonathan Herschtal, directeur associé à la tête d’une business unit du groupe, jamais plus de deux ou trois strates hiérarchiques pour faciliter communication et circulation de l’information. » Dès lors, impossible dans le temps voulu de rencontrer le CEO, Bertrand Bailly, 43 ans, l’inventeur du concept, avec ses deux compagnons fondateurs, Édouard Mandelkern, président, et Adrien Le Rest.
Le plus beau, c’est que pour passer à 2 700 salariés pour plus de 500 clients, le conseil en ingénierie « mais pas seulement » (le slogan de sa page Web) n’a pas opté pour la croissance externe : à Paris même, ce sont plus d’une dizaine de filiales créées de toutes pièces qui participent à la constellation Davidson, au même titre que les bureaux régionaux et internationaux (Belgique, Luxembourg, Suisse, Allemagne, Espagne, Émirats arabes unis, Canada ‒ ouvert au début de 2018 ‒ tiens, pas Royaume-Uni…) à la tête desquels œuvrent des directions très autonomes (ce qui n’empêche pas d’acheter, entrer dans le capital ou d’incuber des start-up). Davidson Consulting a beau s’ancrer dans l’IT et les télécoms, son savoir-faire originel (où le conseil se revendique leader, fort entre utres ade sa référence, Orange), ses terrains de jeux se diversifient dans l’énergie (référence EDF), le transport (SNCF, bien sûr), la finance (auprès de Société Générale) ou la santé pour des consultants (50 % experts techniques, 50 % managers de projets) invités à… choisir leurs missions. Une idée plutôt disruptive dans le monde du conseil, d’autant plus que le/la consultant(e) est parfaitement libre d’en changer en cours d’exécution, le temps que son remplacement soit assuré. « On arrive à leur donner de la projection », s’enthousiasme le directeur dont les managers chapeautent en moyenne seulement une quinzaine de consultants, ratio faible dans ce type de société. D’où, dit-il, un turn over spectaculairement bas chez Davidson Consulting : 6 % (contre 35 % en moyenne dans les cabinets de conseil en général, ce que confirme Claire Levrault chez Carrévolutis : « L’augmentation du nombre de cabinets de conseil mais aussi d’offres d’emplois chez des clients directs provoque une vraie “fuite des cerveaux” au sein de grands cabinets de conseil. Ainsi, ces entreprises perdent des talents, des compétences uniques ainsi que de l’argent dans les processus de formation et de recrutement. »). Une petite plongée dans les avis anonymes publiés sur Glassdoor semble confirmer que les contre-pieds de Bailly et associés portent leurs fruits, avec 78 % de « je recommande » et 92 % de « J’approuve le PDG » : « Énormément d’avantages, une très bonne cohésion dans l’entreprise, beaucoup d’aide et de formation. Managers à l’écoute et missions intéressantes. Inconvénients : je n’ai pas encore trouvé d’inconvénients. » Certains en ont trouvé, malgré tout : « Le salaire est pas top ». Critique subjective et relative.
Intercontrat et formation façon Davidson
Comment recréer le sentiment d’unité managériale si les consultants qui choisissent leurs clients passent leur temps en mission ? Réponse, l’extranet, aujourd’hui en refonte, mais présent depuis 2005. Tout un chacun y trouve les outils de dialogue voulus, y compris le module « Satisfaction » à remplir nécessairement chaque mois. Trois questions redoutables y figurent : l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle, l’humeur du collaborateur et le redoutable « Le manager est-il assez disponible ? », réponse oui-non. « Vous imaginez bien que si la réponse est non, le manager s’empresse de réagir. Sans tomber dans le one minute management, nous adoptons une posture managériale concrète », confirme Jonathan Herschtal. Autre module clé : les offres de formation. Illimitées. « C’est open bar », résume Jonathan. Sitôt qu’un(e) Davidsonien(e) en éprouve le besoin, entre deux missions, il/elle s’inscrit et c’est acté, sans signature d’un manager ou d’un directeur. Chez Davidson en recrutement permanent (80 % en cooptation), un autre chiffre interpelle, le fameux pourcentage de l’intercontrat. La bête noire du conseil, cette période de latence entre deux missions. Dans la BU de notre interlocuteur, il chute à 1 % – 2 % à l’échelle du groupe (généralement 10 à 15 % dans les cabinets en général). Ça impressionne quand même. Entre missions et formations, pas de quoi s’ennuyer chez ces milliers de trentenaires spécialistes de l’infraréseau et des télécoms, des applis et services, du cloud et de l’hébergement, du big data et de la data science.
Marée de jeunisme ? Même pas : un contingent de managers dépasse la soixantaine dans ce bain à 60 nationalités chauffé au « disruptif », à la « bienveillance pragmatique » et à la « diversité », les trois valeurs davidsoniennes qui ont valu à la « boîte », quatre années de suite, un classement avantageux au label Great Places to Work et désormais entrée dans le B Corp, ce « RSE » international qui passe au crible les « exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public ». Au fait, où est M. Davidson ? Nulle part. Le nom est allusif et très « international ».
Olivier Magnan