Temps de lecture estimé : 2 minutes
Le 4 juin 2019, Citroën accédera au club fermé des constructeurs français créés il y a 100 ans au moins. Marque symbole, mythique, empreinte du génie français, de l’innovation. Nom sacré, dont la consonance si curieuse se grave dans la tête des Français/es de 7 à 107 ans. Même si Citroën SA n’existerait plus sans l’invite du gouvernement à reprendre la marque dans le groupe Peugeot société anonyme (PSA) en 1976, les doubles chevrons comptent dans les 74 milliards et quelques de chiffre d’affaires… Rappels nostalgiques.
Imaginez… que l’arrière-grand-père d’André Citroën, Roelof, n’ait pas été obligé de changer de nom quand Napoléon a annexé la Hollande en 1810. La Traction Avant se serait nommée Roelof 10 ou 15 ? Mais le marchand d’agrumes, donc de citrons, a choisi de s’appeler
Limoenman – L’homme au citron –, parce que ses clients ainsi le surnommaient. Son fils diamantaire finit par choisir de se nommer « Citron », en néerlandais « Citroen ». Ne restait qu’à ajouter un tréma pour que la prononciation fût sauve : Citroën. André, né en 1878, porta pleinement le nom… en génie.
Un génie qui révolutionne l’automobile française avec ses méthodes de production américaines et de communication atypiques. Le polytechnicien produit des obus pour la Première Guerre mondiale. Puis prend la direction des automobiles Mors. Sera-ce la Traction Avant Mors ? Non. Dans le quartier de Javel, à Paris, on travaille à produire la toute première Citroën, la Type A, le 4 juin 1919. Elle est mue par un 4 cylindres de 1 323 cm3, s’offre la royale vitesse de 65 km/h, mais c’est le premier véhicule en Europe livré complet avec ses accessoires. Elle arbore un logo aux doubles chevrons. Pourquoi ? Le brevet des engrenages indestructibles repérés par André en Pologne lui est cédé, il crée en 1905 l’entreprise qui va les produire. L’industriel va « chevronner » car il est un as du marketing, de la « com ». Et son nom improbable, à la limite du ridicule, il va en faire le synonyme de la réussite absolue.
André Citroën, inventeur communicateur
« Je veux que les premiers mots d’un enfant soient “Papa, Maman et Citroën” », rêvait souvent André Citroën. Il sait que ses futurs clients seront les gamins devenus grands : il crée une gamme des jouets Citroën. Il sait que la répétition du nom s’ancrera dans les cerveaux si les premiers automobilistes paumés sans GPS ni vraie carte le voient partout : le 20 février 1921, il présente ses plaques émaillées destinées à faciliter l’orientation sur le réseau routier français (Michelin va venir à la rescousse avec ses cartes). En 1922, pour l’ouverture du salon de l’Automobile de Paris, il fait dessiner dans le ciel par un avion son nom-marque sur une longueur de 5 kilomètres. En 1925, il fait installer 250 000 ampoules sur la tour Eiffel pour y inscrire de bas en haut « Citroën ».
Plus insolite : ses autochenilles lancées en 1922 vont traverser le Sahara, sorte de Dakar sans course avant la lettre.
Dix ans plus tard, Citroën importe le « moteur flottant » – le bloc-moteur n’est plus fixé au châssis, il oscille sur des supports métal-caoutchouc. Citroën était allé acheter l’usage de l’invention chez Chrysler.
Mais l’innovation typiquement française existe aussi. Citroën crée la gamme Traction, bâtie autour du principe des roues avant motrices et de la structure monocoque. Une première dans le monde de l’automobile ! Hélas, multiplier les inventions coûte cher. Sans assez de temps pour amortir – un comble pour le pionnier du moteur flottant –, les pertes s’accumulent, alors même que Citroën est devenu le premier constructeur national et européen, et le deuxième mondial. En 1932, Michelin, créancier principal, apure les comptes et renfloue l’affaire du constructeur aux chevrons. André survivra trois petites années à sa déconfiture personnelle. Les 2 CV et DS s’inventent sans lui, mais l’esprit du boss survit. Cent ans plus tard, deux concepts inédits signés Citroën apportent leur pointe citronnée innovante dans les gammes PSA : une vision de mobilité urbaine et une traduction de l’ultraconfort. Toujours le flottement et l’hydropneumatique…
Anna Ashkova