Répondre à un appel d’offre public pour une PME

Parfois ce sont les entreprises qui sont les moins armées sur le papier qui décrochent les étoiles…
Parfois ce sont les entreprises qui sont les moins armées sur le papier qui décrochent les étoiles…

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Petit invité de dernière minute

Accéder à la commande publique se révèle être un excellent levier de diversification pour les TPE-PME. A condition de sélectionner les bons marchés et d’adapter son offre. Conseils.

Bon nombre de patrons de TPE ou PME estiment que les marchés publics ne les concernent pas. Et pourtant… l’accès à la commande publique constitue un excellent levier de diversification. « Cela permet de décrocher des marchés à long terme et de disposer ainsi d’une certaine sécurité financière », avance Caroline Bourroux, chef de projet à la Chambre de métiers et de l’artisanat du Nord-Pas-de-Calais. Raison de plus pour s’y intéresser : la réforme des marchés publics de 2016 (cf. encadré) a mis en place des dispositifs censés faciliter l’accès des petites entreprises à la commande publique. « Les autorités ont compris que ce sont les PME qui feront reculer le chômage », note Kha Tran, co-fondateur et PDG de Nouma (www.nouma.fr), plateforme d’aide à la prospection sur les marchés publics. « La commande publique peut très vite représenter 30% du CA d’une petite entreprise, assure ce dernier. Cela représente une manne constante, alors que dans le privé cela reste plus aléatoire. » L’autre intérêt de ces marchés est qu’ils permettent à une PME de décrocher de belles références valorisables auprès de prospects et clients privés.

Se méfier des marchés « réservés »

Toutefois, répondre sérieusement à un appel d’offres est une tâche chronophage qui peut représenter plusieurs jours de labeur. Le travail de veille et de sélection des marchés est ici primordial. « Il faut impérativement être sélectif et ne pas répondre tous azimuts car, dès lors, le taux de réussite sera faible et le dirigeant risque de se décourager », conseille Frédéric Makowski, consultant et formateur en marchés publics pour les entreprises et acheteurs publics. L’entreprise aura de meilleures chances de l’emporter si elle s’est auparavant fait connaître de l’acheteur ou si elle est déjà titulaire d’un marché auprès de ce dernier. « Il ne faut pas hésiter à prendre contact avec le donneur d’ordres », assure Maxime Bernard, adjoint au directeur régional des achats à la CCI de région Hauts-de-France. A éviter, les appels d’offres pour lesquels il est impossible d’avoir un interlocuteur. « En tant que dirigeant d’une SSII, j’avais pris l’habitude de ne plus répondre aux appels d’offres si je n’avais pas pu discuter au moins une fois par téléphone avec un chef de projet », explique Kha Tran. Il convient également de se méfier des marchés « réservés » dont l’issue semble courue d’avance. Pour cela, « il faut savoir lire entre les lignes, explique Frédéric Makowski. Voir par exemple si l’acheteur n’aurait pas rédigé son marché pour favoriser une entreprise en particulier. En général, cette pratique est facilement détectable par la méthode du faisceau d’indices. Un de ces indices (mais il y en a bien d’autres) est la rédaction d’un cahier des charges orienté qui s’inspire fortement de la proposition d’un concurrent. » Alain Bosetti, président du salon SME et co-fondateur de l’agence de communication en Personne 360, juge pour sa part plus prudent d’abandonner en cas de doute : « Je dis souvent qu’il y a deux gagnants à un appel d’offres : celui qui remporte le marché et celui qui a jeté l’éponge le plus tôt possible avant d’avoir trop investi. Abandonner ne nuit pas à l’image de l’entreprise. Ce qui nuit, c’est de se planter et de décevoir. »

Se faire la main sur des petits marchés

Avant de répondre à un appel d’offres, l’entreprise doit également s’assurer qu’elle aura les reins suffisamment solides pour prendre en charge le marché en cas de succès : qu’est-ce que cela implique en termes d’achats, de recrutement ou de ligne de production ? « Remporter un appel d’offres public peut conférer une nouvelle dimension à votre entreprise, affirme Alain Bosetti. Il faut être attentif à tous les aspects financiers qui en découleront : chiffre d’affaires, marges générées, délais de paiement qui peuvent être longs, etc. » D’une manière générale, le premier conseil que l’on pourrait donner à une TPE-PME est de se faire la main sur des petits marchés, idéalement dans un rayon géographique proche. Puis d’avancer crescendo. « Il ne faut surtout pas avoir les yeux plus gros que le ventre, affirme Frédéric Makowski. Une entreprise dont le chiffre d’affaires est d’un million d’euros ne sera pas crédible pour répondre à un marché estimé à un million d’euros sur un an. » « Il faut également être vigilant sur une possible dépendance économique dans le cas des marchés reconductibles, ajoute Maxime Bernard. Il convient de s’assurer que l’éventuelle perte du marché au bout de trois ou quatre ans ne mette pas la société en péril. »

Attention, ces mises en garde ne signifient pas pour autant que les jeunes entreprises ne peuvent pas répondre à un appel d’offres dès leur création. L’idée selon laquelle il faudrait attendre trois années d’existence de l’entreprise avant de se positionner sur des marchés publics est totalement fallacieuse. Ainsi, une jeune TPE pourra cibler en priorité les marchés dits de gré à gré dont le montant est inférieur à 25000 euros (cf. encadré). Toutefois, comme la publication de ces marchés n’est pas obligatoire, il est d’autant plus important de se faire connaître en amont des donneurs d’ordres potentiels, ne serait-ce que par l’envoi d’une plaquette commerciale ou d’une demande de rendez-vous, au risque de passer à côté de l’information. « Pour ce genre de marchés, les dossiers sont moins complexes à remplir, la production de documents et l’investissement moindres », souligne Maxime Bernard.

Ne pas copier-coller

Vous avez trouvé le marché de vos rêves ? Parfait. Il convient maintenant de soigner votre réponse. En clair : pas de dossier type. Per-son-na-li-sez votre offre. « Les entreprises ont tendance à faire des copier-coller dans la rédaction de leur mémoire technique, observe Frédéric Makowski. Or si vous ne vous adaptez pas au client, vous pouvez rapidement vous trouver hors-sujet sur certains points. Et, au final, c’est le client qui a raison. » Afin de bien adapter votre dossier aux besoins de l’acheteur, il est nécessaire d’avoir une lecture attentive des critères de jugement. Inutile de trop insister sur la technique si le prix pèse pour 80% dans la décision finale. Sur la forme, « l’offre doit être bien illustrée, propre et sans faute d’orthographe ! », insiste Caroline Bourroux.

Bref, répondre à un marché public ne s’improvise pas. Pour recueillir cette manne, l’entreprise doit se structurer un minimum en interne. Cela peut passer par la formation d’une personne référente ou le recours à un organisme de conseil. Commencez par vous rapprocher des chambres de commerce et d’industrie. Elles proposent généralement des modules de sensibilisation voire de formation aux marché publics. « La relation commerciale avec un acheteur public est moins souple, moins flexible que dans le secteur privé, souligne Maxime Bernard. Il est d’autant plus important de se former, se faire accompagner et d’avoir une personne ressource sur le sujet. » Pour progresser, il est également vivement conseillé de se rapprocher des donneurs d’ordres qui n’ont pas retenu votre candidature. Cela permet de debriefer sur les raisons de votre échec. L’acheteur public a l’obligation réglementaire de vous répondre. Enfin, dédramatisez. « Perdre une compétition n’est pas une catastrophe, à partir du moment où vous avez pu vous faire connaître de l’acheteur et lui présenter votre offre », relativise Kha Tran.

Plateforme d’accompagnement

NouMa, pour y voir plus clair

Journaux d’annonces légales, bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), plateformes de l’acheteur, sites dédiés… les sources pour dénicher des marchés publics sont multiples. Au démarrage, les solutions gratuites peuvent largement suffire. D’autant que les plateformes payantes sont généralement coûteuses à l’échelle d’une petite entreprise (en moyenne 300 euros par mois). C’est de ce constat que s’est créée la nouvelle plateforme NouMa. « Nous proposons un moteur de recherche gratuit et un abonnement mensuel de 29 euros permettant de télécharger les dossiers de consultation des entreprises (DCE), créer des alertes, suivre les appels d’offres, etc. », expose Kha Tran, co-fondateur et Pdg de NouMa, plateforme d’aide à la prospection sur les marchés publics.

Nouvelle loi

Un accès facilité aux petites entreprises

Le décret du 25 mars 2016, entré en vigueur au 1er avril de la même année, a réformé les marchés publics en profondeur. Parmi ses 189 articles, le décret réaffirme et étend notamment le principe de l’allotissement à l’ensemble des acheteurs. Une disposition qui doit permettre de susciter une plus large concurrence quelle que soit la taille des entreprises, facilitant ainsi l’accès à la commande publique. Ce texte est donc particulièrement favorable aux PME. Ainsi, sauf exceptions, tous les marchés publics doivent désormais être passés en lots séparés lorsque des prestations distinctes peuvent être identifiées.

Publication des marchés publics

Quelles obligations ?

  • En dessous de 25000 euros, on parle d’une procédure de gré à gré. L’organisme public n’a pas d’obligation de publier son marché.
  • De 25000 à 90000 euros, la publication du marché se fait à la discrétion du donneur d’ordres. Celui-ci peut choisir d’en faire la publicité sur sa propre plateforme, sur un site dédié, sur le BOAMP, etc.
  • Au-delà de 90000 euros, le donneur d’ordres est soumis à l’obligation de publier son marché public sur le BOAMP ou sur un Journal d’annonces légales (JAL).

La procédure formalisée intervient lorsque le montant est supérieur à 5,225 millions d’euros pour les marchés publics de travaux. Et, dans le cas des marchés publics de fournitures et de services, lorsque le montant est supérieur à 135000 euros pour l’Etat et ses établissements publics, 209000 euros pour les collectivités et les établissements publics de santé, et 418000 euros pour un acheteur public exerçant une activité d’opérateur de réseaux. Lorsque ces seuils sont dépassés, la procédure est plus lourde et la publication obligatoire au BOAMP ainsi qu’au JOUE (Journal officiel de l’Union européenne).

Yann Petiteaux

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