De Funès, l’acteur à l’âme d’entrepreneur

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Geoffrey Wetzel, journaliste-chef de service

Ce mois de janvier 2023 marque le 40e anniversaire de la disparition du plus grand comédien du XXe siècle. Mais, plus qu’un acteur, Louis de Funès incarne cette âme d’entrepreneur défendue bec et ongles à ÉcoRéseau Business. Du travail acharné. De la persévérance. Un concept qui fonctionne, du succès… De Funès, alias Cruchot, Lefort ou Septime – c’est selon – a de quoi inspirer les futurs entrepreneurs.

« Moi, j’ai une mission, c’est de faire rire, et je trouve que c’est déjà pas mal […] Les malheurs, les gens les retrouvent bien assez tôt. Le rire, on en aura toujours besoin ! », disait Louis de Funès de Galarza. Telle une entreprise à mission, engagée dans des causes sociales ou environnementales, ce fils d’immigrés espagnols, né à Courbevoie, avait lui aussi une mission universelle : faire rire. Un rôle d’antidépresseur. Un remède au morose, au tragique. Le joker que les chaînes de télé sortent pour doper leurs audiences. Le moment d’évasion dans une France alors mise sous cloche. Pas moins de 50 millions de spectateurs rassemblés devant ses films durant le premier confinement. Avec un record pour La Folie des Grandeurs, diffusé en avril 2020 sur France 2, devant 5,3 millions de spectateurs. La Grande vadrouille ? 5,1 millions. Rabbi Jacob ? 4,1 millions !

Louis de Funès, c’est celui qui ne rentre pas dans les cases. Scolarité médiocre, indiscipliné, et renvoyé presque partout où il passe. Incapable de supporter l’autorité et l’égo mal placé des petits chefs qu’il rencontre – managers toxiques dirait-on aujourd’hui. Un jour apprenti fourreur, un autre dessinateur industriel ou pianiste de jazz, Louis de Funès est avant tout un indépendant. Qui persévère, longtemps, une éternité même.

Boulimique de travail, Louis de Funès ne renonce pas. Son tour arrivera. L’acteur multiplie les seconds rôles, les scènes où parfois il n’ouvre qu’une porte. Toujours ça de pris. Un micro-passage dans le film La Traversée de Paris (1956) suffira à le faire remarquer. Qui est cet inconnu capable de faire jeu égal avec les monstres du cinéma, déjà connus, Gabin et Bourvil ? C’est la révélation. De Funès bascule du bon côté, à 50 ans.

L’acteur-entrepreneur a inventé un personnage comme une entreprise lance un concept encore jamais vu. Ce même personnage qu’il a construit au fur et à mesure de sa vie, dans ses carnets où il pose sur papier ses idées bouillonnantes. Imaginer, trouver, gommer, recommencer, penser à nouveau, c’est cela aussi un entrepreneur. Là où Jean Gabin est « habitué à jouer des choses très précises », De Funès, lui, c’est « la spontanéité même, il trouve des choses en jouant, quand on recommence les scènes, il trouve des choses nouvelles, et il est important de ne pas le gêner dans ses trouvailles », remarque le réalisateur du Tatoué, Denys de la Patellière.

Perfectionniste, De Funès sait innover. S’adapter quand il sent qu’il joue sur un faux rythme – son passé de musicien l’aide beaucoup. L’acteur n’hésite pas à prendre les choses en main, s’implique de plus en plus dans les scénarios, quitte à faire de l’ombre aux réalisateurs – le courant passait mal avec Molinaro. Bref, Louis de Funès, en patron autodidacte – son passage au prestigieux Cours Simon n’aura duré que quelques mois – joue et enchaîne les partitions jusqu’à venir à bout de toutes les fausses notes.

Louis de Funès, un entrepreneur qui aurait lancé une marque indémodable. Qui a plu hier et plaira demain… d’abord aux enfants interpellés par l’éventail de ses mimiques et grimaces – « l’homme aux 40 visages par minute », est-il surnommé. Puis aux adultes, attachés à ce personnage à la fois pitoyable, hypocrite car fort avec les faibles et faible avec les forts, mais que l’on peine à détester. Succès n’empêche pas de travailler toujours plus. De Funès est l’un des seuls à pouvoir tourner en un été trois films qui deviendront cultes : Le Corniaud, Le Gendarme de Saint-Tropez et Fantômas.

Bref l’acteur a réussi sa mission initiale, bâtir un empire du rire. Sans se préoccuper de la presse, celle de gauche notamment, pas avare en critiques. Son succès agace, alors les journalistes se le « paient » comme on pointerait du doigt un entrepreneur devenu milliardaire. À un détail près, le roi de la comédie a le peuple rangé derrière lui là où, si l’on file la métaphore, un Bernard Arnault a tendance à diviser. Peu importe, « dans les journaux, il arrachait les pages spectacles pour ne pas lire les articles sur lui », pointe Clémentine Deroudille, celle qui a monté l’exposition permanente qui lui est dédiée au musée de Saint-Raphaël (Var).

Car oui, comme tout entrepreneur qui a réussi, il devient mentor pour d’autres : « Pour moi, Louis de Funès est l’acteur référent. Il a toujours été bon, même dans ses mauvais films. […] J’essaie toujours de me demander ce qu’il aurait fait », déclare Alexandre Astier dans les colonnes du Figaro en 2014. Alors oui, Monsieur De Funès, merci pour tout.

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

1 COMMENTAIRE

  1. Geoffroy, ravi de cet article que je lis au retour des manifestations des 40 ans du décès de Louis de Funès que j’ai croisé dans son village du Cellier où je passais mes vacances (avant que le Musée de Funès file dans le Var)

    Je réagis au point, assez fondamental, de l’entrepreneure qui a réussit et qui deviendrait par essence forcément “mentor”. (je passe sur la lecture de ce qu’est la “réussite”)

    C’est plus complexe pour 2 raisons :

    1/ les entrepreneurs dits “naturels” (15 à 20 % pas plus) dont Bernard ARNAULT fait sans doute partie ont rarement conscience des transformations intellectuelles, posturales ou culturelles que doivent faire 80 % des salariés ou exsalariés. Encore plus, s’ils sont nés dans un environnement favorable en termes de réseaux et d’accès aux finances.
    Ils ont certes bossés très dur et ont rarement pris des très gros coups qui font ploger au dedans de soi et du monde.

    2/ les entrepreneurs par destination (80 %), le plus souvent contraints par leur parcours de manager, cadre ou salarié perturbé ont soit réussi à la force du travail , de la chance (il en faut toujours), de changements et d’un accompagnement adhoc qu’ils ne conscientisent pas toujours, ce qui rends leur mentorat.

    Et encore je ne parle que des entrepreneurs réellement créateurs ou repreneurs.

    Le cas des manager-dirigeants qui n’ont pris aucun risque capitalistique est en soit un vrai film (celui de la soupe au choux ???).
    Leur mentorat peut être excellent s’ils s’y sont formés et ont l’humilité de leur parcours entrepreneurial spécifique (exploiter et développer les moyens risqués par d’autres ) ou …

    ou terriflifiant dirait le bon Louis de Funès.

    Car de manière inconsciente, ils se construisent une légitimité de facade et entretiennent chez le mentoré l’illusion que le rêve, la foi, la belle image et les audiences de folie construisent un entrepreneur.

    Je ne sais quel film de Louis de Funès illustrerait aussi bien ce processus qu’Obélix et compagnie en 74 racontait de manière délectable.

    C’est en tout cas tout le travail de pédagogie et d’information des média que la FNPAE engage et que j’aurais grand plaisir à vous présenter, comme je le fis avant le covid dans vos colonnes.

    Xavier

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